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Pour ne plus disparaître
Un mémorial en l'honneur d'Elisapee Pootoogook, qui a perdu la vie le 13 novembre dernier
13/12/2021

Pour ne plus disparaître

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Cette année, plusieurs femmes inuit de la communauté du square Cabot sont décédées à Montréal. Plusieurs autres sont portées disparues. La communauté inuit voit l’hiver approcher avec inquiétude. Elle craint qu’il n’y ait pas assez de ressources pour empêcher que de nouveaux décès ne surviennent. Mais pourquoi autant de femmes disparaissent ?

En novembre dernier, plusieurs membres de la communauté se sont réunis et ont pris la parole pour commémorer la disparition de celles qui ont perdu la vie et réclamer des changements dans l’espoir d’éviter une nouvelle tragédie.

Se souvenir et survivre

Le 12 novembre, sous une pluie torrentielle, des dizaines de membres des communautés inuit de partout au pays se sont rassemblés pour commémorer huit femmes inuit de la communauté du square Cabot qui ont disparu. C’est dans une atmosphère d’échange et de revendication que ces personnes ont discuté de l’importance de valoriser la vie des femmes inuit. Sous des tentes décorées avec des robes traditionnelles, les participantes à l’événement se sont étreintes en se donnant des nouvelles. Une aînée a récité une prière en inuktitut pour ouvrir l’événement. La foule s’est recueillie, tête baissée, en pensant aux disparues. Des poèmes composés par des femmes inuit au cours d’un exercice d’écriture thérapeutique ont été lus lors de la commémoration. Ces textes commençaient tous par la formule « Je suis… » et décrivaient leur auteure.

Le but de ce projet, mené par l’Aboriginal Women’s Action Network (AWAN), était d’aider les participantes à trouver leur voix et à être fières de ce qu’elles sont.« Je suis une maman, une ex-travailleuse du sexe, une étoile brisée, peut-on entendre dans un silence ponctué du bruit des gouttes d’eau au square Cabot. Je suis Crie-inuit. Je suis une survivante. Je suis une famille. Je suis une amie. Je suis bavarde. Je suis grand-mère. Je suis mère. Je suis une aînée.

J’ai 53 ans. » En ce jour de commémoration, Anita pense aux siens. « Je connaissais la plupart des huit femmes qui sont décédées. L’une d’elles était ma cousine. C’est encore trop difficile pour moi d’en parler », dit-elle d’une voix nouée. Dans son deuil, la présence de tous ceux qui, malgré le mauvais temps, se sont déplacés pour la soutenir, la réconforte. Elle souhaite que les femmes inuit disparues et assassinées, comme sa cousine, ne tombent pas dans l’oubli. Anita, qui vit à Montréal depuis 15 ans, sait à quel point il peut être difficile pour celles-ci de s’adapter à la métropole. Elle est toutefois heureuse d’être aujourd’hui bien entourée. « J’ai pu trouver une communauté au centre d’amitié autochtone, où j’ai rencontré des femmes avec qui j’ai pu discuter.

Je me suis fait de très bonnes amies et je continue d’y rencontrer des gens », raconte-t-elle. Elle espère pouvoir continuer ses rencontres pour porter la voix de ses consœurs inuit. Kira, une mère de famille, partage les nombreux projets qu’elle a en tête. « Je suis impliquée dans un programme d’alimentation saine pour les femmes inuit. Je veux que nous ayons tous accès à notre nourriture traditionnelle », nous dit celle qui préfère taire sa véritable identité en raison d’une dispute légale en cours.

Elle s’illumine en parlant du programme d’équitation dédié aux Autochtones qu’elle rêve de mettre en place. « Chaque fois que je rencontre des Autochtones, ils me demandent avec empressement quand le programme débutera. C’est bien d’avoir autant de soutien », se réjouit-elle. Au beau milieu de notre échange, Kira s’interrompt pour interpeller une jeune femme qui se dirige vers la station de métro. Les deux femmes s’étreignent longuement. Après avoir échangé quelques mots avec son amie et lui avoir dit au revoir, Kira revient vers nous. « Je suis contente qu’elle soit en vie. Je l’ai retrouvée ; sa famille m’avait demandé de la chercher. Je vais dire à sa sœur la bonne nouvelle », pleure-t-elle, visiblement soulagée après plusieurs mois sans nouvelles. Une sœur de la jeune femme est également portée disparue. Les dernières nouvelles que les proches de l’amie de Kira ont eues d’elle datent de quelques mois. Ils ont vu son proxénète la menacer de mort sur les réseaux sociaux avant d’effacer son compte Facebook. « La disparition de nos proches est une chose que nous, les femmes inuit, devons vivre tous les jours », déplore Kira. « Il faut vraiment conscientiser la population allochtone à cette réalité », dit-elle en s’exprimant sur ces disparitions.  

