Un an et demi après leur publication et leur remise au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), deux rapports sur les interpellations policières et le profilage racial à Montréal ont finalement été présentés devant la Commission de la sécurité publique, à l’hôtel de ville, le mercredi 11 décembre. Cette présentation publique a été l’occasion pour les Montréalais d’exprimer leurs préoccupations ainsi que leur espoir d’obtenir certaines réponses. Au cœur de cette importante discussion, le SPVM brillait toutefois par son absence, laissant les questions en suspens et les citoyens en colère. Reportage.
Alors que la lumière commence à baisser et que la pluie devient glaciale, une trentaine de citoyens se pressent à l’intérieur de l’hôtel de ville, ce mercredi 11 décembre à 15 h. Devant la porte de la salle des Armoiries, six policiers montent la garde. À l’intérieur, les membres de la Commission de la sécurité publique font face au public et aux chercheurs, auxquels ils laissent la parole pour présenter les deux rapports ayant trait au profilage racial.
Au cours de cette rencontre publique, les deux groupes de chercheurs ont présenté des résultats éloquents mettant en lumière l’ampleur du phénomène et le « manque de volonté » du SPVM de s’y attaquer vraiment. « L’interpellation est une pratique indubitablement discriminatoire et qui n’avance pas en s’améliorant », tranche l’une des chercheuses.
Le premier rapport, commandé par le SPVM et la Ville de Montréal, a été réalisé par quatre universitaires: Victor Armony, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal ; Alicia Boatswain-Kyte, professeure adjointe spécialisée en racisme anti-noir à l’Université McGill ; Mariam Hassaoui, professeure de sociologie à l’université TÉLUQ ; et Massimiliano Mulone, professeur agrégé de l’École de criminologie de l’Université de Montréal.
Ils ont analysé plus de 270 000 interpellations policières sans motif réalisées de 2014 à 2021 à Montréal ainsi que les entrevues de 92 policiers. Au terme des 296 pages de leur rapport, on prend conscience de l’ampleur du profilage racial des policiers lors des interpellations aléatoires dans l’espace public.
Le second rapport, présenté par une autre équipe de recherche indépendante, se penche plus particulièrement sur les interceptions routières. Il a été réalisé, toujours à la demande du SPVM et de la Ville, par le Collectif de recherche sur les interceptions routières et le profilage racial, dirigé par Marie-Eve Sylvestre. L’étude révèle un phénomène de discrimination encore plus prononcé lors des interceptions routières du SPVM.
Cette présentation publique, réclamée par des organismes communautaires depuis leur publication en 2023, a été l’occasion pour les Montréalais d’exprimer leurs préoccupations et d’obtenir certaines réponses. Le SPVM a, en revanche, brillé par son absence, et plusieurs n’ont pas manqué de le faire savoir.
Des citoyens dénoncent l’absence de représentant du SPVM
Après une présentation détaillée de plus de deux heures des résultats des recherches, la période des questions du public voit la tension monter d’un cran dans la salle des Armoiries.
« Je voulais absolument être présente pour dire au SPVM tout le mal qu’ils nous font, et demander pourquoi cela continue après tant d’années », souffle Nicole. Assise sur l’un des bancs en bois de la salle, la quinquagénaire confie que l’un de ses fils « s’est fait harceler par la police » lorsqu’il avait 15 ans.
« J’habite à Saint-Léonard, on est originaires d’Haïti ; et la première fois que mon fils a reçu une amende de la police pour avoir traversé au feu rouge, ma première réaction a été de prendre la défense des policiers. Pour moi, le respect est très important, et c’est quelque chose qui est central dans mon éducation. Si un professeur ou quelqu’un qui a une autorité dit quelque chose, je vais l’appuyer», confie la mère de famille. «Mais les mois ont passé, et il se faisait contrôler de plus en plus souvent, avec des propos très limites, des remarques ou des sous-entendus racistes, et là j’ai compris que ce n’était pas lui le problème. On a fini par le conduire et aller le chercher à l’école tous les jours tellement il était stressé de faire le trajet seul ».
L’absence du SPVM cristallise des crispations. À la surprise générale, aucun représentant de la police n’était présent lors de cette présentation. Une absence d’ailleurs qui a été largement soulignée par les équipes de recherche ainsi que par les citoyens présents et le, tout comme celle du comité exécutif de la Commission de la sécurité publique.
