Aya Ahmed Lechheb. Photo: Christopher Curtis
Inspiration
«Les gens doivent s'habituer à voir des femmes fortes»
16/8/24
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5 Minutes
Initiative de journalisme local

*Ce reportage a été produit en collaboration avec The Rover

Imane Khelif aux JO 2024 : le combat des femmes racisées dans le milieu de la boxe

La polémique sur la féminité de la championne olympique algérienne Imane Khelif a eu des échos jusque chez certaines boxeuses racisées de Montréal. Mais cela ne fait que renforcer leur détermination à être de meilleures boxeuses.

En croisant Aya Ahmed Lechheb dans la rue, on ne pourrait pas deviner qu’elle est boxeuse. Hors du gym, Aya est plutôt discrète. L'inhalothérapeute de 22 ans mesure un peu plus d'un mètre cinquante, rougit facilement et vit dans le quartier de Saint-Michel à Montréal avec ses parents et sa petite sœur. Cinq soirs par semaine, elle se démène dans le sous-sol d'une église de la rue Jarry. Depuis février, Aya se consacre entièrement au kickboxing.

Certains soirs, elle se rend au gymnase à 18h, s'échauffe pendant 20 minutes, fait des exercices pendant deux heures, suivies de 45 minutes de combat qui l'opposent à des hommes deux fois plus grands qu'elle. Lorsqu'elle a épuisé son corps, elle prend le bus pour rentrer chez elle et, si la chance lui sourit, elle réussit à dormir cinq heures, avant de se réveiller à l'aube pour commencer son service à l'hôpital.

« Quand je suis au gym, je n'ai pas le temps de me concentrer sur le travail ou sur ce qui se passe dans ma tête. Quand je suis ici, je ne fais que du kickboxing », explique Aya, alors qu’elle se prépare pour son entraînement chez Barbu Kickboxing.

« Travailler dans un hôpital est parfois particulièrement stressant, mais l'entraînement et le combat m'aident à mieux contrôler mes émotions. Encaisser les coups et continuer malgré tout a un impact énorme sur ma vie. Même si je ne suis pas la meilleure athlète du club. Cette discipline change la manière dont je me perçois », explique-t-elle.

Depuis ses études supérieures, la boxeuse porte un hijab, ce qui lui attire parfois des regards critiques. Comme ce soir où, alors qu'elle rentrait chez elle, une inconnue lui hurle des injures à propos de son foulard. Ce ne sera pas la première ni la dernière agression visant son choix vestimentaire.

Aya estime que le kickboxing lui évite de se sentir démunie lorsqu'elle marche dans une rue sombre. « Je n'ai pas beaucoup d'estime de moi, mais cela a changé depuis que j'ai commencé à m’entraîner, surtout quand je marche seule dans la rue. Je ne suis pas She-Hulk, mais je me sens plus en sécurité quand je suis dehors », confie l’athlète.

En tant que boxeuse amatrice originaire d'Algérie, elle avait bien sûr les yeux rivés à la télévision vendredi dernier, lors du match où Imane Khelif a remporté l’or aux Jeux olympiques de Paris. Elle avait les larmes aux yeux lorsque la boxeuse algérienne était en voie de battre son adversaire chinoise Yang Liu.

« Le présentateur pleurait, je pleurais, ma mère pleurait aussi et mon père avait les larmes aux yeux. Je ne crois pas l'avoir jamais vu pleurer ! » , s’exclame Aya.

Comme beaucoup, Aya n'a découvert l’olympienne algérienne qu'après la déferlante de messages haineux en ligne, de menaces de mort et de fausses accusations de tricherie à son encontre.​​ Imane Khelif, 25 ans, s'est retrouvée au milieu d'une tempête médiatique suite à sa victoire contre Angela Carini par K.O. technique. Son adversaire italienne a abandonné le combat après seulement 47 secondes, se plaignant de n'avoir jamais été frappée aussi fort. Les propos tenus par le clan Carini ont également alimenté les spéculations sur le fait qu’Imane Khelif serait en fait un homme qui se bat contre des femmes.

Ces affirmations ont été amplifiées par la première ministre italienne Giorgia Meloni, le milliardaire propriétaire du réseau social X (ex-Twitter) Elon Musk, J.K. Rowling (auteure de la série Harry Potter), l'ancien président des États-Unis Donald Trump et tout un panel de personnalités désireuses de s'en prendre à une boxeuse amatrice dont elles n'avaient jamais entendu parler auparavant. Si les mensonges au sujet du genre et du sexe d’Imane Khelif ont enflammé les médias sociaux, Aya ne s'est pas laissé berner aussi facilement.

