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Meurtres non résolus à Montréal : des blessures qui ne guérissent pas
Meriem Boundaoui, 15 ans, a été tuée le 7 février 2021.
23/2/2022

Meurtres non résolus à Montréal : des blessures qui ne guérissent pas

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Un an. C’est le temps qui s’est écoulé depuis que Meriem Boundaoui a perdu la vie dans le stationnement d’une boulangerie à Saint-Léonard. Le 7 février 2021, l’adolescente de 15 ans était tuée par balle alors qu’elle était à bord du véhicule de son ami. L’espoir de voir ce crime être résolu ? Sa sœur, Safia Boundaoui, commence à le perdre. « [Les enquêteurs] viennent à la maison parfois, mais jusqu’à quand ? » se demande-t-elle. Pour les proches de victimes comme Safia, l’espoir est difficile à entretenir. Comment y parvenir ? Le taux de résolution des homicides est-il plus faible à Montréal qu’ailleurs ? La Converse a enquêté.

Meriem était la plus jeune des sœurs Boundaoui. Arrivée au Canada avec l’espoir d’y trouver un avenir meilleur, elle rêvait d’enseigner et d’acheter un magasin pour son père resté en Algérie. Le Canada était un pays de rêves pour la jeune fille. « Elle pleurait pour venir au Canada », nous raconte Safia dans sa demeure. Une pancarte fabriquée l’an dernier lors d’une journée de commémoration se trouve dans le salon de Safia. « J’avais juste 15 ans…  » y est-il écrit. On y voit le visage de la jeune fille, qui a fait le tour du pays. Un an plus tard, c’est la même douleur qui habite la famille Boundaoui. « Je n’arrête pas de la pleurer. Parfois, quand je ne veux pas faire quelque chose, je pense à elle et je le fais pour elle. Juste pour elle, elle nous a quittés trop jeune », nous dit Safia en regardant la pancarte, alors qu’un petit oiseau bleu appelé Meriem chante à l’entrée de la maison. Il a été acheté après le décès de la jeune fille.

Pour pouvoir calmer sa douleur, la famille de la défunte demande la résolution du crime. Mais après un an, elle a du mal à comprendre qu’il ne soit toujours pas résolu. L’enquête est toujours en cours, aucune accusation n’a été portée. Safia est en contact régulier avec les enquêteurs de la police de Montréal. Elle dit avoir confiance en la police, mais cette confiance commence à s’effriter. D’après elle, les enquêteurs n’en ont pas fait assez. « Tant que l’affaire est étouffée, c’est dur. Ils viennent à la maison, mais jusqu’à quand ? demande-t-elle. Ça fait un an que ma sœur est morte et il n’y a aucune arrestation… Pourtant, la place où elle était était vraiment suspecte. On en entend parler. Après un an, pourquoi n’ont-ils rien découvert ? »

Plusieurs personnes du quartier ainsi que le corps policier ont eu vent de certains suspects. Des noms ont été nommés. « Des rumeurs qui circulent. Dans le quartier, ces voyous sont connus quand même, les gens les connaissent, la police aussi », indique une source proche de la défunte. La fusillade serait une riposte à un conflit entre deux groupes de jeunes ayant eu lieu quelques jours avant le meurtre de Meriem. .

La Converse a communiqué avec le principal responsable chargé de l’enquête sur le meurtre de la jeune fille, le sergent-détective François Baillargeon, pour tenter de comprendre où en était l’enquête. Il nous a indiqué au téléphone qu’il ne pouvait faire aucun commentaire pour ne pas nuire à son enquête. « Je sais tout ce qui se dit dans la rue, et probablement plus que vous », a-t-il toutefois laissé savoir. Au sujet de la lenteur de l’enquête, il a expliqué que, « dans certains pays, le fardeau de la preuve est moins élevé, mais au Canada, le fardeau de la preuve est très important ; on ne veut pas mettre des innocents en prison ».

