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Itinérance dans l’est de Montréal : une crise silencieuse
Entrée des résidents au refuge du CAP Saint-Barnabé. Photo : Jennifer Da Veiga Rocha
12/2/2025

Itinérance dans l’est de Montréal : une crise silencieuse

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Dans l’est de Montréal, l’itinérance prend de l’ampleur, touchant désormais des quartiers jusque-là relativement épargnés. Alors que les besoins augmentent de façon alarmante, les ressources d’urgence demeurent largement insuffisantes. Les rares refuges et organismes communautaires du secteur font face à une pression croissante. Comment peuvent-ils répondre à une crise qui dépasse leurs capacités ? La Converse est allée à la rencontre des acteurs sur le terrain, visitant le seul refuge de l’est de Montréal et discutant avec des intervenants qui œuvrent entre Hochelaga et Pointe-aux-Trembles. Reportage.

Mercredi 29 janvier. Il est 9 h du matin, et nous nous trouvons non loin de la station Viau. Devant les portes du refuge CAP Saint-Barnabé, le soleil brille bien haut dans le ciel, mais la lumière trompeuse ne réchauffe rien. 

Une dizaine de silhouettes sont dehors, près de l’entrée, chacune une cigarette à la main. Leurs gestes sont rapides, presque frénétiques, comme si fumer devenait une course contre le gel. Parmi elles, il y a Jeff, un Haïtien qui a grandi aux États-Unis et qui est arrivé seul au Québec il y a une dizaine d’années. Emmitouflé dans un épais manteau et chaussé de bottes d’hiver, l’homme est souriant. « Moi, je suis arrivé ici en septembre seulement », commence-t-il. Incarcéré à la suite d’une altercation avec ses anciens colocataires, l’homme a perdu son logement ainsi que son travail. « J’habitais tout près, reprend-il. Mais là, j’espère trouver rapidement un travail, puis un logement. Je ne compte pas rester ici longtemps », dit-il. 

Autour de lui, certains ne sont pas aussi bien protégés contre l’hiver. Des chaussures de course trouées, des sandales sans chaussettes, des vestes trop fines. Le froid ne fait acception de personne, il s’infiltre sous les vêtements usés. Quelques minutes encore, et ils retrouveront la chaleur du refuge.

Hochelaga : le seul refuge de l’est

Michelle Patenaude, directrice générale du refuge, nous accueille à l’intérieur. Ici, tout le monde semble l’apprécier. Le centre, situé dans une ancienne aréna, propose un espace impressionnant : on y recense plus de 192 cubicules alignés, tous numérotés, chacun équipé d’un lit et d’une table. « Ce sont des lits d’armée », explique-t-elle en riant, comme pour alléger la situation. 

Avant de se retrouver à la tête de l’organisme, Michelle était la coordonnatrice clinique de la structure. Elle a été témoin de la croissance du lieu, notamment durant la pandémie. « On est le seul refuge de l’est et on a grossi vite. À l’époque, le CAP Saint-Barnabé était juste un organisme de sécurité alimentaire. On faisait du dépannage, on avait une petite épicerie solidaire. Les gens venaient manger et c’était beaucoup les gens du quartier, pas nécessairement des personnes en situation d’itinérance, mais aussi des gens qui étaient à risque de l’être », raconte-t-elle. 

Puis la pandémie a tout bouleversé. « Ç’a explosé. Avant, il y avait beaucoup de couchsurfing, c’est-à-dire de l’itinérance cachée. Les gens dormaient temporairement chez des amis, ou encore dans les piaules de Maisonneuve. Mais quand les appartements où ils traînaient ont été fermés, placardés, ils se sont retrouvés sans solution. »

À cela s’est ajoutée la crise des opioïdes, les rénovictions, la fermeture de résidences pour aînés et la transformation des CHSLD en maisons des aînés, expose la directrice du refuge. « Tout ça a rendu l’itinérance beaucoup plus visible. »

Au départ, le refuge ne comptait que 15 places – 7 pour femmes et 8 pour hommes –, et était ouvert du lundi au vendredi. La directrice se souvient encore du non-sens de cette situation, « comme si l’itinérance s’en allait le week-end », laisse-t-elle tomber avec sarcasme. 

