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23/4/2025

Élections fédérales – Trois étapes pour repérer une fausse nouvelle sur les médias sociaux

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

À une époque où de nombreux citoyens se renseignent principalement sur les réseaux sociaux, ces plateformes deviennent des terrains intéressants pour les fabricants de fausses nouvelles. Ces derniers rivalisent d’ingéniosité pour manipuler l’opinion publique, souvent pour des raisons politiques ou économiques, tout particulièrement en période électorale. Voici une méthode simple et rapide pour vous protéger de cette menace.

« Les élections fédérales canadiennes de 2021 ont été marquées par une désinformation généralisée, mais la désinformation n’a eu qu’un effet minime sur l’ensemble de l’élection », a conclu une équipe de recherche canadienne dans un rapport publié en 2022. Quatre ans plus tard, le pays se prépare à un nouveau scrutin dans un tout autre contexte.

Il s’agit en effet du premier scrutin depuis qu’Elon Musk a racheté Twitter en 2022 – réseau qu’il a rebaptisé X –, ce qui suscite des craintes au sujet de l’influence qu’il pourrait avoir sur la politique canadienne. Mais c’est aussi la première élection depuis que Mark Zuckerberg, à la tête du groupe Meta, a bloqué l’accès aux nouvelles canadiennes sur Instagram et Facebook en 2023, en plus de licencier il y a quelques mois les vérificateurs de faits qui travaillaient pour Meta. Les craintes d’une multiplication de fausses nouvelles sont donc de plus en plus importantes.

En février dernier, le directeur général des élections du Canada a d’ailleurs écrit aux plateformes numériques pour exprimer ses préoccupations au sujet de l’incidence des médias sociaux sur la démocratie canadienne. 

Le ministre responsable des Institutions démocratiques du Québec, Jean-François Roberge, a quant à lui déposé le 3 avril un projet de loi qui rendrait illégale la diffusion délibérée de fausses nouvelles pour influencer une élection ou diminuer la confiance que le public peut avoir dans le processus électoral. En cas d’infraction, des amendes de 1 000 $ à 10 000 $ sont prévues pour un particulier, et de 5 000 $ à 30 000 $ pour une entreprise ou un organisme. Ces montants seraient majorés en cas de récidive.

Une série d’enquêtes publiées en 2023 par Statistique Canada révèle que près des deux tiers des Canadiens (64 %) font peu confiance aux informations qui se trouvent sur les médias sociaux, et que 43 % ont le sentiment qu’il est de plus en plus difficile de distinguer en ligne la réalité de la fiction. L’accès à une information fiable est donc un enjeu non négligeable si l’on souhaite s’assurer que le processus électoral soit juste et transparent.

La désinformation pour influencer les électeurs

Les fausses nouvelles peuvent prendre plusieurs formes. Il peut s’agir d’informations entièrement ou partiellement inventées, d’images ou de vidéos sorties de leur contexte, montées de manière trompeuse ou générées par l’intelligence artificielle... Le but est souvent de semer la division, de manipuler l’opinion publique ou de favoriser une orientation politique. 

Leurs commanditaires sont des États, des individus, des entreprises ou des groupes qui, motivés par une idéologie, misent sur les nouvelles technologies et savent utiliser les algorithmes des médias sociaux pour s’ingérer dans une campagne électorale. Leur objectif est de promouvoir le candidat ou le parti politique qui correspond à leurs intérêts. 

Le 7 avril dernier, le gouvernement canadien a révélé l’existence d’une tentative coordonnée d’ingérence dans la campagne fédérale, orchestrée par le compte Youli-Youmian, considéré comme la source d’information la plus suivie sur la plateforme chinoise WeChat. Selon le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, cette opération de désinformation s’est déroulée les 10 et 25 mars dernier, atteignant entre un et trois millions de vues.

Une tentative coordonnée d’ingérence dans la campagne fédérale, orchestrée par le compte Youli-Youmian, considéré comme la source d’information la plus suivie sur la plateforme chinoise WeChat. Photo : capture écran.

Les messages diffusés faisaient l’éloge de Mark Carney, le présentant comme le meilleur adversaire de Donald Trump et mettant en avant son parcours professionnel dans le secteur financier. « L’opération d’information visait à influencer les communautés sino-canadiennes du Canada et cherchait à façonner leur perception du premier ministre, Mark Carney », affirment les services de renseignement canadiens.

Les personnes d’origine chinoise représentent 4,7 % de la population canadienne, selon le recensement de 2021, un poids électoral significatif, notamment dans les centres urbains comme Toronto et Vancouver.