Fay Blaney, cofondatrice de l’Aboriginal Women’s Action Network (AWAN), un collectif de femmes autochtones féministes, a participé à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Cette expérience lui a fait comprendre l’ampleur du danger auquel font face les femmes inuit qui meurent dans la rue. « Chaque fois qu’on parle de l’un de ces décès dans les médias, on dit que la femme avait un mode de vie dangereux. Les médias n’écoutent pas, ils la dévalorisent et effacent son histoire. On ne veut pas que ça se répète », fait-elle valoir.Mme Blaney, qui est à la tête de l’organisme AWAN depuis 1995, souhaite redonner aux femmes inuit les rênes de leur propre vie. Elle organise des ateliers féministes pour les renseigner sur certains enjeux systémiques et les outiller pour qu’elles puissent y faire face.

Lors des commémorations, on peut voir que les revendications de ces femmes se trouvent sur le dessin d’un arbre situé sous une tente. Elles réclament notamment des familles d’accueil inuit pour leurs enfants et l’arrêt des alertes de naissance, qui avertissent les autorités chaque fois qu’un bébé inuit naît. « Nous voulons que ces femmes trouvent leur voix et qu’elles contrôlent leur avenir, au lieu que quelqu’un d’autre le fasse pour elles. Quand elles auront une voix, elles pourront être les architectes de leur vie », dit Mme Blaney, pleine d’espoir.

Un dernier au revoir à Elisapee Pootoogook

Le lendemain de l’événement commémoratif au square Cabot, Elisapee Pootoogook, une grand-mère inuit de 61 ans, est morte sur le chantier de construction d’un condo de luxe sur le boulevard René-Lévesque, tout près du square Cabot, lieu de rassemblement des Inuit. Ses proches nous disent qu’Elisapee était venue à Montréal cinq jours pour obtenir des soins de santé. Elle avait une santé fragile et souhaitait seulement trouver un endroit chaud pour dormir. Chaque fois que la grand-mère se réfugiait dans le métro, la sécurité lui faisait quitter les lieux sous prétexte que le flânage dans le métro représente un risque de propagation de la COVID-19.

La nuit fatale, ayant épuisé toutes les possibilités, Elisapee s’est rendue un peu plus loin que d’habitude pour dormir. Elle y a laissé la vie. Cette tragédie a provoqué un tollé dans la communauté inuit, et au-delà. Son décès a relancé la conversation sur la question de l’itinérance autochtone à Montréal.

Le lundi 22 novembre, des dizaines de personnes se sont réunies au square Cabot, un endroit qu’Elisapee fréquentait, en sa mémoire. La Société Makivik, un organisme qui représente les intérêts des Inuit auprès de Québec et d’Ottawa, a envoyé une lettre d’invitation à la mairesse Valérie Plante et son cabinet, ainsi qu’au ministre des Affaires autochtones, Ian Lafrenière. Aucun ne s’est présenté – une absence qui a suscité la colère de plusieurs membres de la communauté.Le jour suivant, Ronald Coolem, le beau-fils d’Elisapee, et sa famille de Montréal ont pris l’avion à destination du Grand Nord avec la dépouille de la défunte.

Tous ensemble, ils y ont tenu une cérémonie en mémoire de l’aînée inuit. « Son mari l’attend. Les petits de deux et de cinq ans se demandent quand grand-maman va rentrer à la maison », nous a-t-il dit.

M. Coolem s’est dit très déçu de l’absence des politiciens à la commémoration de Montréal. « C’est quelque chose qu’on ne peut pas cacher. On va juste perdre encore plus de gens durant l’hiver », a-t-il témoigné après l’événement.

Il a trouvé inacceptable que sa belle-mère, qui était venue à Montréal pour cinq jours afin d’y recevoir des soins de santé, ait fini ses jours de la sorte. Il s’est indigné du fait que les Autochtones soient traités de cette façon. Durant la cérémonie, Lizzie Puttayuk, nièce de la défunte, a pris la parole.

