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Ces jeunes qui rêvent d’un Montréal sans violence
Malik, à la sortie de son entraînement de boxe, nous parle de ses rêves et objectifs en tant que jeune montréalais. Photo: Melissa Haouari
3/10/2024

Ces jeunes qui rêvent d’un Montréal sans violence

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Samedi dernier, plus d’une centaine de personnes se sont réunies au parc Wilfrid-Bastien afin de dénoncer le recrutement des adolescents par les gangs de rue. Les parents sont de plus en plus inquiets, particulièrement depuis la mort tragique de Yanis Seghouani. Le jeune de 14 ans a perdu la vie en Beauce, et les circonstances de son décès sont encore nébuleuses, selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). 

Aujourd’hui, La Converse s’est entretenue avec trois jeunes Montréalais afin de mieux comprendre ce qui les préoccupe et de les entendre parler d’une problématique qui les concerne directement. Malik, Ali et Kayla* partagent avec nous leurs préoccupations, leurs espoirs et leur rêve d’une métropole sans violence, tout en espérant inspirer les autres jeunes.

Malik : « Je ne veux plus voir un ami d’enfance mourir »

Même s’il n’est âgé que de 13 ans, Malik a déjà connu le deuil. Il fréquentait les mêmes écoles primaire et secondaire que l’un de ses amis qui a perdu la vie dans une histoire similaire à celle de Yanis Seghouani. 

« Même s’il était plus âgé que moi d’un an, on jouait tous les jours ensemble. On faisait du soccer, on fréquentait le même parc et on jouait toujours ensemble », se rappelle Malik. À la sortie de son entraînement de boxe, dans une salle de gym située sur le boulevard Langelier, il essuie les dernières gouttelettes de sueur sur son front. Le soleil se couche, et le stationnement du gymnase se vide peu à peu. 

Malik est né à Montréal. Sa famille avait émigré d’Algérie quelques années plus tôt. Benjamin d’une fratrie de trois, il a une grande sœur et un grand frère. Il a de grands yeux verts. « J’ai toujours habité ici », dit-il en parlant du quartier où il a grandi, le Nouveau-Rosemont.

Il est également témoin de la montée de la violence chez les jeunes. « Je trouve que c’est triste. C’est stupide de perdre la vie comme ça, dit-il en fixant le sol. On ne devrait pas s’impliquer dans tout ce qui touche le crime, encore moins le crime organisé », dit-il en faisant allusion à l’augmentation du nombre de jeunes qui se joignent à des gangs de rue dans la métropole.

Quelques mois avant sa mort, son défunt ami avait commencé à changer. « Il a arrêté de venir jouer au soccer avec nous au parc. Puis, je le voyais avec des personnes plus vieilles. Il venait de moins en moins à l’école, se remémore-t-il. À quelques reprises, je l’ai vu fumer, puis avec des vêtements de luxe. Je me doutais qu’il avait commencé à faire des choses illégales, mais je n’aurais jamais pensé que ça irait jusqu’au point de non-retour. »

Malgré la gravité de la situation, l’adolescent est tout de même empathique : il comprend les raisons qui en poussent certains vers le monde des gangs. « Il y en a qui pensent pouvoir être protégés s’ils traînent avec certains gars, commence-t-il. D’autres le font pour l’argent facile et rapide, j’imagine. Puis, il y en a qui veulent éprouver un sentiment d’appartenance. » 

Malik ne veut plus voir d’autres jeunes mourir dans de telles conditions. Il pense qu’il y a une multitude de choses à faire pour éviter que certains ne s’abandonnent aux vices du monde illégal. « Depuis que j’ai commencé la boxe, je suis toujours occupé. J’aime ça, ça me défoule et c’est bon pour la santé. Si tout le monde pouvait avoir accès à une activité comme celle-là, je crois que ça aiderait beaucoup de jeunes », dit-il d’une traite. 

Kayla : « J’ai du mal à croire que je suis toujours mineure »

Kayla est à la veille de ses 18 ans. Elle a passé une bonne partie des dernières années dans différents centres jeunesse de Montréal. « Quand je pense à tout ce qui m’est arrivé, j’ai du mal à croire que je suis toujours mineure », nous dit-elle à la sortie de ses cours. Elle qui a fait de nombreux allers-retours entre la détention et la maison et qui est aussi passée par une famille d’accueil, on ne peut pas qualifier son adolescence d’« ordinaire ». « Mais c’est ce qui fait qui je suis aujourd’hui », tient-elle tout de même à préciser. 