« Il est fort probable que la RPC (République populaire de Chine) utilise des outils basés sur l’IA pour tenter d’interférer avec le processus démocratique au Canada lors de cette élection », a alerté Vanessa Lloyd, directrice adjointe des opérations du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), lors d’une conférence de presse le mois dernier. Bien que certaines publications passées aient été associées à des entreprises publiques chinoises, l’ambassade de Chine à Ottawa a nié toute implication du gouvernement chinois dans les activités du compte Youli-Youmian. Cette affaire constitue néanmoins un exemple préoccupant d’utilisation de la désinformation par une entité étrangère pour tenter d’influencer les intentions de vote au Canada.

Dans un autre registre, Mark Carney a également été la cible de fausses informations à caractère diffamatoire. Depuis le début de la campagne circulent sur les réseaux sociaux des images le montrant censément en compagnie de Jeffrey Epstein ou de Ghislaine Maxwell. Rappelons que Ghislaine Maxwell a été condamnée à 20 ans de prison en 2022, alors que Jeffrey Epstein s’est suicidé en 2019, avant son procès pour crimes sexuels.

Depuis le début de la campagne circulent sur les réseaux sociaux des fausses images le montrant censément en compagnie de Jeffrey Epstein ou de Ghislaine Maxwell. Photo : capture écran

Une légende accompagnant l’une de ces images affirme ce qui suit : « Pourquoi le nouveau premier ministre libéral du Canada, Mark Carney, était-il sur l’île d’Epstein avec Ghislaine Maxwell et Tom Hanks !!! » L’objectif est clair : nuire à la réputation du candidat en l’associant à des figures au lourd passif judiciaire. Or, toutes ces images ont été générées par l’intelligence artificielle. Elles comportaient à l’origine un filigrane Grok AI signalant leur nature artificielle, mais celui-ci a été délibérément supprimé par certains internautes.

Certaines figures publiques peuvent également être utilisées pour participer à cette stratégie d’influence en diffusant des contenus biaisés ou manipulés. Un exemple récent est l’affaire impliquant l’influenceuse québécoise Lauren Chen et son mari Liam Donovan, accusés par la justice américaine en septembre 2024 d’avoir perçu 10 M$ de sources russes. En échange, ils auraient utilisé leurs comptes, dont une chaîne YouTube comptant alors 580 000 abonnés, pour diffuser du contenu pro-russe durant les élections de 2024 aux États-Unis. 

Les conséquences de ces fausses nouvelles ne se limitent pas à l’influence sur le résultat d’une élection. Elles peuvent profondément entacher la crédibilité des institutions démocratiques et semer la confusion chez les électeurs. En 2016, de fausses informations circulant sur les réseaux sociaux ont non seulement affecté l’élection présidentielle américaine, mais ont aussi contribué à instaurer un climat de méfiance généralisée envers le processus démocratique. 

Face à ce défi, la vérification des faits et l’éducation aux médias sont souvent citées comme des solutions pour lutter contre la désinformation. Et cela commence par permettre à chacun de savoir comment faire la différence entre de vraies et de fausses nouvelles.

Trois étapes pour repérer une fausse nouvelle 

Pour éviter de tomber dans le piège des fausses nouvelles, voici trois réflexes simples à acquérir. Il suffit ensuite d’une minute pour faire la différence entre une information fiable et une information trompeuse.

  • Faire preuve d’esprit critique

Les sujets polarisants comme la politique, l’environnement, l’immigration et la santé font tout particulièrement l’objet de fausses nouvelles en période électorale. Celles-ci ont un point en commun : elles sont surprenantes, voire choquantes. L’objectif de ceux qui les partagent est de provoquer une émotion, positive ou négative, comme la joie, la peur ou l’indignation, pour susciter des réactions de l’audience (like, partage, commentaires) et l’empêcher de prendre du recul. 

Il y a quelques semaines, une rumeur a circulé massivement en ligne : Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada et candidat aux élections fédérales, posséderait une fortune personnelle de 25 M$. Une information qui a fait réagir de nombreux internautes, qui, voyant là la preuve que le candidat est un oligarque détaché de la réalité des Canadiens, ont utilisé cela comme argument pour déclarer qu’ils ne voteraient pas pour le conservateur et tenter de convaincre leurs concitoyens d’en faire de même. 

