La semaine dernière avait lieu la toute première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, suivie de la Journée internationale des aînés, le 1er octobre. Le 30 septembre est censé jeter davantage de lumière et d'attention sur les peuples autochtones, les survivants des pensionnats et ceux qui ne sont jamais rentrés chez eux. À l'occasion de la Journée internationale des aînés, trois aînés autochtones nous ont fait part de leurs réflexions, de leurs sentiments et des appels à l'action nécessaires.Suikiʔst Pauline Terbasket est une fière membre de la nation Syilx. Le territoire des Syilx forme un magnifique paysage d'une grande diversité : déserts, lacs, forêts alpines et prairies. Ce territoire transfrontalier s'étend de l'État de Washington à la région de l’Okanagan, en Colombie-Britannique.
Terbasket s'est réveillée le 30 septembre avec l'impression de se lever pour préparer un mémorial ou des funérailles. À ce sentiment s'est ajouté « le fait de savoir que de nombreuses personnes ont la volonté de mener des actions dans toute l'île de la Tortue », raconte-elle. Elle a passé en revue tous ses projets pour la journée. Bien que son bureau à l'Okanagan Nation Alliance soit fermé pour la journée, elle s’imagine que pour plusieurs, il s'agit d'un jour comme les autres. En parcourant son fil d'actualités sur Facebook, comme à chaque matin, un flot de messages « orange » rendant hommage aux survivants des pensionnats autochtones. Le flot de publications indiquait le message suivant : « Je suis ici parce que mes parents/grands-parents ont survécu aux pensionnats indiens. »Un témoignage a retenu son attention.« Ça disait : “Je suis ici parce que mes ancêtres étaient tout beaux." Mes larmes ont coulé », raconte Suikiʔst Pauline Terbasket. La force de ce message capture toute l'ampleur de la situation.
« À travers le brouillard de la dépossession, des enfants volés, de la violence, de la pauvreté, de la détresse intériorisée de soi, des autres et du monde. Pourtant, ils sont si beaux, courageux et déterminés ̶̶ pour leur propre santé, l'amour de leurs familles, de leurs maisons, de leurs terres, de leurs peuples. »
Suikiʔst Pauline Terbasket réfléchit ensuite à ce que serait son propre message intitulé « Je suis ici ».
« Je suis ici parce que j'ai été aimée, et je suis reconnaissante de pouvoir plaider pour la justice sociale, le changement, et à quel point nous sommes tous brillants », dit-elle.
Terbasket ne considère pas seulement sa nation, mais les peuples autochtones de l'île de la Tortue et du monde entier. « Pour qu'on me donne un autre jour de vie aujourd'hui, pour que je puisse me souvenir et ne jamais oublier ce que les peuples autochtones ont enduré pendant des générations et pour les générations à venir. »
Terbasket dit que le 30 septembre est « pour ne pas oublier qu'il fait en faire beaucoup plus. L’acte, c’était, et c’est encore le génocide. Il n'y aura plus de génocide ». Elle songe au fait que le gouvernement fédéral ait instauré une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.« La vérité de qui ? Qui a besoin de réconciliation ? » demande Terbasket. « Les journées désignées comme "officielles" sont loin de permettre de parvenir un jour à une société juste pour les peuples autochtones, les colons et les gouvernements coloniaux, car c’est une mesure externe. » Terbasket souligne les nombreux degrés de travail sur soi qui sont nécessaires à la transformation, que ce soit au travail, dans la vie personnelle et/ou dans les activités quotidiennes. Pour s'apaiser l'esprit, elle suggère aux gens de se ressourcer à la terre et de participer à des cérémonies.
Mabel Nipshank, aînée crie et métisse, est une militante dévouée de longue date, reconnue pour son travail de sensibilisation au logement avec le Downtown Eastside Women's Centre de Vancouver. Elle se penche sur les répercussions de la destruction du système matriarcal par le colonialisme, plus précisément, la normalisation de la violence à l'égard des femmes. Dans son ouvrage intitulé « Aboriginal women : no rights to land or children » (Femmes autochtones : aucun droit à la terre ou aux enfants), elle évoque la mise en place d'obstacles additionnels pour les femmes qui souhaitent obtenir la garde des enfants et des droits de visite. Maîtrisant le flot d’émotions, l'aînée crie/métisse Mabel Nipshank évoque le contraste de l'ampleur du phénomène.
« La destruction à grande échelle, contre une date officiellement déclarée Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, est une honte, une autre gifle », dit-elle.Ses pensées vont aux « communautés autochtones qui ont été si gravement affectées ̶ au-delà de toute réparation ».
Le territoire de la Nation Tahl-tan couvre une vaste zone du nord-ouest de la Colombie-Britannique, soit 95 933 kilomètres carrés. C'est l'équivalent de 11 % de la province, et cela comprend le bassin hydrographique de Stikine.Kukdookaa Terri Brown est membre du clan Crow de la nation Tahl-tan.
Elle a occupé le poste de cheffe de son peuple et a également été présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada. Au cours des six années passées au sein de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, elle a entendu de nombreuses histoires d'enfants disparus ou qui ne sont pas revenus des pensionnats.Elle est également une survivante des pensionnats. « La Journée nationale de vérité et de réconciliation signifie que nous sommes reconnus dans ce pays pour les violations des droits de la personne et le génocide », dit Kukdookaa.
À ce titre, elle affirme que cette journée doit être l'occasion de se souvenir « de ceux qui n'ont pas pu rentrer chez eux et de ceux qui ont survécu. » Kukdookaa appelle à l’action en mettant à profit sa voie d’aînée respectée. « Nous devons passer du souvenir à l'action.
Mettez fin au racisme, au sexisme, à la pauvreté et aux injustices sous toutes leurs formes. Nous sommes toujours là », déclare-t-elle. « Nous devons faire preuve d’acharnement dans tout ce que nous faisons pour progresser vers une société plus juste et y contribuer. »