Malgré son parcours inhabituel, la jeune Montréalaise de l’est de l’île a un message clair pour les jeunes : « Il faut faire attention aux choix qu’on fait aujourd’hui. » Elle fait allusion à tous ces jeunes qui choisissent de travailler dans l’illégalité et la criminalité et qui « tombent dans l’illusion de l’argent facile », dit-elle. 

« Les personnes qui veulent nous recruter et qui nous attirent vers le mal ne nous veulent pas du bien. Regarde, combien de jeunes sont morts en essayant de prouver leur valeur à des plus vieux ? » questionne-t-elle d’emblée. Elle fait référence à tous les jeunes, mineurs ou non, qui ont perdu la vie dans un contexte de conflit entre gangs de rue et de violence armée à Montréal. 

Kayla a fréquenté toutes sortes de personnes. Plus jeune, elle s’est retrouvée entourée de criminels à plus d’une reprise. « Quand tu es jeune, c’est facile d’être séduit par le monde du crime. Tu vois des gens avec de beaux vêtements, de belles autos, puis quand tu vois que tu peux être comme eux, tu saisis ta chance, tu ne penses pas aux conséquences de tes choix », explique-t-elle. Elle pense que, chez les adolescents, le paraître est important. « Les adultes qui utilisent des mineurs pour effectuer leur sale boulot, ils le savent. Ils vendent du rêve à des jeunes de 13 ou 14 ans. »

Aujourd’hui, Kayla est plus décidée que jamais à se prendre en main. Elle est scolarisée, souhaite trouver un emploi à temps partiel et veut travailler dans l’industrie de la musique. « Lorsque j’étais en centre jeunesse, l’écriture m’a beaucoup aidée. Je passais des heures dans ma chambre à écrire comment je me sentais. Ça prenait la forme de poèmes, de textes, de chansons », se souvient-elle. 

Kayla est persuadée que, pour aider les jeunes à ne pas tomber dans le panneau de la criminalité, il faut qu’ils aient des modèles qui leur ressemblent. « On a besoin de personnes à qui on peut s’identifier comme mentors. La raison pour laquelle des jeunes se tournent vers des gangs, c’est parce qu’ils n’ont personne d’autre à qui s’identifier, à part ces gens qui leur promettent monts et merveilles. Si on voyait des gens comme nous réussir, ça nous motiverait à choisir le bon chemin », estime-t-elle. 

Ali : « Je veux être une bonne influence »

Ali est arrivé du Venezuela il y a sept ans. Il est né là-bas, mais ses parents sont d’origine syrienne. Depuis son arrivée à Montréal, il vit à Saint-Léonard. « Grâce à mes parents, je parle quatre langues, dit-il, tout fier. Le français, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. »

Ali aime le sport, les mangas, passer du temps avec ses amis et les arts martiaux. Il nous le dit en s’installant sur le banc en face de l’étang du parc Wilfrid-Bastien, à Saint-Léonard. Il fait beau et frais, et le vent souffle tranquillement, nous rappelant le début du mois d’octobre, malgré la chaleur inhabituelle des derniers jours. 

L’adolescent nous raconte son quotidien. Il est conscient que son quartier et son école sont souvent sous les feux des projecteurs à la suite d’épisodes de violence, mais il tient absolument à nous rassurer : « Il y a aussi des jeunes normaux », nous dit-il avant de sourire de toutes ses dents. 

Le jeune homme connaît bien la réalité dans laquelle les jeunes grandissent. « Je crois que certains se tournent vers le crime par curiosité, d’autres par besoin d’appartenir à un groupe, avance-t-il. Mais peu importe les raisons pour lesquelles certains agissent ainsi, il faut trouver des moyens de prévenir les comportements qui mènent à la délinquance. » 

« Je n’aime pas voir des jeunes faire de mauvaises choses, poursuit-il. Ça nuit à leurs parents, à leur famille et à leurs amis, mais avant tout, ça leur nuit à eux-mêmes. J’aimerais qu’on essaie de se responsabiliser en tant que jeunes et qu’on puisse être capables de faire de bons choix », souhaite-t-il. 

Ali entend finir son 5e secondaire cette année et s’inscrire en informatique au cégep. Il veut poursuivre ses études, tout en continuant à travailler à temps partiel à la pâtisserie du quartier, comme il le fait depuis quelques mois. 

« Je souhaite aussi pouvoir aider la communauté des jeunes de mon quartier », ajoute-t-il. « Je sais que je peux avoir un impact positif sur les autres jeunes de mon âge. J’aimerais qu’on puisse tous s’améliorer et devenir de meilleures personnes ; j’aimerais qu’on puisse être des exemples », dit-il, des étoiles plein les yeux.

*Les prénoms ont été modifiés par souci de sécurité pour les jeunes rencontrés.

L’actualité à travers le dialogue.
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