Sur scène,  elle a ouvert une Bible pour réciter une prière en inuktitut. « J’ai prié pour elle pour qu’elle repose en paix. En même temps, je veux passer un message à sa famille pour la rassurer et lui dire qu’un autre monde existe », nous a-t-elle confié après l’événement.

Lizzie Puttayuk, nièce d’Elisapee Pootoogook
Photo: Diamond Yao

Mme Puttayuk s’est souvenue de sa tante comme d’une personne débordante de gentillesse qui traitait tout le monde avec respect. Elle admirait son excellent anglais et ses prouesses au Scrabble. Son décès a eu l’effet d’un énorme choc. Elle aussi s’est indignée du fait que sa tante soit morte dans de telles conditions.

« Moi, je ne peux pas vivre dans le Nord, donc je reste à Montréal. Pourquoi est-il aussi difficile de nous donner un toit à Montréal ?

Je n’aime pas vivre dans des refuges », a-t-elle déclaré avec frustration, racontant qu’il lui était impossible de bien dormir dans les refuges, ou alors, elle doit se réveiller très tôt dans le froid. « Nous avons le droit d’être en santé et en sécurité.  »

Qu’est-ce que la Ville prévoit faire ?

Questionnée à ce sujet, Marikym Gaudreault, l’attachée de presse de Valérie Plante, nous a répondu que son cabinet n’avait pas été informé de l’hommage rendu à Elisapee Pootoogook le 22 novembre dernier. Mme Gaudreault a également dit ignorer qu’au moins neuf femmes inuit avaient perdu la vie cette année, ajoutant que son cabinet n’avait recensé qu’une seule femme portée disparue.Le droit d’être en santé et en sécurité, c’est ce que la communauté inuit de Montréal demande. Pour toute réponse, le cabinet de la mairesse de Montréal indique qu’il œuvre au déploiement d’une nouvelle ressource.

« On veut un refuge permanent pour les personnes autochtones, un refuge qui soit culturellement adapté et qui soit chauffé près du square Cabot. Nous avons actuellement des discussions avec le gouvernement provincial », nous affirme Mme Gaudreault. Elle confirme que, d’ici la fin de l’automne, un refuge permanent sera ouvert pour les personnes autochtones et inuit. L’administration municipale a doublé le financement dédié aux enjeux d’itinérance, le faisant passer de 3 M$ à 6 M$. Et il prévoit construire 1 200 logements pour les personnes itinérantes, dont des unités pour les Autochtones et 23 logements pour les femmes autochtones et leurs enfants. Une autre partie de cet argent ira aux groupes communautaires qui luttent contre l’itinérance. Les initiatives de la Ville ont été bien accueillies par plusieurs membres de la communauté inuit. « C’est fantastique ! » s’exclame Kira en apprenant qu’un refuge autochtone permanent ouvrira d’ici le début de l’hiver. « J’en avais entendu parler, mais je n’étais pas certaine que le projet allait se réaliser. »Joey Partridge, membre de la Southern Quebec Inuit Association, reçoit aussi cette nouvelle avec optimisme. « Oui, 1 200 logements supplémentaires, c’est un bon début. Je crois que ça va vraiment aider les gens, dit-il. Mais je veux le voir de mes propres yeux avant de crier victoire. » Il souhaite voir le nouveau refuge offrir des activités culturelles en inuktitut et dans d’autres langues autochtones.

L’intervenant est également heureux que la mairesse ait finalement accepté de le rencontrer, le 6 décembre, pour discuter des enjeux qui touchent les Inuit. « Le directeur de la Southern Quebec Inuit Association, a vraiment fait beaucoup d’efforts pour que les gouvernements écoutent les demandes des Inuit, affirme-t-il. Mais il n’y a pas eu de progrès jusqu’à tout récemment, alors que les gens ont commencé à comprendre qu’il y avait beaucoup d’Inuit dans la rue. »

