Direction La Zone, à Saint-Léonard. On part y retrouver Than Son Pham, 29 ans, ancien intervenant de l’organisme jeunesse La Zone, aujourd’hui intervenant en toxicomanie à l’école secondaire Antoine-de-Saint-Exupéry. Bien qu’il n’occupe plus de poste à La Zone, Son revient souvent à l’endroit qui le lie aux jeunes de Saint-Léonard. C’est tout logiquement que La Converse est allée le rencontrer à cet endroit en compagnie de ses anciens collègues et de jeunes. Ces derniers venaient de sortir de l’école et s’étaient réunis à La Zone. C’est donc dans l’un des bureaux de l’espace jeunesse, avec un fond sonore de jeunes en train de discuter, que Than Son Pham nous a exposé son histoire et son action auprès des jeunes du quartier de Saint-Léonard.
Une histoire singulière
« Je viens d’une famille de sept enfants – six garçons et une fille. On a vécu dans un milieu difficile, avec de la pauvreté et de la violence », confie-t-il. Les problèmes de comportement ont commencé pour Son au moment où ses parents ont divorcé. Il a connu deux écoles secondaires, a été confronté à une classe d’élèves ayant des troubles de comportement et a même eu des démêlées avec la police et la justice. « Ma mère, c’est mon inspiration ; même si elle m’a foutu quatre fois à la porte quand j’étais jeune. Sur le coup, je ne le comprenais pas vraiment, mais derrière cela, il y avait une morale, et je l’ai compris avec du recul », ajoute Son, en concluant qu’elle a toujours été présente malgré tout. « J’ai été renvoyé de l’école et j’ai fini aux adultes [ndlr : l’école pour adultes]. C’est là que je suis devenu plus sérieux et j’ai été naturellement dans le droit chemin. Les étoiles étaient alignées pour que je suive le chemin que je suis en ce moment. À cette époque, j’avais deux choix : l’intervention ou autre chose… d’illégal. »
Originaire du Centre-Sud, dans Ville-Marie, il a commencé à travailler dans le communautaire à l’âge de 17 ans. Il allait ainsi à l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud comme jeune avant de devenir animateur de ce même organisme. Il est ensuite passé d’animateur à intervenant et a exercé cette fonction pendant 10 ans, jusqu’à ses 27 ans, avant la COVID. Pendant la pandémie, il a travaillé dans la construction, puis est revenu vers l’intervention en offrant ses services à La Zone.
« J’ai vécu une enfance compliquée ; donc, je devais mettre de l’ordre dans ma vie et suivre la bonne voie – celle de l’intervention –, où j’ai évolué en tant qu’humain. Je n’avais pas de modèle sur lequel m’appuyer. Donc, je me dis que, si je peux être ce modèle pour aider les générations futures, tant mieux », résume Son, qui a eu naturellement envie de devenir intervenant, et qui voit dans son travail une suite logique des choses qu’il a vécues.
Un lien fort avec les jeunes
« J’ai fait deux écoles secondaires, puis j’ai fini aux adultes, et c’est à ce moment-là qu’on m’a dit que je serais bon avec les jeunes. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Je travaillais déjà avec les jeunes, mais seulement une journée par semaine. Une fois que j’ai vu que j’avais un impact positif sur eux, j’ai juste continué sur cette voie. » Voilà comment a commencé l’histoire entre Son et les jeunes. Plus jeune, l’intervenant a refusé une possibilité de jouer à un haut niveau au hockey et a plutôt privilégié « la rue et l’argent ». Par la suite, c’est un autre Son qui est né, et ce, grâce à sa passion. « J’ai refusé des postes à 28, 30, 35 $ l’heure pour faire ce que je fais aujourd’hui. Travailler dans l’intervention, je ne le fais pas pour l’argent, mais parce que j’aime ça. Je travaille parce que j’ai la passion d’aider mon prochain », souligne-t-il. « Ce que j’aime, c’est voir la progression du jeune, peu importe son évolution. Une de mes forces, en intervention, est de créer des liens avec les jeunes. Comment je fais ? Je ne sais pas », s’interroge-t-il.
En arrivant à La Zone, il a appris à connaître les jeunes de Saint-Léonard, sans jamais les juger, mais en les conseillant. « À force de parler avec les jeunes d’ici, ils ont compris que j’étais là pour leur bien, et ils ont commencé à me faire confiance. C’est rendu ma passion d’aider ; j’aime ce que je fais, peu importe où : à La Zone, à l’école ou à mon ancienne job – ils sentent que je suis là pour le bien-être des personnes présentes devant moi. Je suis là pour eux. » Pour résumer sa manière de faire, on pourrait dire que Son écoute, comprend, écoute encore, se montre patient et, surtout, s’adapte. « Juste le fait qu’ils se sentent compris et écoutés, qu’ils me racontent des situations que j’ai vécues et qu’ils le sachent, c’est essentiel. Quand ils apprennent mon passé, ils comprennent ma démarche », explique-t-il en ajoutant que son but n’est pas de changer les gens, mais de les prévenir et de leur faire comprendre les choses qu’on ne lui a jamais fait comprendre quand il était plus jeune.
Un message de passionné
« Je ne suis pas d’accord avec le fait qu’on n’ait pas une passion, il faut juste la découvrir », nous reprend l’intervenant d’une école secondaire quand nous l’interrogeons sur cette jeunesse parfois « perdue » quant à son avenir. Rien de mieux pour l’illustrer qu’un exemple tiré de sa journée de travail : « Un jeune est venu me voir en me disant que, plus tard, il ne voulait rien faire, car rien ne l’intéressait. Puis, à force de discuter, lui et moi nous sommes rendu compte qu’il aimait la cuisine. “Donc, la cuisine est ta passion ?” “Euh… oui.” Et voilà comment, en creusant et surtout en écoutant les jeunes, on trouve leur passion. » La passion pour s’éloigner des problèmes de quartier, notamment – voilà la grande motivation de Son, ce qui lui a permis de s’en sortir et de redonner à la communauté. Comment ? « Être là, être un appui. Faire comprendre aux jeunes les problèmes auxquels ils vont être confrontés, peu importe les chemins qu’ils prennent. Il faut les conscientiser en partant de la source, c’est-à-dire bien avant le secondaire, car à ce moment-là, c’est déjà peut-être trop tard… »
La conscientisation, c’est ce que veut transmettre Than Son Pham aux jeunes de Saint-Léonard. Il faut « réveiller leur lumière », comme il le dit si bien, avant d’approfondir la question de la prise de conscience comme héritage.
Mais si on veut vraiment résumer l’histoire de Son et de son impact auprès des jeunes de « Saint-Lô », on ne peut le faire qu’en reprenant ses mots : « Croyez en vos rêves, peu importe le domaine. Trouvez-vous une voie pour vous éloigner des problèmes. Si vous n’êtes pas prêt à aller en prison ou à vous faire tuer pour ce que vous faites, alors ne le faites pas. Si tu penses avoir les épaules pour assumer ces conséquences, c’est ton choix. Moi, par contre, je t’encourage vraiment à suivre tes rêves et ce qui te passionne. C’est ce qui va faire que tu vivras heureux toute ta vie ! »