Le NDG Christmas Dinner, un dîner de Noël, a lieu depuis une quarantaine d’années à Notre-Dame-de-Grâce.
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Sauver Noël, un repas à la fois
23/12/21
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Initiative de journalisme local
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On pourrait dire que Paul Shubin est un personnage emblématique du quartier. Pour cause, depuis plus de 25 ans, il organise le NDG Christmas Dinner, un dîner de Noël qui a lieu depuis une quarantaine d’années à Notre-Dame-de-Grâce. Malgré son affabilité légendaire, l’attachant M. Shubin refuse de se faire photographier. Il est vraiment sans prétention. « Il n’y a pas de réunion, pas de patron, pas d’organisation, rien », dit-il. L’événement est spectaculaire et met tout le monde sur un pied d’égalité. COVID-19 oblige, la dernière édition de ce dîner de Noël a eu lieu le 25 décembre 2019. À cette occasion, 1 100 repas ont été servis dans le hall de l’église Saint-Ignace de Loyola.

Ici, on ne compte pas. Les convives sont assis et servis, sans avoir à justifier leur présence. « C’est un événement majeur à Notre-Dame-de-Grâce », dit M. Shubin de l’événement, qui est financé grâce aux dons de la communauté. La légende veut que cela fasse 40 ans que ce dîner existe, mais en réalité, il n’y a aucune trace officielle des premières éditions.

« Et si vous voyiez la composition démographique des invités, vous vous rendriez compte que ce n’est pas destiné à quelqu’un en particulier, mais que c’est pour tout le monde », ajoute-t-il. Tous ceux qui veulent et peuvent venir sont les bienvenus, comme l’explique M. Shubin en évoquant les aînés, ceux qui n’ont pas envie de cuisiner, les célibataires, les familles et les personnes qui vivent dans la précarité. « On ne pose aucune question, on ne demande pas qui en a besoin. » Les enfants sont également les bienvenus, et des cadeaux les attendent.

« En réalité, le père Noël est juif », dit M. Shubin, qui lui-même célèbre également Hanoucca et Noël en famille. C’est il y a environ 27 ans – M. Shubin n’en est pas certain – qu’il se retrouve à aider pour la première fois à ce dîner de Noël, des bénévoles s’étant désistés à la dernière minute. « Et ma défunte épouse, je ne me souviens pas pourquoi, a dit qu’elle allait le reprendre. Elle m’a traîné dans la cuisine », se souvient-il. Au fil du temps, il décide d’en faire plus, si bien que cela dure depuis près de 30 ans. Ses propres enfants, qui sont maintenant trentenaires et qui vivent à quelques pas de chez M. Shubin, ont grandi en gravitant autour de l’événement.

« Mes enfants allaient jouer avec les autres », raconte-t-il. Quand ils ont eu l’âge, ils sont allés aider en cuisine. L’aîné, James, est maintenant responsable d’une sauce mythique, qu’il prépare lui-même sur place.

Du bénévolat en communauté

Chaque année, ils sont nombreux à s’impliquer dans l’organisation du dîner de Noël. D’abord, des bénévoles se proposent pour cuisiner une dinde, qu’ils apportent à l’église le 24 décembre. Elles y sont découpées, tandis que le reste du festin – farce, patates pilées, légumes et sauce – est cuisiné sur place, à l’église Saint-Ignace, par une dizaine de cuisiniers aux fourneaux. Jusqu’à 50 bénévoles s’occupent de la nourriture pour que tous soient bien accueillis le 25 décembre à 13 h. À l’écouter, on a l’impression qu’organiser une telle fête est une simple partie de plaisir. « Un jour de novembre, je ne sais pas trop quand, je me dis qu’il est temps d’appeler les donneurs de dîme », explique-t-il. Parfois, ces derniers l’attendent avec une certaine impatience : M. Shubin n’avait pas réalisé qu’il était en retard. « Et puis, quelqu’un commence à appeler les bénévoles. Mais c’est tout à fait organique. Je ne sais pas si c’est le bon mot. Ça se fait tout seul, en quelque sorte. »

Nourrir malgré la COVID

En 2020, pour la première fois, l’événement a dû être annulé, car la distanciation physique ne pouvait être respectée. Mais ce n’était que partie remise puisque, l’édition 2021, en dépit de grands ajustements, devrait avoir lieu. « On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. Nous sommes limités cependant. Nous aurions pu facilement ne pas le faire, mais ce n’est pas notre genre », poursuit M. Shubin.Cette année, c'était 150 repas à emporter que les bénévoles du dîner de Noël comptaient distribuer. « Parce qu’il n’y a pas moyen d’avoir une armée de personnes pour éplucher et couper les légumes, nous allons tricher avec une distribution », dit-il de l’idée, suggérée par une amie qui est bénévole pour l’événement et cheffe de profession.

Dans la cuisine de sa maison centenaire, où il vit depuis 38 ans, M. Shubin se préparait avec ses acolytes à emballer les repas le 25 décembre. La nourriture, cuisinée à l’avance, promet d’être tout aussi délicieuse, nous assure notre chef cuisinier. Suite à l'avancée de des cas de COVID-19, les plans viennent de changer. À défaut de pouvoir se réunir, les dindes entières et les accompagnement préparés par les bénévoles seront donnés à des familles par le conseil communautaire de NDG, une organisation à but non lucratif du quartier, qui assurera la distribution le 25 décembre. « Ce n’est pas de nos affaires d’enquêter sur les besoins personnels des gens. On est là pour servir un repas, peu importe la situation », déclare M. Shubin. Chaque année, les restes sont apportés à la Mission Bon Accueil le 26 décembre.

Comme chaque fois, aucune nourriture ne sera gaspillée. Au cours de notre rencontre, la ligne fixe et le cellulaire de M. Shubin sonnent à plusieurs reprises. Ce sont des cuisinières qui donnent et prennent des nouvelles. Paul Shubin espère que le dîner de Noël pourra revivre l’an prochain dans sa forme originale. « C’est très amusant, et ça me permet de rester jeune », dit-il. « J’adore ça, j’ai été coordonnateur d’événement toute ma vie », confie l’homme, qui a également été rédacteur, traducteur et éditeur. Le reste de l’année, M. Shubin ne semble pas trop s’ennuyer. « J’ai fait une tonne de sauce à spaghetti cet automne. Je me suis emporté, j’en ai fait 42 pots !

Je me suis promené dans la rue pour en donner aux voisins », raconte-t-il. Le même scénario s’est produit avec des légumes en conserve et de la sauce aux pommes. « Je ne peux pas manger tout ça ! » déclare celui qui vit seul depuis le décès de son épouse, emportée par un cancer en janvier dernier. Pourquoi en faire autant, lui demande-t-on. « Parce que c’est amusant d’en faire et d’en donner. »

Vous connaissez d’autres pères Noël ? Des initiatives pour les personnes seules ? Dites-le-nous dans les commentaires afin qu’on puisse en parler.
L’actualité à travers le dialogue.
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