Taux de résolution des homicides plus faible en 2021 à Montréal

En 2021, Montréal a connu une augmentation marquée de la violence armée. Au total, 35 homicides y ont été répertoriés, un sommet depuis 2010. Pourtant, même si la métropole compte plus de policiers par habitant que n’importe quelle autre grande ville du pays, à peine la moitié des dossiers considérés comme des homicides ont mené à des accusations en 2021. Selon des données pancanadiennes recueillies par La Converse, cette proportion est bien en dessous du pourcentage d’accusations portées contre les auteurs d’homicides dans presque toutes les grandes villes du Canada. Si à Montréal moins de la moitié des meurtres ont mené à des accusations en 2021, ce sont presque les trois quarts qui ont donné lieu au dépôt d’accusations à Toronto.

Illustration : Maya Sakkal

Un système de justice « malade »

Paul Laurier, qui a navigué dans le système judiciaire québécois pendant des années en tant qu’enquêteur, connaît ses points forts et ses faiblesses. Au Québec, « les policiers montent la preuve, mettent les dossiers sur le bureau du procureur, et c’est le procureur qui autorise les accusations », explique-t-il. Ce que M. Laurier appelle le « bureau du procureur », c’est le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Le DPCP agit comme un pont entre les policiers et le système judiciaire. Les dossiers et leur preuve lui sont soumis afin qu’il détermine si des accusations doivent être portées contre le ou les suspects. « Le DPCP, ça ajoute une couche. Ce n’est pas nécessairement mauvais », nuance l’ex-enquêteur.

Mais si on regarde ce qui se fait à Toronto, où plus de meurtres, toutes proportions gardées, ont mené à des accusations en 2021, on peut se demander si le système de justice ontarien, qui ne comporte pas d’équivalent du DPCP, facilite les accusations au criminel. « En Ontario, ce sont les policiers qui accusent directement [les criminels]. Les procureurs sont là pour les coacher, explique M. Laurier. L’État suit et appuie [les policiers] là-dedans. » L’ancien enquêteur croit que cette façon de faire peut mener plus facilement à des procès contre des accusés. Il cite en exemple le procès de Jian Gomeshi pour agression sexuelle en 2016, qui, malgré les accusations à son endroit, n’a pas été reconnu coupable. « Au Québec, ce procès-là n’aurait probablement jamais eu lieu », dit-il. Bref, même si la police peut elle-même amener des personnes devant les tribunaux, cela ne se traduit pas nécessairement par plus de verdicts de culpabilité. M. Laurier estime tout de même que le système de justice au Québec est « malade ». « Les délais sont incroyables, et la police est défavorisée [lors du processus judiciaire] », raconte-t-il. Il cite en exemple certains détails techniques qui forcent les services de police à « fermer » leurs preuves dans des délais prescrits. « À l’époque, on pouvait faire des arrestations, et le complément d’enquête arrivait après. Maintenant, on ne peut plus faire ça. […] Dans le droit du bandit par rapport au droit de la famille, c’est le droit de l’accusé qui est gagnant. […] Pendant ce temps-là, les bandits ont le gros bout du bâton », observe-t-il.

Un constat que font aussi avec amertume les proches de Meriem Boundaoui. Ce qui les inquiète, c’est qu’ils ne sont pas les seuls à pleurer des jeunes qui tombent sous les balles. « Après le meurtre de Meriem, combien d’autres ont été tués par balle ? C’est la même chose », déplore Safia. Cette dernière pense que, si on ne résout pas le meurtre de sa sœur, on normalise la violence armée. « Ces jeunes qui tirent, ils sont immunisés face aux conseils ; même si on leur en donne, ils ne vont pas les écouter. Dans leur tête, ils voient la mort, ils voient des armes, c’est leur manière de vivre. […] Alors, s’ils tuent une fois, ça devient très facile pour eux. Ils dépassent le seuil de la peur, ils deviennent courageux. C’est comme si on normalise ça », dit-elle avec émotion. Safia ne souhaite pas de mal à celui qui a tiré sur sa sœur, mais elle demande justice pour que d’autres personnes ne suivent pas son exemple. « Vous ne croyez pas que le crime sera résolu ? » lui demande-t-on. « Après 10, 15 ans peut-être, quand on oublie tout », confie-t-elle. « J’ai rencontré une dame ; son fils a été tué il y a deux ans à Montréal, elle nous a consolés, poursuit-elle. Elle pleure son fils depuis deux ans, elle n’a pas de nouvelles au sujet du coupable. C’est pourquoi je me dis que, d’ici 15 ans, nous aurons peut-être des nouvelles sur le coupable du meurtre de Meriem… Parfois, je me demande pourquoi, dans un pays développé, ils ne sont pas capables à ce point de résoudre un crime… » s’interroge Safia.  

