Cette année, la crise climatique s’est fait durement sentir au Canada.
Les températures en Colombie-Britannique ont avoisiné les 50 degrés Celsius, battant des records de température. En raison de cette chaleur extrême, des milliers de feux de forêts ont fait rage à travers l’Ouest canadien, détruisant sur leur passage des habitats naturels et causant le déplacement de populations. Face à une situation aussi critique, nos élus ont-ils des plans ambitieux pour s’attaquer à l’urgence climatique?
Ce que les cinq principaux partis fédéraux proposent pour lutter contre la crise climatique
Le Parti conservateur propose un compte d’épargne personnel pour la réduction du carbone. Chaque fois qu’un consommateur achète du carburant à base d’hydrocarbure, 20$ par tonne de carburant seront versés dans son compte d’épargne personnel, un montant qu’il peut utiliser pour mener une vie plus écologique. Le Parti vert propose une taxe sur le carbone qui augmentera de 25$ par tonne de 2022 à 2030. Les partis conservateurs, libéraux, néo-démocrate, bloquiste et vert s'engagent à atteindre la carboneutralité, c’est-à-dire atteindre une cible de pollution à zéro émission.
D’ici 2030, comparativement au niveau d’émissions de 2005, le Parti conservateur prévoit réduire les émissions de 30%, le Parti libéral prévoit les réduire de 40% à 45%, le parti néo-démocrate vise une réduction d’au moins 50%, le parti bloquiste ne mentionne pas de cible exacte, et le parti vert prévoit une réduction de 60%. Quant aux partis libéraux et néo-démocrates, ils promettent d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Le Parti vert s’engage à atteindre la carboneutralité bien avant 2050 et vise des émissions carbone négatives en 2050. Les partis conservateurs, libéraux, néo-démocrates, et verts souhaitent augmenter le nombre de véhicules électriques au pays. Le Parti conservateur propose une augmentation de 30% de tous les véhicules légers d’ici 2030 au Canada et à
Le Parti néo-démocrate s’engage à ce que 100% des véhicules vendus au pays en 2035 soient zéro émission et promet un incitatif allant jusqu’à 15000$ pour aider les Canadiens à en acheter. Le Parti vert s’engage à interdire la vente de véhicules équipés d’un moteur à combustion interne d’ici 2030 et à abolir la taxe de vente fédérale sur tous les véhicules électriques. Les partis néo-démocrates, verts, libéraux, et conservateurs s’engagent à soutenir le transport en commun. Le Parti néo-démocrate s’engage à moderniser et à développer des réseaux de transport en commun gratuits et électrifiés d’ici 2030.
Le Parti vert s’engage à ce que tout le pays ait accès à des transports publics carboneutres et à abolir la taxe de vente sur ceux-ci. Le Parti libéral s’engage à soutenir les projets majeurs de transports en commun carboneutres, à créer un fonds pour le transport en commun dans les communautés rurales et à élaborer des solutions de transport en commun dans les régions rurales.
Le Parti conservateur s’engage à construire une infrastructure de transport en commun qui relie les habitations et milieux de travail et à exiger un financement fédéral de ces transports. Les partis conservateurs, néo-démocrates prévoient aussi d’imposer une taxe sur le carbone industriel. Le Parti conservateur prévoit le taxer à 170$ la tonne d’ici 2030. Le Parti néo-démocrate prévoit une tarification du carbone, sans indiquer de détails à ce sujet.
Les partis conservateurs, libéraux, et verts, prévoient investir dans les solutions climatiques naturelles, c’est-à-dire utiliser les propriétés de la nature pour entreposer le carbone pollueur.
Le Parti conservateur s’engage à investir 5 milliards de dollars dans les technologies de séquestration du carbone. Le Parti libéral s’engage à continuer la plantation d’arbres à travers le pays, restaurer des habitats naturels, et veiller à ce que les cycles de la nature fassent partie d’un plan agricole écologique. Le Parti vert promet de mettre en action des plans pour la séquestration du carbone.
Les partis conservateurs, libéraux, et verts comptent appuyer et collaborer avec les gardiens des terres autochtones pour créer des Aires protégées et de conservation autochtones (APCA).
Les partis conservateurs, libéraux, néo-démocrates, bloquistes, et verts s'engagent à faire une transition vers les énergies vertes. Le Parti conservateur s’engage à investir dans les énergies nucléaires et le gaz naturel propre et à créer des emplois dans ces secteurs. Les partis libéraux, néo-démocrates, bloquistes et verts s'engagent à investir dans un réseau électrique renouvelable.