« Faites vos recherches, l'Algérie n'enverrait pas une boxeuse trans aux Jeux olympiques, cela n'a aucun sens », affirme Aya, qui a vécu dans son pays d’origine jusqu'à l'âge de 6 ans. « J'ai l'impression qu’il y a du progrès au fil du temps, mais que le chemin est encore long. Nous avons tous besoin d'en apprendre plus sur l'autre ».

Mais cette campagne de dénigrement a tout de même eu un effet sur la scène montréalaise des sports de combat. Des propriétaires de gyms, des promoteurs d'événements et des athlètes connus ont partagé des mèmes qui photoshopaient une pomme d'Adam sur Imane Khelif, un bourrelet dans son pantalon ou utilisaient des mots comme « dégueulasse » et « monstre » pour décrire la championne olympique.

« À ce stade, on se demande si on on simplement le droit d'exister. Pouvons-nous être des femmes qui pratiquent ce sport ? Si elle [ Imane Khelif ] est trop forte, ça doit être parce qu'elle est un homme ou qu’elle prend des stéroïdes. Si je porte un hijab, c'est que je suis faible et qu'il faut me sauver. C'est si lourd, parfois », ironise Imane.

Des allégations non vérifiables

La polémique sur la féminité d’Imane Khelif est due à un test qui aurait révélé la présence de chromosome masculin chez la boxeuse lors des championnats de l'Association internationale de boxe (IBA) en 2023.

Or, l'IBA, basée en Russie, n'a jamais publié les résultats et a présenté des comptes-rendus divergents sur le test qu'elle a effectué et sur les résultats obtenus.

Néanmoins, cette année-là Imane Khelif a été disqualifiée trois jours seulement après sa victoire sur l'espoir russe Azalia Amideva, sans que l'Algérienne n'ait eu la possibilité de faire appel de la décision. La boxeuse taïwanaise Lin Yu-ting a également été écartée pour avoir échoué à un contrôle de sexe indéterminé lors des championnats IBA, après avoir battu une boxeuse bulgare.

Dans les deux cas, les athlètes sont accusées d'avoir des chromosomes XY ou des niveaux élevés de testostérone dans leur organisme. Ces allégations n'ont jamais fait l'objet d'une vérification indépendante. Le Comité international olympique (CIO) ne reconnaît plus l'autorité de l'IBA sur la boxe en raison de ses liens avec le régime de Poutine et de son opacité financière. Lorsque le CIO a pris en charge la boxe olympique avant les Jeux de Paris, il a déterminé qu’Imane Khelif et Lin Yu-ting pouvaient concourir.

La semaine dernière, l'IBA a été contrainte d'admettre qu'elle n'avait testé que quatre femmes sur les centaines qui ont participé aux championnats de 2023. De plus, l’organisation a reconnu que ces tests n'avaient été effectués qu'après des plaintes d'athlètes adverses, injectant ainsi un biais dans ce qui devrait être un processus impartial.

« Quand on voit une organisation avec la mention “International”, on suppose qu'elle est légitime, mais quand on y regarde de plus près, l'image devient beaucoup plus floue », observe Morgan Campbell, journaliste sportif qui a couvert les Jeux olympiques pour Radio-Canada et qui commente de façon colorée les événements de boxe dans tout le Canada.

« L'IBA n'est plus reconnue par le CIO en raison d'une corruption profonde et de longue date. On ne fait pas subitement passer un test de féminité au milieu d'un tournoi. On teste les athlètes avant la compétition et on détermine si ces personnes sont éliminées. C'est ainsi que fonctionne la boxe internationale. Car si ces accusations sont fondées, cela signifie que l'IBA a permis à ces athlètes de mettre en danger leurs camarades jusqu'aux rondes de championnat, et c'est seulement à ce moment-là qu'elle a décidé de procéder à des tests ? Ainsi, même s'ils présentent une apparence d'authenticité, ces tests sont tout aussi fallacieux qu'un passant dans la rue qui dirait : « Hé, cette fille est trop grande pour être une femme, elle doit être un mec ! » , explique le journaliste sportif.

Comme Morgan Campbell et d'autres experts le soulignent, la récente série d'allégations de « dopage de genre » a presque exclusivement été portée contre des femmes de couleur ou des femmes qui ne se conforment pas aux normes occidentales de beauté.