Un problème de confiance ?

Plusieurs experts s’accordent pour dire que la confiance envers un corps policier joue un grand rôle dans la résolution des crimes commis sur son territoire. « Évidemment, on peut dire que, s’il y a une grande confiance envers le corps policier, les gens vont davantage aller voir la police, ils vont davantage collaborer avec elle et ils vont plus participer globalement à la sécurité », déclare Massimiliano Mulone, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Cette confiance, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) l’a vue s’éroder au cours des dernières années. Selon un sondage réalisé par la firme Angus Reid en 2020, seuls 67 % des habitants de Montréal voient d’un œil favorable le SPVM. Ce taux est le pire des 10 plus grandes villes canadiennes.

Pour l’enquêteur à la retraite Paul Laurier, les statistiques sur la résolution des crimes en 2021 sont davantage une « anomalie statistique » qu’une conséquence de la baisse de confiance de la population envers le SPVM. Presque 90 % des meurtres commis à Montréal l’année précédente, en 2020, avaient été résolus. « C’est difficile d’enquêter [de nos jours] », explique celui qui a travaillé pour la Sûreté du Québec pendant plus de 20 ans. « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’accusation que le dossier n’est pas enquêté et que les sources ne sont pas considérées comme crédibles », précise-t-il.  

Le type de meurtre pourrait expliquer la faiblesse du taux de résolution en 2021, selon le criminologue Massimiliano Mulone. « Je ne suis pas certain que l’on puisse faire une corrélation aussi directe [entre la confiance de la population et la résolution des meurtres]. Pour 2021, il est possible qu’une partie des homicides [à Montréal] soit liée aux guerres intestines qu’il y a dans le crime organisé. Ce sont des homicides beaucoup plus difficiles à résoudre », explique le chercheur. Une hypothèse qui est également évoquée par Paul Laurier. Ce dernier explique le bas taux de résolution des crimes par la récente vague de violence liée à la prolifération des armes à feu. « 2021 a été catastrophique », conclut-il.

Omerta chez les jeunes

Au Collège de Maisonneuve, on rencontre Mohamed Mimoun qui travaille en tant qu’intervenant avec les étudiants et coordonne le Forum jeunesse de Saint-Michel. Les enjeux que vivent les jeunes des quartiers, il les connaît bien. Plusieurs se confient à lui.  Il nous explique ce manque de confiance. M. Mimoun n’est pas surpris de la faiblesse du taux de résolution des crimes liés à la violence armée à Montréal. « J’ai l’impression que les policiers n’arrivent pas à avoir de l’information et que, s’ils en ont, ils n’arrivent pas à avoir un témoignage clair de quelqu’un qui puisse apporter des preuves […] Les jeunes, ils sont fermés. S’ils sont témoins de quelque chose, ils préfèrent aller se venger eux-mêmes plutôt qu’aller voir quelqu’un pour partager l’information », lance-t-il. Il cite en exemple des jeunes de Saint-Léonard qui ont fait l’objet d’attaques armées la semaine dernière et qui lui ont confié qu’ils refusent d’en parler à la police par manque de confiance. Même constat après le décès d’Amir Benayad, ce jeune de 17 ans abattu sur le Plateau-Mont-Royal lors d’une rixe entre deux groupes de jeunes en janvier, rapporte M. Mimoun. Les jeunes présents savent qui a tiré, mais ne veulent pas en parler aux policiers. « Il y avait des jeunes qui voulaient venger leur ami au lieu d’aller voir la police. Pourquoi ? Parce qu’ils ne font pas confiance au système », affirme l’intervenant jeunesse. « Est-ce parce que la résolution des crimes prend trop de temps ? » lui demande-t-on.