« Je ne comprends pas que le directeur de la police ne soit pas là ce soir, reprend Nicole ; c’est un tel manque de respect ! Je suis contente d’avoir vu la présentation des chercheurs – qui était incroyable ! –, mais je ne vois pas l’intérêt de poser des questions à quelqu’un qui n’est pas là. » Amère, elle quitte discrètement la salle dès la fin de la présentation des rapports par les équipes de recherche.
« Je trouve que c’est, une fois de plus, un manque de considération et la preuve qu’ils ne respectent pas les personnes racisées de cette ville. » – Paul, un citoyen montréalais
Quelques minutes plus tard, les citoyens présents, dont de nombreux militants, s’approchent du micro les uns après les autres pour poser leurs questions. Dans la plupart des cas, Daphney Colin, la présidente de la Commission, formule la même réponse : « Ceci s’adresse au SPVM, nous allons leur transmettre votre question. »
« Ça n’a aucun sens ! Pourquoi on nous fait venir ici si on ne peut même pas leur parler ? Je trouve que c’est une fois de plus un manque de considération et la preuve qu’ils ne respectent pas les personnes racisées de cette ville ! » souffle Paul, un Montréalais révolté par cet échange à sens unique.
Sous un chapeau à bords larges, Anastasia Marcelin, directrice de la Ligue des Noirs du Québec, nouvelle génération, n’en démord pas : « Je suis devenue militante parce que mon frère se faisait harceler à Montréal-Nord, je n’ai pas eu le choix. (...) Nos communautés participent au développement de Montréal, ça doit cesser ! Les experts l’ont dit, tout le monde l’a dit, on est tous ici à dire la même chose ! » déclare la jeune femme avant de se tourner vers la porte vitrée de la salle. « Les policiers qui sont là dehors, arrêtez votre profilage racial ! » crie-t-elle à leur adresse, faisant sourire l’un d’eux.
Des applaudissements nourris laissent entendre toute la frustration du public. De nouveau, la même réponse lui est servie : « Votre question, comme toutes les autres qui s’adressent au SPVM, va être transmise au SPVM. »
« Madame la présidente, j’ai une dernière question, risque Mariam Hassaoui, l’une des chercheuse et rédactrice du premier rapport présenté. Est-ce habituel qu’il y ait autant de policiers à l’entrée de ce genre de réunion publique ? » Des murmures se font entendre dans la salle. Après un silence, la présidente reconnaît que « ce n’est pas vraiment habituel qu’il y en ait autant, mais il semblerait que le SPVM ait eu des informations selon lesquelles il y avait un risque de manifestation ». Un soupir parcourt l’assemblée.
L’argument ne semble pas avoir convaincu l’auditoire. « Et on va nous dire qu’ils étaient obligés de passer leur temps assis en face, à regarder leurs téléphones et à rigoler en nous regardant à peine pendant qu’on parle d’eux ? interroge Redouane, un résident de Montréal-Nord. Ils ne pouvaient pas se placer un tout petit peu plus loin et avoir une attitude professionnelle, s’ils étaient vraiment là pour assurer notre sécurité ? » Le ton sarcastique de Redouane ne cherche pas à dissimuler son aigreur.
Quelle prise en charge pour les victimes ?
Sur les bancs réservés au public, les visages sont fermés. Au fil des témoignages, on entrevoit les blessures causées par le profilage racial. Le sentiment de ne pas avoir sa place dans la société québécoise, l’épuisement lié au combat à mener, l’anxiété chronique – les conséquences sont multiples. D’autant que la parole des victimes est souvent remise en question, comme l’a noté Azzouz Abdellah, un intervenant communautaire de Saint-Michel, qui a raconté son expérience de profilage racial à La Converse en octobre dernier.
Appelé au micro, un citoyen réclame une prise en charge pour les victimes. La barbe impeccablement taillée, une chemise kaki boutonnée jusqu’en haut, Hamza Madani, qui travaille à la Clinique juridique de Saint-Michel, a lui-même fait l’amère expérience du profilage racial. « Je me faisais tellement contrôler sans raison que je me suis mis à faire des vidéos sur YouTube et les réseaux sociaux pour dénoncer ces pratiques. Aujourd’hui, dans mon travail, je m’intéresse tout particulièrement aux violences policières et je coanime un balado là-dessus aussi, car il est temps que ça s’arrête », nous confie le jeune homme.