Il y a quelques semaines, une rumeur a circulé massivement en ligne : Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada et candidat aux élections fédérales, posséderait une fortune personnelle de 25 M$. Photo : capture écran

Or, cette affirmation est fausse. Elle trouve son origine sur un site web intitulé Pierre Poilievre News, un nom qui doit attirer votre attention... Malgré son faible trafic, ce site est parvenu à contaminer les résultats de recherche en ligne, au point d’être cité comme source par d’autres plateformes automatisées. L’article comporte des chiffres précis – sans aucune source vérifiable – qui sont ensuite repris ailleurs, donnant une illusion de crédibilité. Ici, les chiffres sont tellement gros et à ce point sans fondement que c’est cela même qui doit alerter votre esprit critique.

N’oubliez pas que n’importe qui peut publier des messages sur les réseaux sociaux et que les informations n’y sont pas filtrées. Faites appel à votre esprit critique et à votre bon sens devant une publication qui joue sur des préjugés ou le sensationnalisme. C’est un premier pas essentiel pour s’armer contre la désinformation.

  • Vérifier la source

Les études consacrées aux comportements des citoyens sur les réseaux sociaux montrent que, trop souvent, les personnes se contentent de partager des liens en ayant uniquement lu un titre ou vu une image ou une vidéo. Erreur ! Tout comme on n’accorde pas sa confiance à n’importe qui dans la vraie vie, il faut toujours vérifier la source d’une information avant de la partager.

La première chose à faire est de cliquer sur le profil du compte qui partage l’information. Est-ce un média reconnu et fiable ? Un anonyme ? Une personnalité politique ? Une entreprise ? Attention, depuis qu’il est possible de payer pour obtenir une certification – sur Instagram comme sur X –, la fameuse pastille bleue ne permet plus de s’assurer qu’il s’agit bien d’un compte vérifié. 

Les sites d’informations reconnus et fiables, comme La Converse, Radio-Canada, The Rover, Indigenews ou Le Devoir, La Presse, APTN News sont de bons indicateurs. Méfiez-vous des sites suspects ou peu connus, notamment ceux ayant une URL étrange qui ne se termine pas par .com, .ca, ou .org, ou qui contient des chiffres au milieu des lettres. De plus, une URL sûre commence habituellement par https://. L’absence d’informations de contact sur le site internet est également un indice qui doit vous alerter. Au moindre soupçon, il est préférable de faire preuve de prudence et de passer à l’étape suivante.

  • Chercher d’autres sources pour confirmer l’information

Si une information est vérifiée, elle sera sans aucun doute relayée par d’autres médias ou d’autres personnalités crédibles. Les fausses nouvelles se propagent souvent sur un canal unique, mais voyagent six fois plus vite que les vraies nouvelles. Et elles ont 70 % plus de chances d’être repartagées, ont constaté des chercheurs de l’Institut de technologie du Massachusetts dès 2018. Il suffit pourtant de prendre quelques secondes et d’utiliser un moteur de recherche en ligne pour éviter le piège. 

Tapez les mots clés de l’information que vous recherchez et voyez si d’autres sources fiables en parlent également. Si ce n’est pas le cas, ou si seuls deux sites douteux partagent exactement le même texte ou la même vidéo, il s’agit sans aucun doute d’une fausse nouvelle. Cette simple recherche peut également permettre de se rendre compte que l’information est authentique, mais a été publiée il y a plusieurs années, par exemple.

En suivant ces étapes, chaque citoyen peut réduire considérablement le risque de propager de fausses informations et s’assurer de prendre une décision éclairée au moment de glisser son bulletin dans l’urne.

Boîte pratique : Comment repérer un contenu politique douteux

1. Ça te fait réagir très fort, très vite ?

→ Si tu ressens surtout de la colère, de la peur ou de l’indignation, c’est peut-être voulu. Les contenus manipulatoires cherchent à déclencher des émotions fortes avant même que tu aies le temps de réfléchir.

2. Il n’y a pas de source claire ?

→ Pas de lien, pas de média fiable cité, juste un “on dit” ou un visuel sorti de nulle part ? Méfiance. C’est souvent un signal de désinformation.

3. Le message oppose un “nous” à un “eux” dangereux

→ Si ça parle de “vrais citoyens”, “peuple menacé”, ou “ennemis de l’intérieur”, c’est probablement un discours idéologique déguisé.

4. Ça te pousse à partager tout de suite ?

→ “Faites circuler avant que ce soit censuré !” est une technique classique. Ralentis. Si c’était vrai, tu aurais entendu parler de cette info ailleurs.

5. Tu ne sais pas d’où ça vient ?

→ Compte anonyme, profil flou, pas de page “À propos” ? Garde tes distances.

Quelques sources fiables : 

L’actualité à travers le dialogue.
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