Cubicule numéroté du refuge CAP Saint-Barnabé. Photo : Jennifer Da Veiga Rocha

Aujourd’hui, la capacité d’accueil a explosé : 350 places sont offertes au total, réparties entre les trois sites du refuge. En plus des 192 places de ce premier site, 50 places sont proposées sur le second site, rue Benette, avec une halte de nuit l’hiver et 90 places sur la rue De Chambly. « On vient d’en ajouter pour 30 personnes, ce qui nous amène à 380 places en ce moment », reprend-elle. Au fond de l’aréna, plusieurs chaises de jardin rouges ont été ajoutées pour ceux qui n’ont pas de lit. 

Mais malgré cette croissance, le manque de places demeure une urgence quotidienne. « Hier, on a dû refuser 52 personnes. On était complet. Ces personnes n’ont pas eu accès à un lit, ni même à une halte », regrette Michelle Patenaude.

« Une itinérance chronique » 

M. Eduard* passe devant nous en poussant une poussette où dort son « bébé », la chienne Princesse, sa fidèle compagne depuis 14 ans. Avec son chapeau Trilby, son manteau chaud, sa veste en polaire zippée jusqu’au menton et son énorme bague à l’annulaire, cet homme d’une soixantaine d’années semble bien portant. Pourtant, on comprend vite que sa vie n’a rien de facile.

Arrivé au Canada en 1996, ce Roumain qui déclare être apatride a déposé une demande d’asile politique, qui aurait été refusée en 1998. Depuis, il vit sans statut, ce qui le place dans une situation économique très précaire. « Ça fait 30 ans que je suis ici sans travailler légalement », souffle-t-il. Pendant 17 ans, il a habité avec deux de ses enfants devenus adultes dans un 4 et demi à Villeray. Puis, en l’espace de quelques mois, tout s’est effondré : des problèmes de santé, plusieurs crises cardiaques, une longue hospitalisation et une rupture familiale... Résultat ? Cet homme a perdu son logement et vit au refuge depuis 2020.

Comment survit-il ? « Grâce à Dieu », répond celui qui a tout perdu, sauf la foi. L’homme se débrouille et considère le refuge comme un chez-soi.

Pour se rendre au bureau de Michelle, il faut sortir du refuge et aller vers l’avant du bâtiment. Le bureau est lumineux et calme, deux perroquets perchés à l’entrée rythment notre conversation. Depuis quelques années, Eduard n’est pas le seul à rester au refuge. « Il y a des personnes qui sont ici depuis le démantèlement du campement de la rue Notre-Dame en 2020. C’est leur maison. C’est chez eux. » Elle insiste sur ces derniers mots. 

La multiplication des hébergements d’urgence pendant la pandémie a entraîné une augmentation de l’itinérance chronique, explique Michelle. « On a ouvert beaucoup de refuges sans se demander comment aider les gens à retrouver une stabilité à long terme. Résultat, beaucoup sont restés coincés dans ces services sans véritable porte de sortie. »

Certaines organisations ont alors essayé de transformer ces lieux en hébergements transitoires en y ajoutant des programmes pour aider les gens à retrouver plus rapidement une certaine stabilité. Michelle explique que le CAP Saint-Barnabé a cependant d’abord pour mission de répondre aux urgences, ce qui complique la mise en place de tels programmes. « Je gère vraiment l’urgence de l’urgence. Ça devient difficile d’aller plus loin dans l’offre de services à ce moment-là. Et les personnes finissent par entrer dans l’itinérance chronique. »

Elle ajoute : « Et c’est compréhensible. Imagine : tu n’as ni famille, ni ami, ni enfant ; tu te retrouves dans un refuge où, même si tu ne parles à personne, il y a du monde autour de toi. C’est rassurant. » 