Il s’adresse aux représentants de la Ville : « Que fait-on des jeunes qui ont subi ce type de profilage ? Qui ont perdu leur copine, leur femme, leur travail, leur emploi, leurs revenus – toutes ces conséquences ? Ce n’est pas tout le monde qui a une voix ! Il y a des jeunes qui se sont tus (...), qui ont dévié vers la criminalité ou la dépression. Que comptez-vous faire pour eux ? » demande-t-il.
La question de la prise en charge des victimes a été mise en lumière le 3 septembre dernier, lorsque la Cour supérieure du Québec a ordonné à la Ville de Montréal d’indemniser les personnes ayant subi du profilage racial. Cette décision ne s’applique toutefois qu’aux interpellations policières réalisées d’août 2017 à janvier 2019.
Les effets multiples du profilage racial
« Le policier a une arme à feu. Il peut faire n’importe quoi avec. La parole d’un Noir, là, ça vaut pas grand-chose dans la province où on vit. » – Aiden
Les chercheurs du Collectif de recherche sur les interceptions routières et le profilage racial ont rencontré de nombreuses victimes qui ont conservé des séquelles aussi bien physiques que psychologiques de ces pratiques policières. « J’ai voulu abandonner l’école, arrêter de travailler ; je faisais de l’insomnie, j’avais tellement de rage, je ne dormais pas bien […] Je pouvais passer la nuit à me tourner et à me retourner dans mon lit. Après, je ne comprenais pas comment un humain peut penser qu’il est supérieur à un autre comme ça ! » leur a confié Aymeric, qui a souffert de graves maux de tête et d’insomnie après plusieurs interpellations.
D’autres vivent dans la peur et font de manière récurrente les cauchemars. « Le policier a une arme à feu. Il peut faire n’importe quoi avec. La parole d’un Noir là, ça vaut pas grand-chose dans la province où on vit », laisse tomber Aiden. Alors que l’uniforme devrait les rassurer, les victimes disent souvent avoir appris à le craindre. « Certaines personnes sont en hyper vigilance constante lorsqu’elles marchent dans la rue, ou lorsqu’elles conduisent une voiture. Elles vont bien marquer trois secondes à chaque stop, rouler plus lentement… comme si elles devaient être plus parfaites que les autres pour ne pas se faire remarquer », souligne la chercheuse Marie-Eve Sylvestre.
Les effets du profilage racial peuvent se faire sentir dans la sphère financière ou professionnelle. Au-delà des amendes à payer – qui peuvent finir par représenter des sommes importantes –, les retards répétés, l’absentéisme ou encore les atteintes à la réputation peuvent entraîner la perte d’un emploi. « J’étais étudiante à temps plein et je travaillais à temps partiel avec un minimum d’heures, donc ça a pris carrément ma paie au complet pour payer », raconte Inès, une étudiante qui a reçu une amende qu’elle dit être injustifiée.
Enfin, la représentation des institutions publiques en général est elle aussi affectée, selon les chercheurs. Le sentiment de ne pas pouvoir obtenir justice, d’être exclu de la société québécoise ou encore le fait que les policiers sont autorisés à ne pas respecter la loi sont des impressions qui sont souvent rapportées par les victimes de profilage racial.
« J’ai de la misère à comprendre qu’il y ait une justice pour les Blancs, et une justice pour les Noirs. Avant, je ne me voyais pas dans un cadre ; dans ma tête, je n’étais pas Noir, je n’étais pas Blanc, j’étais quelqu’un, un humain qui se respecte ; mais là, quand je suis dans la rue, c’est comme si j’ai l’étiquette dans le front : “Ah t’es un Noir !”, puis on me le faisait sentir tout le temps ! C’est jamais chez moi ! Puis, mes enfants qui sont nés ici, c’est comme s’ils ne sont jamais Québécois à part entière ! Je sens cette stigmatisation ! » témoigne Raymond.
Des chercheurs désabusés face au « déni généralisé » du SPVM
Au-delà de la présentation des données de leurs études, les deux équipes de recherche ont montré un front uni et déterminé lors de la rencontre publique. Tous ont fait état de leur incompréhension face à la décision du directeur du SPVM, Fady Dagher, de refuser de mettre en œuvre leur unique recommandation : un moratoire immédiat sur les interpellations policières aléatoires.
Pour Massimiliano Mulone, qui fait partie de la première équipe de recherche, il ne devrait pas y avoir de doute : « Nous ne sommes pas d’accord avec lui quand il dit que ce serait une mesure symbolique. C’est le contraire d’une mesure symbolique puisqu’elle est très concrète ! On n’a pas compris d’où vient cet argument… » explique l’universitaire.