Les partis néo-démocrates et verts s’engagent à créer des emplois dans les secteurs d’énergie verte. Les partis libéraux, néo-démocrates, et verts s’engagent à faire la rénovation de bâtiments vers un standard énergétique plus efficace. Le Parti libéral promet de donner aux Canadiens une subvention pouvant aller jusqu’à 5000$ et des prêts sans intérêts pouvant atteindre 40000$ pour améliorer l’efficacité énergétique de leur maison.
Le Parti néo-démocrate promet des prêts à faible taux d’intérêt aux Canadiens et des mesures de soutien pour les locataires et les ménages à faible revenu pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. Il s’engage aussi à faire en sorte que chaque nouveau bâtiment construit soit carboneutre d’ici 2025. Le parti vert s’engage à créer un programme national de rénovation écologique de bâtiments résidentiels, de soutenir les organismes qui proposent des rénovations écologiques, et de faire en sorte que chaque nouveau bâtiment construit et chaque rénovation effectuée d’ici 2030 respectent les normes zéro émissions.
Les partis libéraux, néo-démocrates, bloquistes, et verts comptent mettre fin aux subventions gouvernementales du secteur des énergies fossiles. Le Parti libéral compte devancer de 2025 à 2023 la date de cession de ces subventions, et de progressivement éliminer les subventions publiques du secteur des combustibles fossiles d’ici 2050. Les partis néo-démocrates, bloquistes, et verts comptent mettre fin immédiatement aux subventions fédérales du secteur des énergies fossiles.
Les partis sont-ils suffisamment ambitieux?
« Il faut premièrement reconnaître qu’il y a urgence. Il faut agir rapidement et commencer dès maintenant à poser des gestes radicaux si on veut éviter la catastrophe. Présentement, tel que l’affirme le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le plus récent, c’est vers la catastrophe qu’on se dirige », s’alarme Jean-François Boisvert. « Si la tendance se maintient, on va voir une augmentation de la température moyenne terrestre de 3 à 4 degrés. Ça serait carrément catastrophique pour presque tous les pays. » Questionné au sujet des emplois actuels dans les industries d’énergie fossile qui vont potentiellement être perdus durant une transition verte, une justification que le Parti conservateur utilise pour continuer de soutenir ces secteurs, le président de la Coalition Climat Montréal (CCM) est ferme. Selon lui, une transition énergétique qui inclurait ces travailleurs est possible. « Ce que les partis proposent, ce sont des mesures périphériques qui n’attaquent pas le cœur du problème, et au Canada, c’est l’énergie fossile. Il faut abandonner cette forme d’énergie d’ici 20 ans. Tant qu’on ne fait pas ça, je ne crois pas que l’on puisse régler la question climatique », déplore M. Boisvert. « Si on veut faire une transition juste qui ne pénalise pas les travailleurs, il y a moyen d’y arriver, mais il faut aborder le problème dans toute son ampleur, et ce n’est pas ce que les partis principaux font ».
Le militant trouve que la cible de 60% de réduction d’émissions d’ici 2030 fixée par le Parti vert est un bon début, mais qu’il faut faire un plan d’action pour la réduction graduelle des émissions. « L’objectif est d’arriver à la carboneutralité d’ici 2050. Pour ce faire, il faut cibler une réduction graduelle. Avec la cible du Parti vert, ça serait réaliste », affirme-t-il en mentionnant que son organisme revendique la carboneutralité le plus tôt possible. « Il faut aussi un plan d’action pour y arriver, sinon ce ne sont que des chiffres. C’est aussi important d’avoir un budget carbone qui détermine la quantité d’émissions que le Canada peut émettre d’ici 2050 ». Pour ce faire, il demande aux candidats de faire des inventaires annuels de la quantité de carbone émise, une démarche qui se fait rare en ce moment. Il croit que cette mesure est essentielle, puisque 2050 est à nos portes.M.Boisvert croit aussi à la participation citoyenne dans la lutte contre la crise climatique. « Notre organisme croit qu’impliquer les citoyens dans les démarches fera en sorte que le processus soit plus démocratique, car ils auront la chance de s’exprimer et de contribuer à une transition verte », revendique-t-il. Il croit que la participation citoyenne permet à ceux qui sont principalement concernés que leurs préoccupations soient prises en considération. Le président de la CCM estime que cette participation fait en sorte que les gens les plus marginalisés ne soient pas oubliés. « Les personnes à faible revenu doivent travailler plusieurs heures et doivent s’occuper de leurs enfants.