Rassurant au point que certains, une fois dans un logement, sont prêts à quitter leur confort pour retrouver un peu de chaleur humaine, explique-t-elle. « Il y a quelque temps, on a mis une personne dans un logement. Malheureusement, le logement était au métro Papineau. Le monsieur venait nous demander si nous avions un logement dans Hochelaga, il insistait et était prêt à abandonner son appartement, quitte à revenir au refuge. Tout simplement parce que ses amis, son réseau, tout se trouvait ici. » 

Pour répondre à ce besoin, le refuge cherche à acquérir deux immeubles dans le quartier. « L’un d’eux compte 20 logements. On va le prendre, on va s’en occuper. C’est primordial de rester ici, là où les gens veulent être. »

Mais la crise du logement complique les choses. « Avec la hausse prévue des loyers de 5,9 %, les personnes déjà vulnérables sont encore plus en danger. J’ai des couples qui ne peuvent pas se loger parce que, dès qu’ils trouvent un appartement, leurs aides sociales sont diminuées et ils n’arrivent plus à survivre financièrement », laisse-t-elle tomber. 

Et la situation ne s’améliore pas. Cet été, le site de Chambly, qui accueille 90 personnes, devra fermer. Le bâtiment a été racheté, ce qui oblige le refuge à quitter les lieux.

« Le financement, c’est toujours une inquiétude. Et en 2026, qu’est-ce qu’il va se passer ? La crise ne va pas se résorber par miracle », lâche Michelle, le ton amer.

« On parle de diriger les personnes itinérantes vers les différentes ressources montréalaises. Mais celles-ci ne sont pas au point et, surtout, les gens ne veulent pas être déracinés. On ne peut pas leur imposer un lieu de vie. Comme tout le monde, ils veulent choisir l’endroit où ils vivent. Ils ont déjà si peu de choix… » laisse-t-elle tomber. 

Pointe-aux-Trembles : un désert de ressources

À 14 km du refuge du CAP Saint-Barnabé, nous rencontrons dans ses bureaux Michel Dorais, intervenant en itinérance de l’organisme Prévention Pointe-de-l’Île (PPDI). Vêtu d’une chemise bleu électrique, ce grand homme au regard bienveillant est le seul à s’occuper de l’itinérance dans ce secteur.

Depuis le 20 janvier 2025, il gère une petite halte-chaleur, un local anonyme destiné aux quelques itinérants qu’il connaît. À l’intérieur, cinq personnes y trouvent un peu de répit une ou deux fois par semaine, mais seulement pendant quelques heures. Ces personnes n’ont nulle part où aller. Le refuge le plus proche, le CAP Saint-Barnabé, est à plusieurs heures de marche.

Avant la pandémie, l’itinérance était une réalité invisible dans le quartier, assure-t-il. « Les gens se réunissaient souvent à plusieurs dans le même appartement. » Mais comme le reste de Montréal, le quartier de Pointe-aux-Trembles n’a pas été épargné par la crise. 

Pourtant, ce n’est qu’en 2023 qu’un financement a été dégagé pour un poste d’intervenant en itinérance à Pointe-aux-Trembles. 

Le téléphone de Michel sonne. Un homme l’appelle. Après une courte conversation, il revient vers nous. « C’est David*, une personne en situation d’itinérance. Il est au stationnement des galeries Tricentenaire. Il m’a appelé pour me dire qu’il a faim, qu’il n’a rien mangé depuis hier. Je vais lui prendre un McDo. » Michel enfile alors une autre de ses nombreuses casquettes.

« Comme je suis le seul intervenant en itinérance, je ne peux pas simplement les diriger vers d’autres services. Puis, il n’y a rien ici : ni de quoi manger, ni un endroit où dormir ou se réchauffer. Si je les réfère ailleurs, les organismes leur disent de se déplacer. Mais ils ne vont pas y aller, ils ne prendront pas plusieurs bus et un métro pour s’y rendre. »

Michel pallie alors lui-même ces failles, il apporte les ressources directement à ceux qui le sollicitent. Ou alors, il les conduit parfois jusqu’au centre-ville pour qu’ils puissent enfin obtenir de l’aide. « Sans accompagnement, ils n’y arrivent pas », soupire-t-il.

