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Petites-Mains, une entreprise d'insertion pour les femmes immigrantes
Des cours de couture sont offerts chez Petites-Mains, une entreprise d’insertion montréalaise. ( Photo: Amélie Rock, La Converse)
23/6/2024

Petites-Mains, une entreprise d'insertion pour les femmes immigrantes

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
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COURRIEL
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Note de transparence

Lorsqu’on entre dans le bâtiment de Petites-Mains, juste en face du parc Jarry, on sent tout de suite une vague de chaleur et de réconfort nous envahir. Ce n’est pas anodin : ici tout le monde, du personnel à l’accueil aux employées du café-traiteur, semble bienveillant, cordial. 

Petites-Mains, une entreprise d’insertion à but non lucratif, est née d’une demande précise : celle d’aider les femmes immigrantes à s’intégrer et à gagner en autonomie. Résidentes permanentes, réfugiées, demandeuses d’asile ou même sans statut, des femmes issues de l’immigration passent par cet organisme et en ressortent la tête haute. La Converse a rencontré Abir Mansour Ali, une participante du programme devenue employée de Petites-Mains, et Mariam Abdali, la directrice adjointe de cet organisme, laquelle nous a présenté la mission qu’elle soutient depuis des années. 

« J’ai trouvé chaussure à mon pied »

Abir Mansour Ali est arrivée au Québec il y a presque trois ans. « Deux ans et sept mois », précise-t-elle en rigolant. Elle est la responsable des repas chauds de la cafétéria et du traiteur de Petites-Mains. 

Vêtue d’un tablier blanc agencé avec le foulard beige qu’elle porte sur la tête, elle nous reçoit chaleureusement sur son lieu de travail, le café-traiteur de l’organisme. « Je suis née à Djibouti et j’y ai passé toute ma vie, mais je suis d’origine yéménite », nous confie la mère de famille de 42 ans. Après avoir présenté des demandes d’immigration dans plusieurs pays, Abir, son mari et ses trois enfants sont venus s’installer à Montréal, puisqu’elle et sa famille ne parlent qu’arabe et français. 

« Quand je suis arrivée ici, ça faisait 17 ans que je n’avais pas fait autre chose que de m’occuper de ma famille », commence Abir. « Les trois premiers mois à Montréal, je m’ennuyais terriblement. Je n’avais rien à faire, et je ne pensais pas être capable de trouver du travail parce que je n’avais aucune expérience, aucun diplôme », se rappelle-t-elle. Pourtant, une nouvelle vie au Canada constituait pour elle une chance de travailler et d’aider sa famille coincée dans le conflit au Yémen, où sévit l’une des plus graves crise humanitaires dans le monde, selon l’ONU

Un jour, elle décide de se lancer. Elle sort de chez elle, monte dans l’autobus à Saint-Laurent, arrondissement où elle réside, et se rend dans différents organismes d’aide à l’emploi pour les nouveaux arrivants. À force de se présenter, d’assister à des ateliers formateurs et même de suivre des cours pour perfectionner son anglais, Abir rencontre Mme Naïm, du CARI Saint-Laurent. Cette dernière la dirige vers Petites-Mains lorsqu’elle apprend qu’Abir adore cuisiner, et qu’elle fait ça pour sa famille depuis 17 ans.

« Lorsque je suis arrivée chez Petites-Mains, je n’avais aucune expérience. Mais tout le monde m’a aidée. Les responsables et les formatrices ont été très patientes, et les autres participantes et moi avons fini par former une famille », se souvient-elle en souriant. Après quelques mois, une fois la formation rémunérée d’Abir terminée, l’entreprise l’embauche officiellement en tant que responsable des repas chauds du café-restaurant. 

« Quand je suis venue ici avec mon mari, je ne connaissais personne. Je n’avais pas d’amis et pas de famille, à part mes enfants. Ici, j’ai rencontré des gens qui sont devenus plus que des collègues : de véritables amies ! » confie-t-elle avec émotion. 

Plus tard, Abir aimerait ouvrir son propre restaurant de cuisine yéménite. « Je veux acheter une maison pour ma famille et travailler fort pour ouvrir mon restaurant un jour », dit-elle, des étoiles plein les yeux. « Je suis heureuse. Je vis ma vie de rêve ici, et c’est grâce aux gens que j’ai rencontrés à Petites-Mains. Ici, j’ai trouvé chaussure à mon pied », termine-t-elle sur un ton joyeux.

La création d’une famille

Des parcours comme celui d’Abir, il y en a plein à Petites-Mains. La genèse de cette famille remonte à il y a 20 ans et ne s’est pas produite de façon anodine. 

En 1994, à la suite de la fermeture d’une banque alimentaire dans le quartier de Côte-des-Neiges faute de budget, les responsables qui s’en occupaient ont remarqué que la majorité de leurs bénéficiaires étaient des femmes immigrantes. « La première chose que les fondatrices se sont demandée, ç’a été : pourquoi ? Pourquoi est-ce que ce sont elles qui sont les plus nombreuses à bénéficier des banques alimentaires ? », raconte Mme Abdali. 

À la suite de ce questionnement, des rencontres ont eu lieu avec lesdites femmes afin de comprendre leurs besoins. Toutes, qu’elles aient été mères de famille, anciennes entrepreneures, aînées ou jeunes adultes, ont été claires : le premier besoin, c’est de devenir plus autonome. Le deuxième, c’est de s’intégrer. Afin de mieux répondre à ces nécessités, Petites-Mains voit alors le jour et tente d’offrir à ces femmes des solutions concrètes pour mieux se retrouver dans un nouvel environnement, dans un nouveau pays. 