Ces gens-là n’ont pas nécessairement le temps de s’impliquer dans des groupes pour la transition verte, mais il est quand même primordial de tenir compte de leurs demandes », explique M. Boisvert. « C’est comme ça que je vois un mouvement climatique inclusif qui ne pénalise pas ces gens ». Comme exemple, il soulève le fait qu’interdire les voitures à essence risque de pénaliser les gens les plus marginalisés car ceux-ci habitent dans des quartiers ou les réseaux de transport en commun sont souvent moins développés. Pour le militant, les stratégies fédérales de transport en commun doivent tenir compte de ces quartiers-là. Selon lui, la participation citoyenne va aussi pouvoir fournir des solutions climatiques adaptées aux réalités locales distinctes de différentes municipalités à travers le pays. Nicolas Chevalier est organisateur chez Leap Montreal, un groupe qui lutte pour la justice environnementale inter sectionnelle. Iel croit que de tous les partis principaux, le Parti néo-démocrate propose la meilleure plateforme environnementale. « Leur plateforme soutient une transition écologique qui ne dépend pas du secteur privé et des forces du marché. Leurs suggestions, comme une demande accrue de transports publics, des plans pour le transport actif comme les vélos, relèvent du secteur public », élabore-t-iel.
« D’une façon globale, leur plan est plus démocratique et inclusif pour les citoyens. J’aime moins la plateforme du Parti vert car ils sont très axés sur les solutions du marché qui relèvent de la technologie et de l’innovation. La croissance économique est partout dans leur plateforme. » L’organisateur estime qu’il est problématique qu’aucun des cinq principaux partis fédéraux ne remettent en question la croissance économique. Selon iel, c’est l’une des principales causes des changements climatiques.
« Les partis conservateurs, libéraux, et verts font la promotion de la croissance économique comme un moyen de sauver l’environnement. Selon moi, ce n’est pas vraiment possible », affirme-t-iel. Même si l’activiste croit que les néo-démocrates ont la meilleure plateforme environnementale des partis principaux, iel pense que tous les partis sont très loin des revendications des militants pour la justice environnementale et sociale. L’organisateur est ferme quant à la racine des problèmes environnementaux qui, selon iel, réside dans la structure capitaliste de l’économie canadienne actuelle. Iel revendique le désinvestissement complet du gouvernement fédéral dans les énergies fossiles et l’investissement dans les services publics. Nicolas Chevalier voit aussi les promesses d’investissement dans les énergies renouvelables et les emplois créés dans ces secteurs avec un œil sceptique. « Même le Parti néo-démocrate, qui a la plateforme la moins pire, ne reconnaît pas que les causes du changement climatique sont le capitalisme et le colonialisme », s'indigne-t-iel. « Lorsqu’on parle d’une transition vers les énergies propres, ça obscurcit l’extraction continue des minerais, une pratique qui continue l’exploitation des ressources naturelles et le vol des terres autochtones ».
Iel croit plutôt que les emplois verts se trouvent dans des secteurs faibles en émissions de carbone, tels que les soins de santé.
Iel est insatisfait du Parti libéral qui n’accorde pas aux peuples autochtones qui sont les gardiens de la terre, un droit de consentement préalable et éclairé dans les projets environnementaux qui affectent directement leurs territoires. « Ils changent le mot « consentement » pour le mot « consultation », et ils précisent clairement que ce n’est pas un droit de veto », déplore-t-iel.
Les autochtones exclus des questions environnementales
Plusieurs groupes autochtones abondent dans le sens de Nicolas Chevalier. En mars 2021, Indigenous Climate Action a publié un rapport qui critique le fait que la politique environnementale canadienne exclut systématiquement les nations autochtones. Le rapport est extrêmement sévère à l’égard du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (CPC), un plan publié en 2019 et d’Un un environnement sain et une économie saine (ESES), un autre plan publié en 2020. Les rédactrices, la chercheuse nêhiyaw-iskwêw Rebecca Sinclair et la chercheuse allochtone Dr. Jen Gobby ont déploré le fait que les peuples autochtones se sont fait refuser comme membres à part entière dans les groupes de travail d’élaboration de ces stratégies environnementales.