Rester ou partir : quand les ressources sont insuffisantes

À ce jour, Pointe-aux-Trembles compte une dizaine d’itinérants visibles, rapporte l’intervenant. Et autant de personnes en situation précaire, proches de la rupture. Mais contrairement au centre-ville, aucun service ne leur est dédié ici. « Alors, ils partent, reviennent, puis finissent souvent par abandonner le secteur, reprend Michel. Si on voit seulement une dizaine de personnes en situation d’itinérance ici, ce n’est pas parce qu’il n’y en a “que 10” ; certaines préfèrent partir au centre-ville parce qu’elles veulent une certaine dignité. D’autres, en revanche, refusent catégoriquement de quitter le quartier. »

« Ces personnes, poursuit-il, passent la nuit dans les guichets automatiques des banques, faute de mieux. » Les services d’aide sont trop loin. 

Sur ces mots, nous quittons son bureau pour aller à la rencontre de David*, qui attend Michel dans le stationnement du centre d’achat.

« Je ne partirai pas. Moi, je suis d’ici. »

Sur place, on aperçoit une chaise de camping vide. Michel sait où chercher. Il se dirige sans hésitation vers un dépanneur voisin. Quelques minutes plus tard, il ressort accompagné d’un homme emmitouflé dans une combinaison de ski. Bonnet et capuche vissés sur la tête, il a de longs cheveux blonds, une barbe fournie et des yeux d’un bleu perçant. L’homme d’une cinquantaine d’années est un ancien ouvrier du bâtiment. 

Pour survivre, il a adopté une approche en deux temps. « Le soir, je dors au pied d’un bâtiment au chaud ; et la journée, je viens ici. Je ne fais pas la quête, mais on me donne parfois quelques pièces pour manger », résume-t-il.

Très brièvement, il évoque ce qui l’a amené à l’itinérance : un conflit familial, mais surtout, selon lui, le gouvernement. « Je déteste le gouvernement, lâche-t-il. J’ai toujours travaillé. Maintenant, on me donne une subvention de bien-être social misérable. Si je veux prendre ma retraite, je dois attendre encore 11 ans. Et comme je suis dans cette situation, ma retraite va diminuer aussi », lâche-t-il, amer. 

Malgré la dureté de sa condition et l’absence d’aide dans le quartier, sa réponse est sans appel lorsqu’on lui demande s’il ne préférerait pas aller au centre-ville : « Non, je ne quitterai pas Pointe-aux-Trembles. Moi, je suis d’ici, j’ai grandi ici. »

C’est pour des personnes comme David que Michel aimerait voir davantage de services dans le quartier. Un projet est en marche, dit-il. « Ça devrait prendre environ deux ans », poursuit-il, avant que les personnes en situation d’itinérance à Pointe-aux-Trembles aient enfin un lieu où dormir, manger et se laver.

À Mercier-Est, des aînés délaissés 

Dans le quartier de Mercier-Est, dans l’est de Montréal, se trouve le centre de jour Le Pas de la rue. Depuis plus de 20 ans, cet organisme accueille, soutient et accompagne les personnes de 55 ans et plus en situation d’itinérance.

Chaque jour, plus de 250 repas chauds sont servis par Le Pas de la rue, répartis entre les deux centres de jour, l’un à Mercier et l’autre dans le quartier Centre-Sud. Mais au-delà de la nourriture, c’est une présence, une oreille attentive et un accompagnement qui sont offerts à ces aînés souvent laissés pour compte.

Parmi les figures familières de l’organisme, il y a Dany Ayotte Kelly, un intervenant de proximité. « L’itinérance dans l’est de Montréal est moins visible qu’ailleurs, mais elle est bien réelle. Il y a beaucoup d’itinérance cachée : des personnes qui dorment dans leur voiture ou qui vont de divan en divan chez des connaissances. Elles sont invisibles, mais elles existent et elles ont besoin d’aide », insiste-t-il.