Après avoir remporté le 800 mètres aux championnats du monde de 2009, la Sud-Africaine Caster Semenya a vu les règles régissant la discipline modifiées pour l'exclure. Cette dernière a été désignée comme une fille à la naissance, c’est ainsi qu’elle a été élevée et s’est toujours identifiée comme une femme. Mais elle est née avec une condition intersexuelle qui produit des niveaux naturels de testostérone à un taux plus élevé que la plupart des femmes.

Lorsque World Athletics (l'instance dirigeante de l'athlétisme) a modifié les règles en 2011, elle a obligé les femmes qui concourent dans les 400, 800 et 1 500 mètres à passer des tests de genre et à supprimer la testostérone naturelle si elle dépassait la « fourchette féminine ». Dans un premier temps, ces exigences n'ont pas été ajoutées aux courses de 100 et 200 mètres. « Ils ont littéralement changé les règles pour les épreuves auxquelles Caster Semenya participe. Il est difficile de ne pas avoir l'impression qu'elle a été ciblée », affirme Morgan Campbell.

Aujourd'hui, plus de dix ans plus tard, l’athlète Sud-Africaine est toujours engagée dans une bataille juridique avec World Athletics au sujet de sa catégorisation comme femme. La sprinteuse indienne Dutee Chand, la star afro-américaine du basket-ball Brittney Griner et la coureuse indienne de demi-fond Santhi Soundarajan ont également toutes été accusées de dopage de genre.

Bien que la plupart des critiques initiales à l'encontre d'Imane Khelif l'aient accusée à tort d'être une femme trans, l'IBA a depuis affirmé qu'elle présentait une condition similaire à celle de Caster Semenya. L'association de boxe n'a fourni aucune preuve à l'appui de ces affirmations.

Les débats sur le sexe des athlètes ont ressurgi au cours des dernières années, mais le premier test de féminité effectué dans le cadre de compétitions sportives internationales remonte à la guerre froide.

C’est parce que les femmes de l'Union soviétique ont commencé à dominer les Jeux olympiques que les autorités sportives occidentales ont estimé que ces athlètes n'étaient pas des femmes. En 1966, l'Association internationale des fédérations d'athlétisme a donc introduit un « défilé nu » au cours duquel des officiels inspectaient chaque avant qu'elle ne participe à la compétition.

Deux poids, deux mesures

Selon le journaliste Morgan Campbell, bien qu'Imane Khelif ait participé aux Jeux olympiques de Tokyo et à d'innombrables autres tournois internationaux, les allégations de « dopage de genre » n'ont été formulées que lorsqu'elle a amélioré ses performances de boxe lors des championnats de l'IBA.

« Vous voulez savoir ce qui a changé chez Imane Khelif par rapport à sa défaite aux Jeux olympiques de Tokyo ? L'Algérie a engagé l'un des meilleurs entraîneurs de boxe au monde pour travailler sur son jeu. Il s'agit de Pedro Diaz qui vient de Cuba. Dans les années 1990, il entraînait des équipes qui accumulaient les médailles d'or aux Jeux olympiques. Il a travaillé avec des champions du monde comme Miguel Cotto, Guillermo Rigondeaux. C'est une véritable affaire. C'est un génie », indique M. Campbell. « Bien qu'Imane Khelif ait participé aux Jeux olympiques de Tokyo et à d'innombrables autres tournois internationaux, les allégations de « dopage de genre » n'ont été formulées que lorsqu'elle a amélioré ses performances de boxe lors des championnats de l'IBA, ajoute-t-il.

« Imane Khelif ne s'est pas soudainement transformée en homme entre 2021 et aujourd'hui. La fédération algérienne a engagé un entraîneur de boxe brillant qui a su tirer le meilleur d'elle, qui lui a montré comment utiliser ses outils. »

La championne algérienne est plus grande et plus musclée que la plupart de ses adversaires participant au tournoi de boxe olympique. Le match pour la médaille d'or contre Yang Liu a neutralisé ces avantages. Et cela s'est vu dès le début du combat. Habituée à entrer et sortir de la portée de ses adversaires tout en leur assénant des coups de poing à longue distance, il a fallu la majeure partie du premier round pour qu’Imane Khelif commence à toucher Yang Liu.

Mais malgré ces difficultés initiales, Imane Khelif a réussi à perturber le rythme de Yang Liu, à la faire reculer dans les cordes et à lui asséner son fameux coup de poing croisé. Elle a également repoussé les attaques de Yang Liu en les contournant et en utilisant l'élan de la boxeuse chinoise pour placer des contre-poings puissants. En matière de boxe amateure, c'était un match très technique et très net.

