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La Converse est-elle un média « Ghetto » ?
L’équipe et les collègues de La Converse, de gauche à droite, du haut vers le bas : Denitsa Hristova, Aude Simon, Laura Belfadla, Emelia Fournier, Firas Kefi, Maria Gabriela Aguzzi, Melissa Haouari, Loubna Chlaikhy, Lela Savić, Mouna Douab, Jennifer Da Veiga Rocha.
22/11/2024

La Converse est-elle un média « Ghetto » ?

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Salut, c’est Lela !

Récemment, j’ai eu l’occasion de rencontrer des étudiants en journalisme pour leur présenter La Converse et le travail que nous réalisons en tant que média.

Je leur ai exposé les raisons profondes qui m’ont poussée à créer La Converse : le manque criant de diversité dans les grands médias, des couvertures médiatiques trop rapides, souvent biaisées et laissant peu de place à l’introspection, et une inclusion symbolique qui cantonne les personnes issues de la diversité dans des rôles marginaux. Ces dynamiques contribuent à l’instauration d’une relation souvent traumatisante entre les communautés marginalisées et les médias.

En m’appuyant sur mes observations sur le terrain, sur mon expérience de femme Rom ainsi que sur des exemples concrets comme les recommandations du rapport Bouchard-Taylor, j’ai voulu mettre en lumière ces enjeux systémiques, qui ne peuvent plus être ignorés. 

À un moment donné de la discussion avec les étudiants en journalisme, le professeur m’a posé une question. « Vous êtes sévère avec les médias traditionnels en affirmant que les relations des communautés marginalisées avec les médias sont traumatisantes. Je trouve que vous avez renoncé facilement aux médias traditionnels. Ne craignez-vous pas de créer un “média ghetto” dans lequel vous ne parleriez qu’à des personnes racisées ? » 

Cette question m’a ramenée à la raison profonde pour laquelle j’ai décidé de créer La Converse, il y a maintenant quatre ans. Elle met en lumière l’importance, aujourd’hui plus que jamais, de clarifier ce qu’est La Converse, ce qu’elle n’est pas et pourquoi elle joue un rôle essentiel dans le paysage médiatique contemporain.

Définir le ghetto 

Avant d’aller plus loin, prenons un instant pour définir le mot « ghetto ». À l’origine, les ghettos désignaient les quartiers réservés aux Juifs, où ceux-ci étaient contraints de vivre sous des lois de ségrégation. Par la suite, le mot a été utilisé pour décrire des lieux d’exclusion forcée, symboles d’isolement et de persécution. En Amérique du Nord, ce terme est souvent associé aux quartiers noirs défavorisés. Selon le Larousse, « ghetto » désigne des espaces où des minorités vivent isolées, généralement en raison de pressions économiques ou de discriminations systémiques. Utilisé comme adjectif, il peut également qualifier des groupes perçus comme repliés sur eux-mêmes. C’est probablement dans ce sens qu’il a été employé par le professeur lorsque ce dernier a qualifié La Converse de « média ghetto ».

Cependant, le sociologue Loïc Wacquant rappelle que ce type d’utilisation peut créer une impression erronée. Lorsqu’on applique le terme « ghetto » à des initiatives ou à des espaces dirigés par des groupes marginalisés, cela renforce l’idée qu’ils seraient isolés ou clivants. Une telle interprétation passe à côté de leur rôle essentiel : donner aux communautés marginalisées les moyens de se faire entendre dans une société où les inégalités persistent. 

M. Wacquant souligne également que des espaces exclusifs créés par des groupes privilégiés, comme les banlieues riches et homogènes, ne sont jamais qualifiés de « ghettos », bien qu’ils présentent une homogénéité sociale et culturelle similaire à celle de tout ghetto. Cette asymétrie montre combien l’utilisation de ce mot est empreinte de jugements et de biais sociaux.

Ce que La Converse n’est pas

La Converse n’est pas un ghetto. Qualifier La Converse de « ghetto » revient à minimiser l’impact de notre travail et à méconnaître notre rôle dans le paysage médiatique. Ce terme, historiquement marqué par la ségrégation et l’exclusion, sous-entend que notre légitimité dépendrait des cadres imposés par des structures dominantes. Il est temps de se défaire de cette idée erronée : lorsque des communautés marginalisées prennent leur place, elles ne créent pas des ghettos. Elles créent des espaces de représentation, de dialogue et de transformation, donnant une voix à ceux qui vivent en marge et renforçant leur pouvoir d’agir au sein d’une société plus juste et plus inclusive. 