lles ont qualifié ce geste d’acte hypocrite lorsque le CPC mentionne clairement que le savoir écologique autochtone est la clé de la solution de la crise climatique. Lorsqu’elles ont questionné les fonctionnaires sur la raison derrière ce refus, ils ont confié anonymement que deux provinces avaient bloqué la pleine participation autochtone à ces groupes de travail. Ils n’ont pas voulu préciser les noms de ces provinces. Mme Sinclair et Dr. Gobby ont aussi trouvé que la démarche d’élaboration de ces plans environnementaux canadiens ne respecte pas le droit autochtone d’auto-détermination et de consentement soutenu par les Nations Unies, les demandes de la Commission de vérité et de réconciliation, et des promesses de 2015 de Justin Trudeau. Les deux chercheuses ont trouvé que l’inclusion des autochtones dans le CPC est largement superficielle. Le plan ne les autorise pas à avoir droit de regard sur le processus de taxation du carbone, ce qui va à l’encontre du principe de la souveraineté autochtone sur leurs propres territoires. De plus, ils ne peuvent pas bénéficier des crédits d’impôt sur le carbone car plusieurs ne payent pas d’impôts. Les chercheuses craignent aussi que les taxes sur le carbone ne provoquent une hausse des prix des aliments, empirant ainsi la crise alimentaire qui sévit dans plusieurs communautés, particulièrement celles du Grand Nord.
Mme Sinclair et Dr. Gobby ont aussi trouvé que les mesures de transport du CPC négligent les communautés autochtones. Selon elles, plusieurs communautés autochtones éloignées n’ont pas accès à un réseau de transport en commun fonctionnel, ni de réseau de chargeurs pour les voitures électriques. De plus, beaucoup d’autochtones ne peuvent pas se permettre d’acheter de voiture électrique en raison du coût élevé de celles-ci. Elles se montrent particulièrement dures envers les plans d’énergie renouvelables proposés par le CPC, dont plusieurs sont similaires à ceux proposés par les partis fédéraux principaux. Les chercheuses jugent que les barrages hydroélectriques, cités en tant que solution par les partis libéraux, néo-démocrates, bloquistes et verts, ont des conséquences profondément néfastes pour plusieurs communautés. Au Manitoba et au Québec, la construction de barrages électriques dans le passé a provoqué des inondations dans plusieurs communautés autochtones, détruit des écosystèmes de manière permanente, et obligé le déplacement de plusieurs autochtones. Questionnée à ce sujet, Karine Lafontaine, représentante du Bloc Québécois, nous a affirmé que le gouvernement fédéral n'est pas responsable de mettre en place des projets de développement des ressources renouvelables. « En revanche, le Bloc Québécois a appuyé à toutes les étapes le projet de loi C-15 qui met en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, y compris la notion de consentement préalable, libre et éclairé », nous a-t-elle répondu dans un courriel.
« Ce sont aux entreprises qui entament des projets de développement des ressources hydrauliques d'aller chercher l'acceptabilité sociale et de s'entendre avec les Premières Nations concernés en vue d'obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé en travaillant en partenariat avec celles-ci. » Les partis libéraux, néo-démocrates, et verts n’ont pas répondu à notre requête d’entrevue. Mme Sinclair et Dr. Gobby croient que l’emphase des partis politiques sur les énergies renouvelables est erronée, car ces solutions sont toujours axées sur l’exploitation des ressources naturelles. Selon elles, l’exploitation des ressources naturelles est un principe fondamental d’une économie capitaliste et colonialiste, qu’elles considèrent être la véritable cause de la crise climatique.
Le plus récent rapport du GIEC corrobore leur point de vue en affirmant que la crise climatique est un problème de valeurs et de déséquilibres de pouvoir, et non de manque de technologies renouvelables. Les deux chercheuses sont aussi sceptiques de l’efficacité des APCAs, prônés par les partis conservateurs, libéraux, et verts. Elles croient que cette solution peut fonctionner seulement si le gouvernement fédéral est prêt à donner du financement adéquat et une position de pouvoir aux peuples autochtones pour mener à bien ces projets. Vu le sous-financement chronique des initiatives autochtones et le déplacement forcé de plusieurs communautés autochtones qui ne peuvent plus habiter sur un territoire naturel nouvellement déclaré protégé par le passé, les chercheuses doutent que les APCAs constituent une solution adéquate.
Les revendications environnementales autochtones
Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), un organisme national qui représente les 65000 Inuit du Canada, a aussi publié un rapport intitulé Inuit Priorities for Canada’s Climate Strategy (IPCCS). Dans ce rapport, ITK souligne les besoins particuliers des communautés qui vivent dans l’Arctique canadien, une région qui se réchauffe deux à trois fois plus rapidement que le reste du pays. IPCCS sonne l’alarme concernant la fonte rapide de la banquise et du pergélisol, deux attraits naturels qui sont une source de nourriture, d’apprentissage, de souvenirs, et de savoirs pour les Inuit. Selon eux, la disparition de ces deux attraits entraînerait la disparition du mode de vie et de la culture des Inuit.