Contrairement à la boxe professionnelle, qui peut durer 12 rounds au niveau champion, les matchs amateurs ne durent que trois rounds de trois minutes. Les combattants qui ne misent que sur la puissance ont tendance à être médiocres dans ce sport olympique, qui met l'accent sur le jeu de jambes, la défense et le volume plutôt que sur les dégâts causés.

Les règles du sport amateur tendent à favoriser les adversaires plus grands et plus robustes qui marquent de l'extérieur et restent hors de portée de leurs adversaires (deux choses qu’Imane Khelif a brillamment réussies tout au long des Jeux olympiques). « Imane n'a pas le corps d'un homme, elle a le corps d'une boxeuse amateur d'élite », précise Morgan Campbell. « Personne ne se plaint lorsque cela se produit dans la boxe masculine », conclue-t-il.

Des conséquences sur la boxe féminine

Le plus grand inconvénient de la controverse Khelif est peut-être l'effet qu'elle pourrait avoir sur la boxe féminine amatrice, un sport qui a fait sa première apparition aux Jeux olympiques il y a tout juste 12 ans. Si l’arrivée de la boxe féminine aux Jeux Olympiques a alimenté la carrière de championnes professionnelles telles que Clarissa Shields, Katie Taylor et Lauren Price, sa croissance a été lente au Canada et au Québec.

Luxia Godelive Lasuba
Photo: Christopher Curtis

Luxia Godelive Lasuba est une boxeuse de 19 ans originaire de l'arrondissement St-Léonard, dans le nord de Montréal. Elle aussi a été choquée face au vitriol lancé contre Imane Khelif pendant les Jeux olympiques de Paris. Mais la polémique ne l'a pas empêchée de s'entraîner à l'Académie martiale Ness, une école de boxe dirigée par l'ancien champion professionnel Ali Nestor. « Je ne pense pas que cela m'arrêtera, je vais continuer à me muscler et à devenir une meilleure boxeuse », explique-t-elle. « Je vais continuer à faire du sparring, à m'entraîner et peut-être qu'un jour, je participerai à un combat (homologué). Dans ma vie quotidienne, en tant que femme, je trouve important d'être capable de me défendre. Parfois, je montre aux femmes de mon entourage des tactiques d'autodéfense de base. »

Le Québec est la plaque tournante de la boxe amatrice canadienne - près de la moitié des membres de l'équipe nationale amateure sont originaires de la province - mais il y a peu de femmes et de jeunes filles qui participent à des compétitions au niveau amateur. « Quand on se rend à l'étranger pour participer à des compétitions, les jeunes femmes sont toujours étonnées de voir à quel point les programmes amateurs des pays européens sont évolués », estime Kenneth Piché, directeur général de la Fédération québécoise de boxe.

« Nous avons environ 1 600 boxeurs inscrits, et peut-être 20 % d'entre eux sont des femmes d'âges et de catégories de poids différents. Il n'est donc pas toujours facile de leur trouver des adversaires ayant une expérience comparable, dans la même catégorie de poids », explique le directeur. Et dans la compétition amatrice, on ne peut pas accéder à des épreuves plus compétitives si l'on n'a pas assez d'expérience. Donc, ce n'est pas facile, mais, mais on y travaille », assure le directeur général de la fédération québécoise de boxe.

Malgré ces obstacles, Luxia est déterminée à réussir dans la boxe, car elle est habituée à l'adversité. Pour cette jeune femme de 19 ans, qui se décrit comme « têtue », il n'a pas toujours été facile de s’intégrer. « J'étais souvent la seule Noire de ma classe, mais mes parents m'encourageaient à être la meilleure », explique-t-elle. Ils me disaient : « D'accord, tu es la seule Noire. Et alors ? Si les autres peuvent le faire, tu peux le faire aussi ». Au soccer, qui était mon premier sport, je devais être la meilleure pour me démarquer. J'étais la seule joueuse noire, la seule francophone. Cela m'a poussée à m'améliorer et à gagner le respect de mes coéquipières », raconte-t-elle.

Quand elle découvre la boxe, c’est le coup de cœur. Sur le ring, elle expérimente l’instant présent : il n’y a qu’elle et son adversaire. « Quand je boxe, je me sens puissante, je suis fière, je veux donner tout ce que j'ai », dit-elle. « Ce que j'aime, c'est la discipline qu'elle vous enseigne. Ce n'est pas seulement une activité physique. Il faut entraîner son esprit, améliorer sa technique, apprendre à respirer et à encaisser les coups. Tout cela demande de l'entraînement », explique l’athlète.