Serge Sasseville, conseiller de ville du district de Peter-McGill et membre de l’opposition, n’aurait pas reçu d’invitation, aux dires de l’attaché de presse de son parti. Benoît Langevin, porte-parole en matière d’itinérance d’Ensemble Montréal, dit qu’il aurait souhaité y être. Il se fait critique de l’administration Plante. « Comment se fait-il que, depuis quatre ans, lorsqu’on arrive à des températures de -20 oC, on n’ait pas encore mis en place des mesures hivernales pour les personnes itinérantes ? »Selon lui, les difficultés à trouver un emplacement permanent pour un refuge inuit viennent des règlements de zonage du centre-ville de Montréal. « Les propriétaires de Ville-Marie ne veulent pas de maison de chambre et de refuge près de leurs propriétés, car cela ferait baisser leur valeur foncière », explique M. Langevin. Ce dernier dénonce le fait que plusieurs personnes itinérantes n’aient nulle part où dormir la nuit en raison des mesures sanitaires, qui réduisent la capacité d’accueil des refuges, et parce que plusieurs ressources ne sont pas ouvertes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le porte-parole nous parle longuement des enjeux propres à la communauté inuit de Montréal, dont le manque de services de santé dans le Nord et le manque de soutien psychosocial. M. Langevin ne s’est toutefois pas entretenu avec Résilience Montréal et le Foyer des femmes autochtones de Montréal, des organismes qui desservent la communauté inuit de Montréal.  Le ministre Lafrenière et le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, ont tous deux décliné nos demandes d’entrevue.

Quitter le nord pour le sud du Québec

Alisha Tukkiapik, membre de Québec solidaire et ancienne candidate aux élections provinciales, veut démystifier les raisons pour lesquelles les femmes inuit déménagent à Montréal. « Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que ça n’a aucun rapport avec l’alcool et la drogue. Les femmes inuit quittent le Nunavik à cause du manque d’infrastructures et de services, affirme-t-elle. Il y a un grave manque de logements adéquats dans le Grand Nord. Ces femmes viennent dans le sud pour se reposer d’une vie où elles sont entassées dans des logements exigus », explique Mme Tukkiapik.Elle déplore le fait que les trois paliers de gouvernement ne comprennent pas la dureté du climat social et environnemental arctique et leur offrent des logements mal construits et mal adaptés qui se détériorent facilement. En 2014, un rapport de la Société d’habitation du Québec concluait qu’il y avait un déficit de 899 logements sociaux au Nunavik.

Il y aurait, entre autres, un manque de logements pour les familles. À ce sujet, 250 M$ seront versés pour les infrastructures au Nunavik de 2018 à 2028, nous indique Nicolas Moquin, conseiller en communications de Services aux Autochtones Canada. M. Moquin ne fait pas mention des mesures que le gouvernement prévoit mettre en place pour régler les problèmes de construction des logements. Mme Tukkiapik se fait extrêmement critique à l’égard de la Commission de vérité et réconciliation. « Les gens veulent parler de réconciliation, mais nous n’avons même pas fini de parler des vérités. Et la vérité, c’est qu’il n’y a pas assez de ressources qui nous sont allouées, sous prétexte qu’il n’y a pas de budget », s’indigne-t-elle.

La politicienne souhaite que des investissements ambitieux soient réalisés dans l’éducation et les soins de santé pour les Inuit. « Nous avons beaucoup de traumatismes intergénérationnels et n’avons pas accès à de l’aide pour guérir. C’est pour cette raison qu’il y a une épidémie de suicides dans nos communautés », croit-elle. Janis Qavavauq-Bibeau, intervenante au Foyer pour femmes autochtones de Montréal, indique que plusieurs facteurs poussent les femmes inuit à quitter le Grand Nord pour le sud. Outre la crise du logement, il y a l’accès aux soins médicaux, raison pour laquelle Elisapee était à Montréal. Au cours de leurs séjours, celles qui n’ont pas les moyens de se loger se tournent vers des organismes qui accueillent les Inuit voyageant pour des raisons médicales.

« Le problème, c’est que dans ces organismes, on ne peut pas consommer d’alcool. Cette règle ne tient pas compte des réalités historiques des personnes inuit. Plusieurs boivent parce qu’il y a eu beaucoup de dommages qui leur ont été faits dans le passé », explique Mme Qavavauq-Bibeau, qui en a assez des préjugés et de la stigmatisation entourant l’alcool et les inuit.

