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23/12/2024

Un entrepreneur de Saint-Michel veut conquérir le marché du sport

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Au troisième étage du 3737, rue Crémazie, un événement inédit a eu lieu ce vendredi 20 décembre, à la veille de la relâche du temps des Fêtes. Cinq entrepreneurs ont soumis leur projet dans le cadre de la première édition du Défi Saint-Michel. Une initiative portée par le Groupe 3737, un incubateur favorisant une plus grande diversité dans le milieu des affaires.

C’est le grand jour ! Comme les enfants qui attendent de pouvoir ouvrir leur cadeau, cinq entrepreneurs de Saint-Michel attendaient ce moment avec impatience. « C’est la fin d’un parcours de six semaines au cours duquel ces entrepreneurs ont travaillé très, très fort. Aujourd’hui, c’est la grande journée du pitch ! Les entrepreneurs ont cinq minutes pour présenter leurs projets, explique Maudeleine Myrthil, vice-présidente, Entrepreneuriat, du Groupe 3737, à l’assemblée. 

Quelques soutiens des entrepreneurs se sont déplacés pour l’occasion. La mairesse de l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Laurence Lavigne Lalonde, et le député de Viau, Frantz Benjamin, sont également présents pour assister à cette initiative rendue possible grâce à l’aide financière de l’arrondissement et de PME MTL, le réseau de soutien aux entreprises de la Ville de Montréal.

Des pitchs diversifiés, à l’image de Saint-Michel

C’est M. Roland, à la tête d’une entreprise de rénovation, qui ouvre le bal. Celui qui a grandi à Montréal laisse entrevoir un stress bien compréhensible, butant à l’occasion sur un mot, mais se ressaisissant rapidement. Il n’hésite pas à donner son numéro de téléphone à d’éventuels clients dans l’assistance. « Notre différence, c’est d’offrir un travail de rénovation de qualité, mais à un prix qui reste abordable pour les habitants de Saint-Michel », assure-t-il. Il espère remporter le Défi afin de développer sa présence numérique et pouvoir louer un bureau plus confortable. 

Vient ensuite le tour du Centre communautaire La Patience, qui offre une aide alimentaire et matérielle aux résidents du quartier. Chemise blanche immaculée et veste noire, Jean Charles Bernard a présenté le projet du centre : déménager dans un local plus grand pour offrir de meilleurs services à la communauté.

Puis, le propriétaire de deux restaurants situés sur le boulevard Saint-Michel prend le relais. Son idée ? « Beaucoup d’enfants vont à l’école sans manger. Cette subvention me permettrait donc d’offrir des boîtes à lunch à certains enfants. Je veux faire ça pour redonner un peu de ce qui rentre à la communauté », assure Paul Fablon. 

C’est avec une mise en scène travaillée que le quatrième entrepreneur commence son pitch. « Ce projet est tout simplement une innovation et une révolution ! » lance Mikhaïl N. Ngassa, fondateur de Kherös Sport. Il s’agit d’un gel douche formulé pour accélérer la récupération physique des petits et des grands sportifs, et ce, grâce à des produits naturels aux vertus anti-inflammatoires.

Ngan Julie Trinh, cofondatrice de Pretty Little Things Ongles & Spa, vient clôturer la matinée de pitchs. La jeune femme défend un projet de rescolarisation des jeunes femmes du quartier en situation de décrochage scolaire grâce à une formation en onglerie. « Je leur montre qu’elles peuvent gagner de l’argent en travaillant et j’essaie de les amener à retourner à l’école pour se former en ce qu’elles souhaitent », explique la femme d’affaires. 

Ngan Julie Trinh, cofondatrice de Pretty Little Things Ongles & Spa, lors de son pitch. Photo : Loubna Chlaikhy

Au terme de ces cinq présentations, le jury se retire pour délibérer. C’est finalement l’entreprise Kherös Sport de Mikhaïl N. Ngassa qui remporte le Défi Saint-Michel ainsi que le prix de 2 500 $ remis au gagnant. Une fierté pour le trentenaire, dont les ambitions semblent sans borne.

