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Élections fédérales – Trois candidats face aux habitants de Montréal-Nord
Une vingtaine de personnes ont assisté au débat organisé avec trois candidats fédéraux à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord. Photo: Loubna Chlaikhy
24/4/2025

Élections fédérales – Trois candidats face aux habitants de Montréal-Nord

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
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COURRIEL
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Note de transparence

À quelques jours d’un scrutin fédéral aux résultats incertains, les citoyens de Montréal-Nord ont eu l’occasion rare d’interpeller directement trois candidats lors d’un débat public organisé par la Table de quartier. Logement, santé, immigration, droits des femmes – autant de thématiques abordées au fil de cette soirée politique nourrie par les réalités locales. Reportage.

Il est 18 h à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord, et l’ambiance est à la fois studieuse et chaleureuse. Tandis que l’équipe de la Table de quartier s’affaire aux derniers préparatifs, les gens discutent autour du buffet. « J’espère que ce sera intéressant, je suis venu voir ce que les candidats ont à proposer pour notre quartier et pour Montréal », confie Hélène, une résidente qui s’est installée récemment à quelques rues de là.

Peu après, les participants – une vingtaine – prennent place dans la salle. Face au public, trois candidats s’installent : Jency Mercier pour le Bloc québécois, Abdelhaq Sari pour le Parti libéral, et Catherine Gauvin pour le Nouveau Parti démocratique. Derrière eux et les grandes baies vitrées, des enfants jouent dans le parc voisin sous les derniers rayons de soleil de la journée. Une scène qui contraste avec les préoccupations politiques de leurs aînés à l’intérieur.

Dans le public, on voit des citoyens attentifs et plusieurs élus locaux, mais surtout des représentants d’organismes communautaires du quartier. Tous sont venus entendre ce que les aspirants à la Chambre des communes ont à proposer pour composer avec une réalité trop souvent marginalisée dans les campagnes électorales, celle des quartiers défavorisés.

« Il y a quelques semaines, notre conseil d’administration nous a demandé si nous pouvions contribuer à la démocratie en organisant ce débat », déclare le directeur de la Table de quartier avant de céder la place à la modératrice. L’absence du Parti conservateur et du Parti vert a été remarquée – la candidate conservatrice Néhémie Dumay s’est désistée la veille, et le Vert Émile Jetzer n’a donné aucune suite à l’invitation qui lui a été faite.

Micherose Philosca lance alors le débat sur le premier des neuf thèmes sélectionnés par la Table de quartier. Le principe est simple : chaque candidat a deux minutes pour présenter ses propositions.

Des aînés sous tension face à l’inflation

La question du coût de la vie prend rapidement le devant de la scène. Interrogée sur les mesures fiscales envisagées pour soutenir les aînés, Jency Mercier affirme que le Bloc québécois souhaite « bonifier les pensions de vieillesse de 10 % pour que les personnes âgées n’aient pas de misère à joindre les deux bouts ». Une mesure qui s’appliquerait à toutes les tranches d’âge et qui aiderait à mettre fin à ce que la candidate appelle la « vieillesse à deux vitesses ».

Abdelhaq Sari, de son côté, rappelle les mesures proposées par les libéraux pour atténuer les effets de l’inflation, citant « une baisse du taux d’imposition pour les revenus modestes » et la poursuite du Supplément de revenu garanti. Le conseiller municipal insiste sur la nécessité d’un « gouvernement fort capable de répondre aux causes profondes de cette crise », comme la guerre des taxes.

Abdelhaq Sari, candidat du Parti Libéral. Photo: Loubna Chlaikhy

Catherine Gauvin fait quant à elle valoir que le NPD a été présent « durant la pandémie pour défendre les travailleurs, les aînés et les personnes vulnérables », affirmant que ces valeurs de solidarité sont « dans l’ADN du parti ». Le parti de gauche prévoit une hausse de l’imposition des plus riches afin d’alléger la charge fiscale qui pèse sur les ménages plus modestes.