Elle souligne la nécessité d’avoir des ressources pour les personnes qui consomment, et une approche en matière d’intervention qui accompagne les gens dans le respect de leur vécu. Pour illustrer ces tragédies qui marquent plusieurs générations, l’intervenante cite les pensionnats, dont l’expérience a laissé des séquelles intergénérationnelles chez la plupart des membres des communautés inuit, et le massacre des chiens de traîneau par les forces de l’ordre dans les années 1950, parmi d’autres. Pour les Inuit, qui se servaient de leurs chiens comme d’un moyen de survie, ce massacre a sonné la fin de leur mode de vie nomade et le début de leur dépendance envers le gouvernement. Elle se souvient qu’il faut s’attaquer aux racines des problèmes, c’est-à-dire aux torts commis par les institutions canadiennes.

Mme Qavavauq-Bibeau croit également qu’il est nécessaire d’avoir des soins de santé adaptés aux réalités inuit, et que les soins de santé mentale adaptés sont très difficiles d’accès, autant dans le Grand Nord qu’à Montréal.

Pouvoir vivre dignement au nord et au sud

De nombreux obstacles se dressent dans la métropole devant les femmes inuit qui arrivent de leurs communautés nordiques. M. Partridge, de la Southern Quebec Inuit Association, croit que les interventions destinées à protéger ces femmes doivent commencer dès leur arrivée. Son organisme souhaite conclure un partenariat avec les aéroports et les hôpitaux pour pouvoir renseigner les nouvelles venues. « Nous voulons qu’elles sachent où sont les refuges de femmes, les logements, les églises ainsi que les organismes autochtones et inuit vers lesquels elles peuvent se tourner pour avoir du soutien à Montréal », indique-t-il. Il espère pouvoir mettre en place une initiative similaire au Nunavik, pour que les femmes puissent mieux planifier leur séjour.

Il souhaite obtenir le soutien des différents paliers de gouvernement pour ouvrir un centre culturel inuit à Montréal qui offrirait divers programmes en inuktitut et dont les employés seraient Inuit. « Les femmes auront ainsi un endroit où aller pour trouver des personnes qui comprennent leur langue et leurs réalités », affirme-t-il. À l’absence d’adresse fixe et au danger des proxénètes s’ajoutent les difficultés liées à la barrière de la langue, à la culture et au manque d’éducation et d’expérience professionnelle, qui rendent encore plus vulnérables les femmes qui quittent leur communauté pour s’installer à Montréal.

Mme Qavavauq-Bibeau propose que des soins de base soient offerts aux femmes inuit dans le nord autant que dans le sud, ainsi qu’un logis et de la nourriture saine. « Ça leur permettrait d’avoir une certaine stabilité. Il leur faut aussi des programmes qui les accompagnent et leur offrent du soutien psychologique. »

En attendant les mesures gouvernementales, Janis Qavavauq-Bibeau et Alisha Tukkiapik terminent sur une même réflexion : le racisme systémique doit être reconnu par le gouvernement provincial pour que les choses puissent progresser.

« Je veux qu’ils arrêtent de nier le racisme systémique. Le déni nous fait mal. Nous voulons des solutions concrètes », déclare Mme Tukkiapik. Une reconnaissance qui, selon Mme Qavavauq-Bibeau, donnerait de l’espoir à toutes les femmes inuit.

Pour aller plus loin  

  • Le gouvernement fédéral prévoit accorder 130 M$ à la Société Makivik au cours des quatre prochaines années. Il soutient aussi qu’une entente de financement de plus de 70 M$ sur 10 ans entre Services aux Autochtones Canada et la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) a été signée en 2019. Un fonds de 129,5 M$ a aussi été accordé aux Inuit l’an passé pour les aider à gérer la crise sanitaire.
  • En matière d’éducation, le gouvernement du Canada propose un financement de 150,6 M$ sur deux ans à compter de 2021-2022 pour aider les étudiants autochtones dans le cadre du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire et des stratégies d’éducation postsecondaire pour les Inuit et la Nation métisse. Il offre aussi un financement de 26,4 M$ en 2021-2022 aux établissements postsecondaires autochtones pour les aider à faire face à la pandémie dans le cadre du Programme de partenariats postsecondaires et des stratégies d’éducation postsecondaire pour les Inuit et la Nation métisse. Nicolas Moquin, conseiller en communications de Services aux Autochtones Canada, indique qu’en plus des efforts de mobilisation de l’organisation Inuit Tapiriit Kanatami, une Stratégie d’éducation postsecondaire des Inuit a été mise en place par le gouvernement fédéral. Cette stratégie, qui se chiffre à 147,3 M$, appuie les étudiants inuit en leur accordant une aide financière durant leurs études.
 
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