L’entreprise est située dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. (Photo: Amélie Rock, La Converse)

Sœur Denise Arsenault et Nahid Aboumansour, les fondatrices de l’organisme, installent des machines à coudre dans un petit local situé dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges. Des cours de couture sont offerts gratuitement aux femmes concernées afin de leur fournir une formation adéquate dans ce domaine. C’est ainsi que Petites-Mains est né. 

« Ici, on est comme une grande famille », nous dit avec passion Mariam. « On demande aux femmes ce qu’elles savent et aiment faire, et on tente de combiner ça avec leur mode de vie au Québec, à Montréal », résume-t-elle. 

Aider celles qui en ont besoin

« À chaque fois qu’une femme entre dans notre bâtiment, elle doit obligatoirement en sortir avec des solutions » : voilà la mission de l’organisme que gère conjointement Mariam. « La meilleure manière de donner des solutions aux femmes nouvellement arrivées, c’est de leur offrir des outils. Quelque chose qui puisse leur servir dans la vie à l’extérieur, dans le monde du travail et dans leur vie personnelle », ajoute-t-elle.

« Pour les nouveaux arrivants, la première barrière est souvent la langue », souligne Mariam. Elle-même est arrivée à Montréal à l’âge de neuf ans après avoir passé plusieurs années à voyager entre le Liban et l’Iran, ses deux pays d’origine. « On offre des cours de francisation du ministère de l’Immigration pour faciliter l’intégration des nouvelles arrivantes », reprend-elle. « Ensuite, selon les besoins de chacune d’entre elles, on s’ajuste afin de donner à toutes la bonne formation et le bon programme d’insertion à l’emploi », précise-t-elle. 

« Il y a des femmes qui viennent ici sans aucune expérience, et d’autres qui arrivent avec plein de diplômes non reconnus, mais aucune expérience québécoise. Notre objectif est de permettre à toutes ces femmes de trouver chaussure à leur pied en leur dénichant des compétences transférables, peu importe leur parcours », assure Mariam. Par exemple, une femme qui s’est occupée des finances personnelles de sa famille toute sa vie sans pour autant avoir travaillé dans le domaine possède une compétence jugée transférable. « En offrant à cette femme une formation plus large en finance, on lui donne une alternative à son bagage jugé “non pertinent” », illustre-t-elle.

Petites-Mains offre aussi de l’aide aux demandeuses d’asile et aux personnes sans statut dans le processus d’obtention d’un permis d’emploi ou d’études ouvert afin de les amener à être plus autonomes financièrement en attendant qu’on statue sur leur situation. 

Des nouvelles arrivantes en classe de francisation. (Photo: Amélie Rock, La Converse)

Valoriser concrètement le travail des participantes

L’organisme offre des formations dans des domaines précis, comme la couture et la restauration. Des programmes d’aide à l’emploi y sont aussi proposés, et toutes les participantes sont rémunérées pour leurs apprentissages. 

Un centre de la petite enfance (CPE) se trouve également sur les lieux. Des travailleuses et des intervenantes sociales et interculturelles travaillent aussi pour Petites-Mains et offrent du soutien et du suivi aux participantes.

L’organisme dispose aussi d’un café-traiteur, lequel est situé au rez-de-chaussée et où une dizaine de femmes travaillent en cuisine et au service à la clientèle. « Le service traiteur nous permet d’embaucher une dizaine de personnes pour répondre aux besoins de notre clientèle », glisse la directrice adjointe. 

Mariam Abdali, directrice adjointe de Petites-Mains. (Photo: Amélie Rock, La Converse)

Conscient que l’intégration est une relation bidirectionnelle entre la société d’accueil et l’immigrante, l’organisme encourage les participantes à s’impliquer à leur manière, en leur demandant de partager notamment leurs savoirs, par exemple la préparation de plats pour celles qui travaillent en cuisine. 

Une histoire à long terme

« Petites-Mains a des ententes avec plusieurs entreprises de différents domaines qui font partie de nos partenaires employeurs. Ça nous permet d’assurer à plusieurs participantes un emploi une fois que leur formation est terminée ici », explique Mariam. Pour l’organisme, c’est un peu une façon de montrer de la reconnaissance à celles qui fréquentent l’entreprise d’insertion. 

« En plus de formations dans des domaines particuliers, on offre des formations à la recherche d’emploi. On aide les femmes à obtenir une première expérience de travail québécoise en les aidant à composer un CV, à se préparer pour une entrevue ou à approcher des employeurs potentiels », énumère la gestionnaire. 

Celles pour qui ces expériences ne marchent pas nécessairement à long terme ou qui rencontrent des obstacles sur le chemin de l’insertion professionnelle peuvent toujours revenir à Petites-Mains. « Quand on entre dans la famille de Petites-Mains, on y est pour toujours, nous assure Mariam. Il y a des femmes qui reviennent nous voir des années après notre première rencontre, et c’est normal. L’intégration, ça n’est jamais facile. Il peut y avoir des moments plus difficiles », explique-t-elle. Elle assure que l’organisme sera toujours là pour celles qui l’ont déjà fréquenté par le passé. 

PETITES-MAINS EN QUELQUES CHIFFRES :

- Environ 30 000 femmes ont bénéficié des services de l’organisme depuis sa création, en 1995. 

- Chaque année, 80 % des femmes qui suivent une formation grâce au programme de Petites-Mains trouvent un emploi durable immédiatement après.

L’actualité à travers le dialogue.
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