La crise du logement au cœur des inquiétudes

Le débat se déplace ensuite sur la crise du logement, un sujet brûlant dans cet arrondissement où plus de 35 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté. Mme Philosca souligne également que Montréal-Nord affiche un taux d’inoccupation d’à peine 0,4 %, et que cette pénurie de logements pousse les loyers à la hausse, alors que 71,6 % des ménages sont locataires.

Jency Mercier, la candidate du Bloc qui réside à Verdun, plaide pour une autonomie provinciale renforcée dans la gestion du logement. « Le Bloc veut que les fonds fédéraux soient transférés sans condition au Québec », affirme-t-elle, déplorant le fait que certains immeubles soient laissés à l’abandon et soient inoccupés, « avec des planches sur les fenêtres ». Pour elle, il faut « sortir une partie du marché locatif du système capitaliste » et faciliter le transfert de terrains fédéraux à bas prix.

Jency Mercier, candidate du Bloc Québécois. Photo: Loubna Chlaikhy

Pour Abdelhaq Sari, candidat libéral et conseiller municipal à Montréal-Nord depuis 2017, la réponse doit être adaptée au contexte local. « On ne peut pas avoir une approche uniforme pour tout le Canada. Les réalités sont différentes d’un quartier à l’autre », explique-t-il, ajoutant que la priorité devrait être « l’augmentation de l’offre de logements abordables » là où les besoins sont les plus criants. Il assure que le Parti libéral a un plan de 25 G$ pour le logement. Cependant, après vérification, ce montant est en réalité consacré au « financement aux constructeurs novateurs de maisons préfabriquées au Canada » et non au logement abordable.

De son côté, la candidate néo-démocrate évoque sa propre enfance dans une famille monoparentale. « C’est épouvantable, le prix des loyers. Ma mère est dans une coopérative et ça l’a sauvée », confie Catherine Gauvin. Le NPD promet la création de 120 000 logements sociaux, une régulation des loyers, une lutte contre les rénovictions ainsi que l’utilisation exclusive des terrains fédéraux pour des projets de création de logements sociaux communautaires ou coopératifs.

En deux minutes, les candidats n’ont pas le temps d’en dire plus, mais le sujet du logement reviendra plusieurs fois au cours de la soirée, notamment au moment de parler d’immigration.

Immigration : entre dignité et responsabilités partagées

L’augmentation du nombre de demandeurs d’asile venus des États-Unis et fuyant la déportation promise par l’administration Trump est l’un des sujets qui ont le plus dominé la campagne électorale. La gestion de l’immigration suscite ainsi sans surprise des échanges nourris ce mercredi soir.

« L’un des rares centres d’hébergement pour les demandeurs d’asile doit fermer, faute de financement. Comment le fédéral compte-t-il soutenir le Québec pour accueillir les personnes demandeuses d’asile dignement ? », demande la modératrice. Montréal-Nord accueille de nombreux nouveaux arrivants, alors que les organismes communautaires qui leur viennent en aide luttent chaque année pour leur survie.

Pour M. Sari, qui a souligné qu’il était lui-même un immigrant arrivé du Maroc en 2002, il s’agit d’un enjeu de dignité. « L’immigration n’est pas un événement ponctuel. Il ne s’agit pas seulement d’accueillir, mais aussi d’avoir la capacité d’accueillir les personnes dignement. Cependant, une fois que la personne est sur le territoire, ce sont nos organismes, nos villes, les provinces qui vont les prendre en charge, donc il faut qu’on collabore tous ensemble. » Il appelle à un financement pérenne des organismes d’aide et à une réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile.

Catherine Gauvin annonce alors que les néo-démocrates s’engagent à transférer 100 M$ du fédéral au provincial pour soutenir la province dans l’accueil des immigrants, en finançant les organismes à la mission plutôt qu’au projet. « Il faut arrêter avec le saupoudrage d’enveloppes », estime la candidate.