La Converse n’est pas un média replié sur lui-même. Notre mission est enracinée dans des récits créés par et pour des communautés souvent ignorées, mais notre contenu s’adresse à un public bien plus large. Les questions que nous abordons transcendent les frontières identitaires et touchent à des questions universelles. Ces récits, bien qu’ancrés dans des expériences spécifiques, enrichissent la compréhension collective et trouvent écho auprès d’une audience diversifiée.

La Converse n’est pas un lieu d’isolement. Nous ne sommes pas un média qui évite ou qui exclut les conversations difficiles et nuancées. Bien au contraire, nous les accueillons et les encourageons, car elles sont essentielles pour bâtir des ponts entre des gens ayant des perspectives différentes.

La Converse n’est pas une chambre d’écho. Nous ne cherchons pas à conforter une perspective unique, mais à créer des espaces inclusifs où des expériences et des points de vue diversifiés peuvent dialoguer. Nous abordons les enjeux dans toute leur complexité, sans réduire les réalités à des récits simplistes ou binaires.

La Converse n’est pas un média militant. Les journalistes issus de la diversité font souvent l’objet d’accusations de militantisme lorsqu’ils couvrent leurs propres communautés, un double standard bien documenté par de nombreux chercheurs canadiens. À La Converse, nous savons que cette accusation est infondée. Guidés par le code de déontologie de l’Association canadienne des journalistes et de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, nous nous engageons à respecter des normes strictes d’exactitude, d'équité et de transparence. Notre approche n’est ni partisane ni militante. Nous pratiquons un journalisme de dialogue, éclairant les enjeux et reliant des perspectives diverses pour favoriser une meilleure compréhension de la réalité.

Ce qu’est La Converse et pourquoi elle est essentielle 

La Converse, c’est un média qui a été fondé parce que de nombreuses communautés racisées, autochtones et marginalisées manquent cruellement d’espaces où elles peuvent être entendues dans toute leur complexité et leur humanité. Nous créons un espace médiatique où le dialogue est non seulement possible, mais également central, où la nuance est érigée en valeur fondamentale, et où des récits riches et diversifiés peuvent émerger.

C’est ainsi que nous pouvons réellement parler ici de La Converse comme d’un chien de garde de la démocratie et du « quatrième pouvoir ». Nous contribuons à renforcer l’écosystème des médias dans son ensemble.

En tant que média indépendant dirigé par des femmes racisées et ancré dans une éthique journalistique rigoureuse, La Converse joue un rôle unique dans le paysage médiatique. Nous amplifions là où d’autres réduisent au silence, et nous incluons là où d’autres excluent. C’est pourquoi nous adoptons une approche fondée sur le journalisme de dialogue et le « storytelling ascendant », où les récits émergent des communautés elles-mêmes, plutôt que d’être imposés d’en haut. De plus, nos initiatives, comme les Écoles Converse, forment la prochaine génération de journalistes à une approche inclusive et décolonisée, essentielle pour bâtir un avenir médiatique plus juste et équitable.

Le journalisme ne doit pas seulement informer, mais aussi interroger les structures de pouvoir et refléter toute la diversité de notre société. Sans cela, notre démocratie est incomplète. La Converse, en amplifiant les voix oubliées, joue un rôle vital dans l’écosystème médiatique et la société dans son ensemble.

La Converse n’est pas un « ghetto », mais une passerelle. Et au fur et à mesure que notre travail se poursuivra, j’espère que de plus en plus de personnes – même celles qui remettent en question notre approche – ressentiront toute la puissance et la valeur de ce que nous bâtissons.

Si vous croyez en l’importance de cette mission et souhaitez nous aider à continuer à amplifier ces voix, soutenez La Converse. Chaque contribution nous aide à continuer à susciter des changements nécessaires dans le paysage médiatique d’aujourd’hui. 

L’actualité à travers le dialogue.
L’actualité à travers le dialogue.