« Nous ne sommes pas contre l’idée du virage culturel* dont il parle, mais il dit lui-même que ça va prendre plusieurs années. Donc, moi, je dis que, en attendant, mettons fin à cette pratique dont le caractère discriminatoire est scientifiquement prouvé, et peut-être que dans quelques années, on pourra la remettre en place. Lorsque vous soumettez une population à la discrimination, ce n’est pas de la sécurité que vous produisez, mais de l’insécurité », conclut M. Mulone, déclenchant une vague d’applaudissements.
Selon Alicia Boatswain-Kyte, qui a pris part à la préparation du premier rapport, le déni dont fait preuve le SPVM entraîne un « immobilisme » de l’institution. « Comme la majorité d’entre eux ne se voient pas comme racistes et ne voient pas ces comportements chez leurs collègues, ces accusations sont vécues comme étant injustes. (...) Les pratiques ne font pas l’objet d’une remise en question ni d’efforts pour les changer », enchaîne-t-elle.
L’équipe de recherche espère également pouvoir consulter les données récentes du SPVM. « Les dernières données fournies par le SPVM sur les interpellations datent de 2021. Nous aimerions savoir si le SPVM va rendre publiques les données de 2022, 2023 et 2024 », demande Victor Armony.
Les sept grands points de ces rapports
- Les personnes autochtones, noires et arabes ont de 2,6 à 6 fois plus de chance d’être interpellées sans raison que la population blanche.
En 2021, une personne autochtone courait 6 fois plus de risque de faire l’objet d’une interpellation policière qu’une personne blanche. On parle ici d’interpellations aléatoires, qui ne sont justifiées ni par une quelconque infraction, ni par un soupçon raisonnable ou une enquête en cours. Ce chiffre a presque triplé depuis 2014.
Une personne noire courait quant à elle 3,47 fois plus de risque de subir le même sort, et une personne arabe, 2,62 fois plus de risque. Enfin, les latinos ont 1,26 fois plus de chance d’être interpellés que les personnes blanches.
- Les jeunes hommes noirs et arabes sont les plus touchés par le profilage racial.
Les jeunes de 15 à 34 ans représentent environ la moitié des personnes interpellées chaque année par le SPVM. « Au sein de la population masculine âgée de 15 à 34 ans, plus du tiers des personnes interpellées à Montréal sont noires, et une personne sur six est arabe », notent les chercheurs. Être jeune augmente donc le risque, déjà élevé pour une personne racisée, de subir du profilage racial.
Par ailleurs, si la proportion de jeunes hommes noirs victimes de profilage racial est relativement stable depuis 2014, celle des jeunes hommes arabes a fortement augmenté. En 2021, ils représentaient presque le quart de toutes les interpellations effectuées auprès des jeunes. Une proportion démesurée quand on sait que les personnes de tous âges qui s’identifient comme arabes ne constituent que 8 % de toute la population montréalaise.
« L’immense majorité des interpellations aléatoires sont initiées par les policiers eux-mêmes, plutôt que par des signalements de citoyens », précise la sociologue Mariam Hassaoui, rejetant ainsi l’argument selon lequel ces biais seraient liés aux appels au 911.
Un phénomène que les policiers expliquent par le fait que les jeunes racisés seraient plus susceptibles de commettre des infractions. Mais là encore, les chiffres ne sont pas en accord avec la théorie.
- Il n’existe pas de corrélation entre ethnicité et criminalité.
« Pour les policiers, c’est un profilage criminel et non racial », rapporte la chercheuse. S’il fallait que l’absence de corrélation entre ethnicité et criminalité soit prouvée scientifiquement pour tenter d’en finir avec ce préjugé raciste, eh bien, c’est chose faite dans ce rapport.
Les sociologues ont en effet utilisé l’Indice de sur-interpellation au regard des infractions aux règlements municipaux (ISRI-RM) pour le démontrer. Il s’agit de mettre en parallèle le nombre d’interpellations visant chacun des groupes racisés et le nombre d’infractions commises par ces mêmes groupes à Montréal. Dans une société sans profilage racial, le premier devrait être plus ou moins proportionnel au second. Or, ce n’est pas le cas.
Selon qu’il s’agisse d’infractions aux règlements municipaux ou au Code criminel, le taux de sur-interpellation des personnes noires ou arabes varie entre 20 % et 112 %. Cela prouve que les interpellations sont « une pratique stable et routinière » qui est « très sensible aux préjugés » et entraîne un « profilage racial », estiment les chercheurs.