« Je pense qu’ils savent que la police n’a pas le pouvoir de résoudre les affaires, car elle n’est pas connectée dans les communautés ; elle n’arrive pas à rentrer dans ce cercle. On est entre communautés, on sait qui a fait ça, mais on dirait que la police n’arrive pas à atteindre ce cercle-là pour savoir qui a fait quoi. C’est comme ça que les jeunes commencent à le voir, c’est comme un pouvoir. Ils ne se sentent pas protégés par la police. » Ainsi, ceux qui tirent ont même l’impression d’avoir plus de pouvoir que les autorités. Pour Mohamed, ce constat est une conséquence d’une négligence des policiers à l’égard des communautés racisées qui dure depuis longtemps. « C’est la conséquence de ce qu’on n’a pas fait depuis des années : on n’est pas connectés aux communautés. C’est comme une vengeance pour les jeunes, qui se disent : “Vous êtes là juste pour nous embêter avec des arrestations arbitraires et du profilage. Eh bien, démerdez-vous maintenant pour trouver vos criminels, les vrais, pas le gars qui a grillé un feu ou qui traîne dans un parc !” »

La transparence porte-t-elle ses fruits ?

Malgré le nombre élevé des meurtres non résolus, il est difficile pour le grand public d’avoir des informations sur ces crimes, car le SPVM limite l’accès à ces dossiers. Sur son site Web, seuls les détails de six homicides sont accessibles au grand public, le plus récent datant de 2012. Une recherche rapide sur le Web nous apprend que certains services de police profitent grandement d’Internet pour résoudre des crimes sur leur territoire. Ainsi, la police de Toronto rend toutes ces informations publiques. On peut autant consulter sur son site les enquêtes en cours sur les meurtres commis ces dernières années que les dossiers « froids », c’est-à-dire qui ne font pas l’objet d’une enquête active.

Pour Paul Laurier, diffuser de telles informations sur le Web est une technique à préconiser. « La police de Toronto est très active [en ligne]. Ce sont des bonnes pratiques. Ce sont des choses simples qui ne coûtent pas des millions », souligne-t-il. Pourquoi le SPVM ne facilite-t-il pas l’accès à ce type d’informations ? Consultée par courriel à ce sujet, la section des relations médias du SPVM nous a répondu que « cette façon de faire n’a pas porté fruit » et que « les efforts et les ressources sont depuis dirigés autrement pour faire avancer les enquêtes ». On précise aussi que « le SPVM demeure toujours à l’affût des diverses avenues d’enquête possibles afin de résoudre les meurtres non résolus ».

Comment résoudre plus de crimes et prévenir la violence armée ?

Même s’il est difficile de mettre le doigt sur les causes exactes de ce bas taux de résolution, la réalité pour les familles des victimes ne change pas. Comment mieux résoudre ces crimes et apporter la paix aux familles endeuillées ? « Je pense que l’objectif de tout le monde est le même : diminuer la violence et la délinquance juvénile dans l’est de Montréal. Mais ça passe par le rapprochement, ça passe par la communication », nous dit Robenson Raphäel, intervenant jeunesse de l’organisme Horizon Carrière de Saint-Léonard. Nous le rencontrons dans son local de la rue Jean-Talon. Robenson œuvre dans le cadre du programme Départ à neuf, qui vise à aider les jeunes en situation de décrochage scolaire à faire un retour aux études ou sur le marché du travail. Le local est à quelques pas de l’endroit où Meriem Boundaoui a été tuée un an plus tôt, juste à côté de la boulangerie Castel. Depuis ce drame, Robenson note une plus grande présence policière autour du bâtiment : des cadets, des policiers à cheval, des caméras, des patrouilleurs sont souvent visibles. Mais il estime qu’il faut aller plus loin : « Pour moi, aller plus loin, ça veut dire aller parler aux gens, leur demander comment ils se sentent, plaide-t-il. Les policiers doivent aussi apprendre à parler aux gens du quartier et aux jeunes.