L’ITK revendique des nouveaux protocoles de sécurité pour les chasseurs inuit, dont la majorité des familles dépendent pour leur sécurité alimentaire, car ceux-ci ne peuvent se fier aux routes traditionnelles qui sont en train d’être modifiées par les changements climatiques. Ces protocoles sont d’autant plus urgents puisque 63% des familles inuit souffrent actuellement d’insécurité alimentaire en raison du coût élevé de la vie dans le Grand Nord et des perturbations climatiques qui affectent les chasseurs. L’ITK revendique aussi un plan d’indépendance énergétique qui tient compte des réalités nordiques telles que l’absence de routes praticables à longueur d’année, le manque d’infrastructure de télécommunications et les conditions climatiques rigoureuses. La communauté inuit souhaite aussi avoir une place importante durant les négociations climatiques internationales, car elle fait partie de celles qui sont le plus affectées par les changements climatiques. Daniel Gladu Kanu, le directeur du Lake Winnipeg Indigenous Collective (LWIC), en a assez de voir les Premières Nations se faire exclure des solutions environnementales.
« Les partis ne se sont pas assurés que la souveraineté autochtone soit une partie intégrante des APCAs. En ce moment, les APCAs sont toujours sous l’autorité de Parcs Canada », déplore M. Kanu, un Anishinaabe-Métis de la région d’Animakee Wa Zhing. « Donc, Parcs Canada peut former des partenariats avec nous, mais la décision finale leur revient. » Pour le directeur du LWIC, cette situation est reproduite dans plusieurs initiatives environnementales. Un projet qui affecte les territoires autochtones prend forme au gouvernement fédéral, et les autochtones sont seulement consultés quand le projet est bien entamé. À ce stade, il est très difficile pour eux de réclamer des changements.« Il y a eu un projet au Manitoba qui avait pour but de contrer les changements climatiques en déviant les eaux d’un lac.
Mais ces eaux se sont déversées dans plusieurs communautés autochtones, une catastrophe qui s’élève à un milliard de dollars de dommages », explique M. Kanu, en guise d’exemple du manque de consultation. « Les Premières Nations n’ont pas été consultées à ce sujet. Certains d’entre nous ne sont toujours pas capables de retourner chez nous à cause de ce projet ». C’est pour cette raison qu’il est très sévère envers ceux qui considèrent l’énergie hydroélectrique comme étant une solution verte. Ça lui rappelle les grands projets de barrages qui ont été entamés dans les années 1970 et qui ont inondé plusieurs communautés autochtones. « Il y a des gens qui ont eu un délai de moins d’une semaine pour prendre toutes leurs affaires et déménager. Et leurs maisons ont été inondées la semaine d’après », se remémore-t-il avec tristesse.
« Plus récemment, il y a eu plus de consultations avec les peuples autochtones à ce sujet, mais nos demandes sont pour la plupart encore ignorées. Les projets sont approuvés, il y a eu quelques mesures de compensations, mais les communautés ont été tout de même déplacées. Voilà les impacts de l’hydroélectricité, souvent considérée comme une énergie verte. » M. Kanu revendique le droit des Premières Nations d’avoir davantage de droit de regard concernant les décisions prises dans le cadre du développement de projets. Pour lui, puisque ceux-ci sont sur le territoire sur lequel les autochtones puisent leur nourriture et leurs soins de santé sous la forme d’herbes médicinales, ils doivent être les principaux décideurs.
M. Kanu croit aussi que les autochtones doivent bénéficier de l’exploitation des ressources naturelles qui se font principalement sur leurs territoires. Le directeur du LWIC voit la source de tous ces problèmes dans le racisme systémique. Selon lui, les autochtones sont victimes de racisme lorsqu’ils sont consultés dans les projets environnementaux car plusieurs fonctionnaires ne sont pas formés pour travailler avec eux. Le fait que le peu de personnel autochtone qu’il y a dans les départements publics dédiés aux questions environnementales n’ont pas assez d’ancienneté pour prendre des décisions cruciales pour les autochtones n’aide pas. De plus, le savoir écologique autochtone n’a pas la même valeur que la science dans les cours qui tranchent sur les décisions environnementales.
« Il n’y a pas de solutions environnementales qui excluent les peuples autochtones. Ça inclut le changement climatique, la protection des cours d’eau et des écosystèmes », conclut-il. « Les autochtones habitent sur ce territoire depuis longtemps et ont accumulé des connaissances qui sont essentielles à l’avenir. »