Luxia avoue qu'elle n'a pas de modèles qui lui ressemblent dans le milieu de la boxe québécoise. Elle a trouvé son inspiration dans d'autres sports, comme le tennis. « Serena Williams a vécu beaucoup de racisme. Elle a également été accusée d'être un homme et d'être trop forte pour une femme. Et pourtant, elle a tracé cette voie incroyable grâce à sa force mentale, son intelligence et sa détermination. Cela m'inspire », confie-t-elle.

Imane Khelif serait née avec un avantage génétique sur ses concurrentes. Certains experts estiment que le sport la punit, elle et d'autres athlètes féminines, tout en célébrant ces mêmes avantages chez les hommes. Dans le cas du médaillé d'or olympique Michael Phelps, les chercheurs ont découvert que son corps produisait deux fois moins d'acide lactique que celui de ses concurrents, ce qui lui permettait de récupérer rapidement et de supporter des séances d'entraînement plus longues. Michael Phelps a également un torse anormalement long, des coudes à double articulation et des jambes courtes, ce qui lui permet de glisser dans l'eau plus efficacement que la plupart des nageurs. « Personne ne dit que Michael Phelps ne s'entraîne pas dur ou qu'il n'est pas à la hauteur de ses performances, mais il est né avec ces énormes avantages », remarque le journaliste Morgan Campbell. « Le sport, c’est ça ».

« Toute cette haine va à l'encontre de l'esprit de ce sport »

Aya Ahmed Lechheb
Photo: Christopher Curtis

Depuis qu'Imane Khelif a remporté la médaille d'or le week-end dernier, Aya la boxeuse a le vent dans les voiles. Lors de son premier entraînement après le match, elle arborait fièrement un short de boxe orné du drapeau algérien et se promenait avec un sourire encore plus large que d'habitude. « Quand je suis arrivée ici, je ne connaissais personne, j'étais tellement timide que je ne savais pas si j'allais pouvoir continuer à venir », déclare la boxeuse, en enfilant une paire de gants de rembourrée. Elle poursuit : « Mais j'ai continué. C'est un sport qui enseigne de bonnes valeurs : la discipline, la patience, le sang-froid. Je ne peux pas imaginer ma vie sans ce sport. C'est pour cela que ça fait tellement mal de voir quelqu'un comme moi qui a failli tout perdre ».

Par ailleurs, une procédure de justice est en cours  à l'encontre de personnes qui ont nourri le harcèlement en ligne d’Imane Khelif. Les autorités françaises ont annoncé mercredi qu'elles enquêtaient sur des cas de harcèlement en ligne et sur une série de crimes de haine présumés à l'encontre de la boxeuse algérienne.

Cette nouvelle intervient après que l'avocat d’Imane Khelif, Nabil Boudi, a déposé une plainte auprès des tribunaux français contre Elon Musk, J.K. Rowling et d'autres personnalités qui ont diffusé des informations erronées au sujet de la boxeuse. J.K. Rowling a publié 36 messages sur Imane Khelif pendant les Jeux olympiques, affirmant que la boxeuse est un homme qui « se réjouit de la détresse d'une femme qu'il vient de frapper à la tête ». Elle n'a pas tweeté à propos de Khelif depuis que la nouvelle de la plainte a fait surface.

Au cours des six mois passés à s'entrainer chez Barbu Kickboxing, Aya s'est fait des amis, s'est entraînée avec des femmes et des hommes de toutes origines, ainsi qu'avec des boxeurs et boxeuses trans et queer, ce qui a ouvert ses horizons, et les leurs aussi. « Pour moi, voir toute cette haine va à l'encontre de l'esprit de ce sport », affirme-t-elle.

« On ne peut pas dire à une femme "Je ne pense pas que tu sois une femme parce que tu ressembles à un homme”. Peut-on seulement nous laisser exister, s’il-vous-plaît ? C’est possible ? Puis-je respirer ? Et j'ai trop de talent, pourquoi est-ce un problème ? Le talent est célébré lorsque les athlètes masculins l'ont, mais pour moi, en tant que femme de couleur, ma réussite sera toujours scrutée à la loupe. Quand je dis aux gens que je pratique un sport de combat, on me répond toujours : "Je ne m'attendais pas à ça, à ce que tu fasses quelque chose d'aussi physique". Ce n'est pas nécessairement une mauvaise réaction, c'est juste que les gens doivent s'habituer à voir des femmes fortes », conclut la boxeuse.

L’actualité à travers le dialogue.
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