Une relation, ce n’est pas une fois par année ; l’approche change tout. » Robenson pense qu’il faut travailler avec les jeunes qui tombent dans la criminalité et perdent espoir dans le système de justice. « Un jeune qui meurt, c’est difficile. Je ne pense pas qu’un jeune se réveille et se dit : “Moi, je veux être un criminel.” Les policiers font leur truc, mais nous aussi, nous avons un rôle à jouer auprès de la population », affirme-t-il. « Nous pouvons aider les jeunes à dénoncer les choses, mais ça passe par l’éducation. Moi, je dis : “S’ils ne collaborent pas avec la police, qu’ils collaborent avec quelqu’un. Parce qu’en tant que jeune, il y a des fardeaux que tu portes – c’est très lourd. Des fois, tu ne peux pas en parler à maman et papa. Mais il y a quand même un intervenant, un ami à qui tu peux parler. Mon objectif, c’est de dire qu’on est là pour eux, qu’on est à l’écoute et qu’on veut faire partie de la solution. On est prêts à les aider s’ils veulent être aidés », explique l’intervenant jeunesse de Saint-Léonard.

Robenson Raphaël convient toutefois que les programmes jeunesse ne sont pas toujours adaptés à cette frange de la population. « C’est sûr que le programme a été monté il y a des années, ce n’est pas fait comme : “Si tu as des armes chez toi et que tu as tiré quelqu’un, yo G, sors du hood et viens chez nous.” J’en ai dans mon programme qui avaient les deux pieds dedans, ils savent ce qui se passe dans la rue. On veut que les jeunes sachent qu’ils peuvent trouver de l’emploi et qu’il y a d’autres choses qu’ils peuvent faire pour changer le cours de leur vie », rappelle-t-il.

Le message de Safia

De retour chez Safia Boundaoui, on lui demande ce qu’elle souhaiterait dire aux jeunes qui utilisent des armes et à celui qui a tué sa sœur. « Comment as-tu le courage de prendre une arme ? Est-ce que tu imagines… si on te tue, penses-tu à ta famille, à tes parents ? As-tu des sentiments ? Si tu n’as pas de sentiments, je ne peux pas parler avec toi. Des fois, on a des sentiments, mais on le fait à contrecœur. As-tu des sentiments dans ton cœur ? Dis-moi, as-tu encore des sentiments ? » demande-t-elle la voix tremblante. Elle s’arrête un moment. « La personne qui a tué ma sœur, j’aimerais bien la voir. Est-ce qu’il a une conscience ? Il est allé tuer quelqu’un d’autre. Je pense que jamais ce jour n’arrivera, jamais je ne verrai cette personne. Si j’étais à sa place, je me rendrais à la police. » Elle ne lui souhaite pas de mal, seulement une punition. « Pour arriver à tuer, il est malade, il n’est pas dans sa tête. C’est une victime, je pense à ses parents même », ajoute-t-elle.

Meriem Boundaoui enfant, dans son village natal en Algérie.

Meriem Boundaoui enfant, dans son village natal en Algérie.

Safia veut aussi s’adresser aux parents d’adolescents pour leur demander de prêter attention à la santé mentale de leurs enfants. « Je veux faire passer un message aux parents, je veux leur demander de suivre leurs enfants, leur santé mentale. Si mon fils est dangereux, je peux le détecter, je peux le savoir. Je suis la première à savoir que mon fils est dangereux. Je peux faire quelque chose pour lui, pour le soigner », observe la mère de famille.

*La Converse a été à plusieurs reprises en communication avec le SPVM pour tenter de discuter du taux de résolution des homicides à Montréal en 2021. Le service des communications n’a pas répondu à ces questions et nous a plutôt dirigés vers le DPCP. Au DPCP, on nous dit qu’il leur est difficile de commenter ce taux puisque seuls les dossiers qui mènent à des accusations lui sont transmis. Au sujet du pourcentage du budget policier alloué aux différents types de policiers, le service des communications du SPVM nous répond ne pas avoir cette information en main et qu’«une telle démarche prendrait du temps, mais elle nécessiterait également une mobilisation de ressources qui ne feraient alors plus du travail “policier” ».

L’actualité à travers le dialogue.
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