De joueur de basket à chef d’entreprise

Mikhaïl N. Ngassa s’est illustré dans l’exercice du pitch. Dynamique, très bien préparé et visiblement à l’aise, il a présenté son produit comme s’il s’agissait d’une star ! Sous les applaudissements du public, le gel douche Kherös Sport a été présenté sur un présentoir par un assistant. « J’ai choisi de travailler avec un laboratoire et des fournisseurs québécois. C’est donc un produit 100 % local et innovant », souligne-t-il fièrement.

L’entrepreneur n’en est pas à son coup d’essai. Il a déjà décroché le troisième prix lors du Gala de Reconnaissance des Entrepreneurs Noirs du Québec, en avril dernier. Celui qui indique travailler 85 heures par semaine en moyenne est déterminé à faire sa place et « à représenter son hood ».

Né en France, il a passé sa jeunesse entre le Cameroun de ses parents, l’Hexagone et le Royaume-Uni. « Je faisais du basketball en centre de formation quand j’étais jeune. Quand je me suis installé à Saint-Michel, il y a 15 ans, le projet a ensuite été d’aller jouer aux États-Unis, mais finalement, ça n’a pas fonctionné », raconte Mikhail. 

Désireux de ne pas abandonner totalement sa passion, il poursuit des études universitaires en marketing, communication et relations publiques. « J’ai toujours eu envie d’entreprendre, mais je voulais y allier avec ma passion pour le sport. J’ai consacré une année à la recherche et au développement grâce à une aide du gouvernement qui n’existe plus, mais qui m’a offert un revenu durant cette période », précise-t-il. 

À la fin de cette année d’exploration, il tenait son produit. La seconde année, il a lancé une première production de près de 800 bouteilles et a distribué des échantillons pour faire tester son gel douche de récupération musculaire. 

« Je suis le premier chef d’entreprise noir dans le milieu du sport au Québec »

Les quartiers comme Saint-Michel, perçus comme étant pauvres et multiculturels, sont trop rarement associés à l’innovation entrepreneuriale. Pourtant, de plus en plus de personnes racisées se lancent dans ce type d’aventure. « C’est sûr qu’au début, on pense que ça va être plus difficile, surtout quand on n’a pas de réseau. La plupart des gens aiment mon énergie ; donc, ce n’est pas trop difficile pour moi, même si je suis le premier chef d’entreprise noir dans le milieu du sport au Québec », confie le PDG de Kherös Sport. 

Selon lui, l’absence de réseau ne peut être compensée que par beaucoup de travail. « Quand je vois des gens qui n’ont même pas de LinkedIn ou pensent qu’ils peuvent tout faire de chez eux, ça ne va pas. Je vais dans énormément d’événements et de rencontres que je choisis en fonction de leur pertinence pour mon domaine, qui est le sport. Il faut identifier les bonnes personnes, créer des liens, etc. », raconte-t-il.

Mikhaïl N. Ngassa lors de son pitch. Photo : Loubna Chlaikhy

Une méthode qui fonctionne puisque ce travailleur acharné commence déjà à se faire un nom. « Le député Frantz Benjamin, qui était là tout à l’heure, utilise mon gel douche », assure Mikail avec fierté.

Au total, il a dépensé 20 000 $, puisés directement dans ses économies. Un risque qu’il ne regrette pas d’avoir pris, car la première production test s’est entièrement vendue. Mikhail voit maintenant plus grand : « La prochaine étape est de faire entrer un investisseur et de lancer la production. Puis, je travaille déjà sur de nouveaux produits Kherös Sport – notamment un gel douche pour les nageurs, par exemple, une crème hydratante, un shampoing… J’ai beaucoup d’idées de produits liés à la récupération sportive. »

Ses articles étant déjà commercialisés en ligne et dans quelques boutiques montréalaises, il projette de travailler avec des distributeurs pour conquérir le marché québécois, puis canadien. Et il n’oubliera pas Saint-Michel dans ses plans de développement. « J’aimerais proposer aux jeunes du quartier des missions sur les réseaux sociaux par exemple, les faire participer à ce projet », assure-t-il. 

D’une nature ambitieuse, il voit déjà les produits de sa marque s’exporter dans le monde entier.

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