De gauche à droite: Meriem Mathlouthi, Ericka Alneus, Nafija Rahman, Stéphanie Valenzuela
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Des candidates racisées pour une politique municipale plus représentative
27/10/21
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Le paysage politique municipal est en pleine mutation. De Villeray à Pointe-Saint-Charles, en passant par Rosemont et Côte-des-Neiges, plusieurs candidates racisées provenant de divers horizons font leurs premiers pas en politique, espérant prêter leur voix aux revendications des communautés qu’elles représentent.

Qu’est-ce qui les a poussées à embarquer dans cette aventure ? On en discute avec quatre d’entre elles.

La trajectoire de Nafija Rahman l’a progressivement amenée à s’impliquer sur le plan politique. Curieuse, elle a participé en 2017 à un programme destiné à encourager les femmes issues de la diversité à aller en politique. Un an après cette formation, suivie au sein de Projet Montréal, parti de l’opposition à l’époque, la conseillère de son arrondissement, Sophie Thiébault, lui laisse savoir qu’elle devrait tenter sa chance aux élections suivantes. « Me connaissant, avec le foulard et tout, ce qui se passait avec la loi 21, je savais que ce serait difficile, admet Nafija Rahman. En tant qu’alliée et mentor, [Sophie Thiébault] a réussi à me convaincre que je devais tenter ma chance. »

C’est à ce moment que Nafija a fait l’expérience de ce qu’elle croit être le défi d’être une femme musulmane voilée en politique. « Le débat lié à mon foulard à l’intérieur de Projet Montréal a fait que ça n’a pas marché », laisse-t-elle tomber avec désarroi. Raphaëlle Rinfret-Pilon, directrice générale de Projet Montréal, rejette toutefois cette allégation : elle affirme qu’il y avait un problème avec son adresse de résidence.

L’intérêt pour la politique était tout de même bien éveillé chez Nafija Rahman. Lorsqu’elle a vu Balarama Holness lancer son propre parti, elle n’a pas hésité à sauter dans l’aventure.

« C’était ça, le meilleur choix pour moi », lance-t-elle, sourire aux lèvres. Elle a donc décidé de se présenter comme conseillère d’arrondissement dans le Sud-Ouest pour Mouvement Montréal.

Une diversité « méritée »

Pour Ericka Alneus, il est clair que certains obstacles « systémiques » risquent de faire partie de son parcours. Néanmoins, celle qui réside dans Rosemont–La Petite-Patrie depuis plus de 10 ans a décidé que cette année était la bonne pour faire son entrée en politique. Elle explique qu’elle a choisi ce palier de gouvernement pour sa « proximité ». « L’humain m’intéresse, et le municipal me permet d’entretenir cette connexion et de travailler avec le bois noble des gens », explique la candidate originaire des Cantons-de-l’Est. Ericka a de grandes ambitions pour le mandat qu’elle sollicite en se présentant pour Projet Montréal.

« Je pense qu’on peut changer le système de l’intérieur. Je pense qu’il faut comprendre le système pour le changer, et ma force est là-dedans, déclare-t-elle d’une voix confiante. Peut-être [que je pourrai avoir] un regard différent sur le système. » Elle fait reposer ses aspirations sur ses expériences professionnelles passées.

« J’ai souvent intégré des équipes, professionnellement et dans le cadre de conseils d’administration, et c’est : “OK, qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Comment on l’améliore ? Comment on le situe – pour qui et pourquoi ?” »La diplômée en gestion philanthropique se réjouit de la pluralité des candidats qui se présentent à ces élections. « La diversité rend justice à la réalité dans laquelle nos sociétés évoluent et grandissent », croit-elle. Elle part de la crise sanitaire actuelle pour imaginer un avenir plus inclusif. « La diversité entraîne une meilleure évaluation de certains risques ou de certains enjeux. [...] Je pense qu’on mérite d’avoir cette diversité qui nous donnera les outils pour vivre les crises qui s’en viennent. »

Comme un café

Les élections municipales des 6 et 7 novembre prochain marquent aussi les premiers pas en politique de Mariem Mathlouthi, candidate au poste de conseillère de ville dans Villeray pour le nouveau parti Quartiers Montréal. Elle voit son rôle en politique comme une extension de celui qu’elle joue dans son quartier en tant que propriétaire de café. « On est très impliqués dans la communauté. On fait en sorte que, quand des associations veulent faire des collectes de fonds, elles se tournent vers nous. C’est un peu devenu une vocation pour moi à l’égard de la communauté », explique la femme d’affaires d’origine tunisienne devant le commerce qu’elle a fondé il y a trois ans.

Qu’est-ce qui a provoqué le déclic chez elle et l’a poussée à se lancer en politique ? « Je n’ai jamais pensé être politicienne.

[En parlant avec des gens autour de moi], on m’a dit : “Si tu n’es pas intéressée par la politique, tu es la bonne candidate, parce que tu vas représenter les bonnes choses et les vraies choses des personnes qui t’entourent et qui vivent dans la même communauté que toi.” »

C’est à ce moment qu’elle a décidé de se lancer aux côtés d’une personne « très franche et terre à terre », la mairesse de son arrondissement et fondatrice de Quartiers Montréal, Giuliana Fumagalli. Mariem Mathlouthi se rappelle l’impression que la mairesse a faite sur elle lors de leur première rencontre. « La première vision que j’ai eue, c’était qu’on peut avoir de vraies personnes avec une vraie empathie qui écoutent les citoyens, et ce sont des politiciens en plus », explique-t-elle. Il n’en fallait pas plus pour la convaincre de joindre les rangs de Quartiers Montréal.

Devant les projecteurs

Stéphanie Valenzuela n’a jamais pensé qu’elle se présenterait comme candidate à des élections. « En grandissant, j’ai vu beaucoup de politiciens présenter leur plateforme, mais je n’ai jamais vu de politiciens qui me ressemblaient », déclare-t-elle d’entrée de jeu lors de notre entrevue. Bien qu’elle ait par la suite étudié en science politique, elle se voyait simplement agir comme conseillère et travailler avec les élus à mettre des politiques en place. Après ses études, elle a travaillé pour une organisation humanitaire au Mexique pendant quatre ans.

C’est à son retour à Montréal qu’elle a compris que, « oui, c’est important d’agir au niveau international, mais il y a beaucoup de travail à faire ici aussi, au niveau local, au niveau de ma communauté à moi ». Elle a donc entamé un engagement communautaire qui n’a cessé de fleurir depuis au sein d’organisations du quartier où elle habite depuis toujours : Côte-des-Neiges. Au fil de ses implications, elle a pu voir en première ligne les besoins des gens. « On parle de services, on parle de manque d’investissements, on parle de soutien pour [aider les jeunes] à l’école, pour faire leurs devoirs, pour trouver un appartement dans le quartier. Quand tu entends ce genre de choses, tu te dis : “Qu’est-ce que, moi, je peux faire pour améliorer la situation ?” » Il n’en fallait pas plus pour qu’elle se joigne à l’équipe d’Ensemble Montréal et qu’elle se présente à titre de conseillère de ville dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-De-Grâce.

Faisant allusion à ses origines philippines, elle se réjouit de la possibilité d’offrir une place à sa communauté à la table décisionnelle. « On ne peut pas se dire que notre opinion n’est pas prise en compte si on ne se présente pas. Si on ne prend pas la chance de se présenter, comment on va pouvoir être intégrés réellement dans le système, ici, à Montréal ? »

L’actualité à travers le dialogue.
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