Catherine Gauvin, candidate du Nouveau Parti Démocrate. Photo: Loubna Chlaikhy

Mme Mercier, de son côté, évoque la saturation des services et insiste sur la nécessité de « respecter notre capacité d’accueil ». Elle considère que « le Québec a accueilli beaucoup de personnes récemment, sans toujours avoir les moyens nécessaires pour le faire correctement ». Elle ajoute que le Bloc exige des transferts sans condition pour que l’autonomie du Québec soit respectée.

Sans surprise, les candidats restent dans la ligne de leurs partis respectifs et ont parfois de la difficulté à rattacher leurs réponses à la situation particulière de Montréal-Nord. Un constat qui pousse le public à profiter de la période de questions qui leur était ensuite offerte.

Des résidents réclament des propositions concrètes

Après que plusieurs autres thématiques comme les violences faites aux femmes, la jeunesse et la santé ont été abordées, les membres du public sont invités à poser leurs questions aux trois candidats. Les préoccupations locales sont au cœur des interrogations citoyennes.

Interrogés sur leurs priorités pour la circonscription de Bourassa, les trois candidats convergent vers le logement. Abdelhaq Sari ajoute l’accueil des immigrants et le soutien aux aînés à ses priorités. Catherine Gauvin évoque pour sa part l’environnement et la santé.

Plusieurs membres d’organismes communautaires se trouvant dans l’auditoire, c’est tout naturellement que la question du financement de leurs structures est posée, avec l’exemple de la coupe des subventions destinées à des organismes spécialisés en employabilité. La candidate bloquiste, comme la néo-démocrate, s’engage à rétablir ces fonds et à mettre en place un financement pérenne des organismes communautaires. Le candidat libéral plaide pour un financement durable et structurant.

Mais les réponses des candidats, qui ont le mérite de s’être prêtés à l’exercice contrairement à leurs homologues du Parti Vert et du Parti conservateur, ne convainquent pas toujours. « J’ai demandé quand est-ce qu’ils comptaient les faire, leurs logements sociaux ! Parce qu’on a toujours des beaux discours, mais rien de concret », confie Sylvie, une résidente de Montréal-Nord de 61 ans. La retraitée dénonce des promesses qui reviennent à chaque élection et ne sont pas appliquées : « Depuis le temps, ils savent qu’on a des problèmes de logements, mais ils ne construisent rien depuis des années, et nous on attend toujours ! »

Pour Sylvie, ce débat n’aura pas d’influence sur elle au moment où elle glissera son bulletin dans l’urne : la sexagénaire sait déjà pour qui elle va voter, « dans la lignée familiale ». Comme elle, ils sont plusieurs à avoir fait le déplacement avant tout pour soutenir l’un des candidats.

Au sujet de l’abstention des jeunes, qui représentent 15 % de la population de Montréal-Nord, les candidats tentent de convaincre. « Il ne faut pas voter pour un parti, ni pour une personne, mais pour son avenir. Si vous ne vous occupez pas de la politique, elle s’occupera de vous », lance Abdelhaq Sari avec un sens de la formule applaudi. Le NPD propose de plafonner les tarifs d’abonnement à internet et de limiter les taux d’intérêt des prêts étudiants, un engagement accueilli par quelques rires dans la salle, preuve que la proposition n’a pas totalement convaincu, même si la candidate est la seule à avoir fait des propositions concrètes pour les jeunes.

Exercice démocratique difficile, mais nécessaire, cette rencontre entre résidents et candidats s’est quelque peu heurtée à la réalité des élections fédérales, qui traitent d’enjeux globaux et non locaux. Le débat aura toutefois permis de mettre en lumière des visions distinctes face à des préoccupations communes.

À Montréal-Nord, les enjeux sont concrets, urgents et au cœur de la vie quotidienne des habitants. Ici, les citoyens attendent moins de la rhétorique que des engagements tangibles – un défi. Les candidats sauront s’ils l’ont relevé lorsqu’ils découvriront les résultats de l’élection lundi soir.

L’actualité à travers le dialogue.
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