L’équipe de recherche insiste sur le fait qu’il s’agit là d’un constat « irréfutable », qui ne peut plus donc faire l’objet de débat.
- Le profilage racial est un phénomène exacerbé sur la route.
Derrière le volant, les personnes racisées sont plus susceptibles de faire l’objet de profilage racial à l’occasion de contrôles routiers.
Selon les chercheurs, les policiers motivent ces interpellations par diverses raisons : des vitres trop teintées, des plaques enneigées, une voiture de type « bandit », un regard évasif, le fait de porter un capuchon, d’avoir une coupe de cheveux afro ou de conduire une voiture qui n’est pas à son nom. À ce sujet, la chercheuse Marie-Ève Sylvestre ironise : « Je tiens à dire que je conduis une voiture qui est au nom de mon mari et que je n’ai jamais été interceptée pour cette raison. »
Le rapport note que les contrôles peuvent rapidement dégénérer, avec « des insultes à caractère racial » par exemple, dès lors que la personne concernée pose des questions sur le motif du contrôle ou « a le malheur de vouloir faire respecter ses droits ». Cela peut aller jusqu’à l’agression physique de la part des policiers, souligne le rapport.
En consultant les témoignages recueillis, on apprend que certaines personnes sont interceptées de une à 10 fois par mois. Un chef d’entreprise confie même avoir fait retirer le nom de son entreprise de sur sa voiture pour ne pas se faire de mauvaise publicité en étant vu, arrêté par la police, sur le bas-côté de la route.
- Le déni est collectif au SPVM.
L’équipe de recherche a réalisé des entrevues avec 92 policiers de Montréal. Une écrasante majorité d’entre eux estiment que le profilage racial n’existe pas.
« Nous constatons qu’il existe, parmi les membres des forces de l’ordre, un déni généralisé du problème de discrimination raciale au sein de leur organisation. Les policiers insistent sur leur engagement à servir et à protéger tous les citoyens, mais aussi sur le fait que les interpellations sont une pratique essentielle. Ces pratiques ne font pas l’objet d’une remise en question ni d’efforts pour les changer », indique Mariam Hassaoui.
« L’interpellation aléatoire s’appuie en grande partie sur la suspicion ; donc, c’est une pratique caractérisée par son ambiguïté (...) qui suit une logique de prédiction, selon laquelle, si la personne attire notre attention, c’est qu’elle le mérite. C’est une pratique qui est particulièrement sensible aux préjugés et aux biais cognitifs », ajoute la chercheuse.
- L’unique recommandation est d’instaurer un moratoire sur les interpellations.
« Nous avons proposé le moratoire de toute interpellation policière qui ne repose pas sur le constat d’une infraction, un soupçon raisonnable ou une procédure en cours, pose Victor Armony. Contrairement à ce que l’on a dit, il s’agit de notre seule recommandation dans ce second rapport. » Une recommandation que le directeur du SPVM, Fady Dagher, a déjà balayée du revers de la main lors de la publication du rapport, en juin 2023.
Selon lui, un moratoire ne serait qu’une « mesure symbolique » qui ne permettrait pas de « régler le problème à la source ». Pourtant, en 2019, le premier rapport, commandé par le SPVM aux mêmes chercheurs, était déjà alarmant à cet égard.
Fady Dagher avait alors annoncé la mise en place d’une nouvelle politique sur les interpellations. Mais à la lecture du second rapport, force est de constater que celle-ci n’a pas eu d’effet véritable sur le profilage racial, laissant les Montréalais racisés subir comme auparavant les discriminations policières.
Interrogé par La Converse, le SPVM demeure évasif. « En tant qu’organisation, nous reconnaissons la nécessité d’améliorer nos pratiques. Nous demeurons engagés dans les démarches amorcées depuis le premier rapport que nous avons commandé aux chercheurs et qui a été publié en 2019 », assure l’institution policière par la voie de son service de presse.
« Au cours de l’année 2025, le SPVM sera en mesure de présenter la version actualisée de sa politique sur l’interpellation policière, politique qu’il avait initialement déployée en 2021. »
Aucun détail sur la façon dont cette « version actualisée » pourrait s’avérer plus efficace que la précédente.
*Fady Dagher a déclaré en 2023 qu’un « virage culturel » au sein de l’institution policière suffirait à résoudre le problème du profilage racial.