Dans des quartiers comme Tétreaultville et Mercier-Est, le couchsurfing à 55 ou 60 ans est monnaie courante, rapporte-t-il. Ces personnes, qui n’ont plus d’adresse fixe, vont d’un endroit à un autre jusqu’à ce que la rue devienne leur seule option. Et une fois qu’elles sont dehors, le retour en arrière est difficile.

Un filet social fragile

Chaque matin, Dany enfile ses bottes et arpente les rues de Mercier. Il passe par le métro Joliette, va jusqu’à la station Honoré-Beaugrand et pousse parfois jusqu’à Anjou, à la rencontre de ceux qui n’ont plus rien. « Je vais vers eux, là où ils se trouvent : dans les stations de métro, devant les commerces, dans des campements improvisés. L’idée, c’est d’établir un lien de confiance et de les orienter vers les ressources appropriées », explique-t-il.

Mais le plus grand défi n’est pas de trouver un refuge ou une soupe chaude. « Beaucoup de ces aînés ont perdu foi en la société. Ils ont vécu de nombreuses ruptures, des abandons, des humiliations. Notre travail, c’est aussi de réparer ces liens brisés, de leur redonner une certaine confiance. Un pas à la fois, une personne à la fois. »

« Ils font face à beaucoup de solitude familiale. Parfois, nous sommes leur seul réseau. En ce moment, nous accompagnons un aîné en fin de vie, sans famille, dont le seul soutien est celui des intervenants qu’il a rencontrés au fil des ans. Le voir partir seul, c’est bouleversant. Mais nous sommes là, jusqu’à la fin », raconte Dany, visiblement très ému.

Au cours de l’été 2024, une nouvelle vague d’itinérance a déferlé chez les aînés. La crise du logement a été un véritable catalyseur : des personnes qui se trouvaient déjà en situation précaire ont vu leur dernier rempart tomber. « Vivre en maison de chambres, c’est souvent vivre dans une instabilité permanente. Les conditions sont difficiles, et les besoins de base ne sont pas comblés. Nous recevons chaque jour de plus en plus de demandes d’aide », souligne Dany.

Un cruel manque de ressources

Pour Dany, c’est le même constat : l’est de Montréal est particulièrement mal desservi. Peu de refuges, un nombre insuffisant de centres de jour, une pénurie de banques alimentaires. Les refus du CAP Saint-Barnabé sont monnaie courante en raison du manque de places. « On a beau multiplier les haltes-chaleur, tout est toujours plein. Quand je dois dire à quelqu’un : "Je n’ai nulle part où t’emmener", je sais que je renforce son idée que personne ne viendra l’aider. C’est terrible. »

En 2021, Le PAS de la rue aidait une vingtaine de personnes par jour. En 2024, ce chiffre a grimpé à 50, parfois à 65. La dégradation des conditions de vie des aînés vulnérables est fulgurante. « On voit des gens qui n’avaient jamais connu l’itinérance auparavant. Des personnes qui avaient un logement, une vie stable, et qui, à cause de la hausse des loyers et d’une série de malchances, se retrouvent à la rue. Quand tout s’effondre – emploi, logement, santé –, il ne reste plus grand-chose », déplore Dany.

Malgré tout, l’intervenant reste motivé par le lien humain. « La beauté de ce travail, c’est d’être présent pour eux. Ce sont des gens qui ne croient plus au contact humain, à l’espoir d’une main tendue. Mais en leur montrant qu’on ne les juge pas, qu’on ne va pas les trahir, on réussit parfois à briser cette carapace. »

Alors que les acteurs sur le terrain redoublent d’efforts pour soutenir les plus vulnérables, une question demeure : combien de temps pourront-ils tenir sans un engagement plus important des autorités, alors que l’itinérance dans l’est de Montréal continue de progresser ? 

Au moment d’écrire ces lignes, ni la Ville de Montréal ni le gouvernement provincial n’avaient répondu à nos questions. 

Avec la participation d’Yseult Picard. 

L’actualité à travers le dialogue.
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