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Le Café latino communautaire : un lieu de solutions pour les demandeurs d’asile latino-américains
À gauche, Natalia et à droite, Esméralda, toutes les deux bénévoles au Café latino communautaire Photo: Pablo Ortiz
28/4/2023

Le Café latino communautaire : un lieu de solutions pour les demandeurs d’asile latino-américains

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
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COURRIEL
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Si vous prenez votre café du matin sur la Plaza St-Hubert, vous passez peut-être devant le Café latino communautaire. En plus d’être un lieu accueillant, l’établissement a la particularité de compter parmi ses employés des nouveaux arrivants et des demandeurs d’asile. Ces derniers peuvent y travailler en échange de dons alimentaires, distribués à ceux et celles qui sont dans le besoin.

Créé afin de venir en aide aux personnes vulnérables, le Café latino communautaire fournit des repas et des paniers alimentaires en fonction des revenus des individus. Que ce soit à la cuisine ou comme barista, les employés du café rendent l’atmosphère conviviale et chaleureuse. Parmi ses employés bénévoles, on trouve Nathalia. Arrivée au Canada en octobre 2019, elle explique avoir quitté son pays natal, la Colombie, afin de fuir temporairement les problèmes sociaux qui y sévissent.

« Notre intention a toujours été de rentrer en Colombie », explique cette mère. Elle raconte que, quelques mois après son arrivée, alors qu’elle et sa famille s’apprêtaient à retourner au pays, sa mère a reçu la visite d’un groupe armé. « On ne pouvait plus revenir, pour rien au monde, décrit-elle, secouée. On a donc pris la décision de demander l’asile. »

Pour sa famille immédiate, qui se compose également de son mari et de sa fille de 15 ans, le processus de demande d’asile a été long et stressant. « On a eu une date d’audience – c’est pour bientôt –, mais c’est presque deux ans après avoir fait notre demande », dit Nathalia. « On a eu une certaine chance parce que, comme nous avions un permis de travail pour les études, mon mari et moi avons pu commencer à travailler en attendant notre audience. Ça n’a pas été le cas pour d’autres », déplore-t-elle.

Ping-pong administratif, interdiction d’emploi

Ce que Nathalia souligne est une problématique qui touche beaucoup de demandeurs d’asile au Canada. C’est le cas d’Esmeralda, arrivée au Québec en août 2022, qui attend depuis plus de huit mois une réponse à sa demande d’asile. Originaire du Mexique, la femme de 33 ans explique être tombée dans un brouillard administratif où l’information est mal partagée. « Mon statut m’empêche de travailler, je ne peux pas m’inscrire à des cours de francisation. Mon avocat ne savait pas comment s’occuper correctement de notre cas, à moi et à mon fils de 13 ans», dit Esméralda, frustrée par la situation dans laquelle elle se trouve. Elle ajoute que le plus grand problème lié aux demandes d’asile est le manque d’information auquel les nouveaux arrivants font face.

« S’il y avait un endroit où toute l’information nécessaire sur l’immigration et l’asile était réunie, ça serait plus simple. On n’aurait pas à courir partout, on ne se ferait pas renvoyer partout et ailleurs », continue-t-elle. « On nous envoie à des endroits sans répondre vraiment à nos questions. Je fais des allers-retours aux bureaux de l’immigration, à l’hôpital, chez mon avocat », ajoute la femme, qui attend toujours une réponse sur son statut et celui de son fils.

Privée d’un permis de travail en raison de sa situation actuelle, Esmeralda souligne combien le quotidien des demandeurs d’asile peut être précaire. « Beaucoup de gens pensent que les nouveaux arrivants viennent pour l’aide sociale, mais c’est loin d’être le cas… » commence-t-elle. « On m’a répété à plusieurs reprises de ne pas m’inquiéter, car j’allais recevoir une aide monétaire. Je ne veux pas d’aide, je veux un permis de travail, je veux commencer à faire les choses correctement », ajoute-t-elle d’un ton ferme.

Pour beaucoup de personnes qui vivent une situation similaire, l’aide octroyée aux demandeurs d’asile sans permis de travail est extrêmement maigre. « Ça ne me permet pas de payer le loyer, les dépenses mensuelles, les cartes d’autobus », précise-t-elle.

« Ce petit marché est une bénédiction pour tous ceux qui y viennent et qui y travaillent »

Jeison, Esmeralda, Alexander et Nathalia sont des demandeurs d’asile, tous latino-américains et bénévoles au Café Latino Comunitario. Photo: Pablo Ortiz

Alexander est à Montréal depuis environ quatre mois. Pour lui, le Canada représente la fin d’une route longue et périlleuse. Il attend présentement une réponse à sa demande d’asile, sa date d’audience ayant été fixée en janvier 2024. Après être passé par de nombreuses contrées depuis son pays de départ, la Colombie, il raconte avec amertume les sombres péripéties qu’il a vécues.

« Durant mon voyage de là-bas à ici, j’ai été kidnappé pendant cinq jours au Mexique par le cartel de Sinaloa. On m’a extorqué 4 000 $ en échange de la sécurité de mon fils, qu’ils voulaient garder », confie le père, ébranlé par cet épisode. « Je leur ai donné tout l’argent que j’avais gardé pour le Canada, ajoute-t-il, dépassé. C’était horrible. Je ne souhaite cela à personne. »

Les choses prennent une autre tournure pour Alexander une fois qu’il se retrouve au Canada. « J’ai obtenu mon permis de travail en attendant mon audience, mais il s’avère qu’ils se sont trompés sur ma date de naissance sur mes papiers, raconte-t-il. Je tente de régler la situation auprès du bureau de la sécurité sociale, mais personne ne semble avoir de réponse à mes questions. » Frustré, il se retrouve au milieu d’un cafouillage administratif qui réduit sa capacité à s’intégrer.

« Ce petit marché est une bénédiction pour tous ceux qui y viennent et qui y travaillent », confie Esmeralda. Si le plus grand problème réside dans le manque d’information et de ressources, comme l’ont réitéré toutes les personnes présentes, le café constitue un lieu de rassemblement et de partage pour les nouveaux arrivants de partout dans le monde, mais surtout pour les hispanophones.

Irlanda Espinoza a créé l’Alliance de commerces mexicains à Montréal (ACOMM) il y a huit ans, et elle consacre son temps depuis peu au Café Latino Comunitario, où elle s’occupe de livrer des paniers de nourriture et d’hygiène à prix réduit. Originaire du Mexique, Irlanda s’est établie au Canada il y a maintenant 23 ans. Elle explique avoir eu du mal à trouver de l’aide pour distribuer la nourriture, mais elle peut aujourd’hui compter sur 80 bénévoles, pour la plupart des demandeurs d’asile. Ces bénévoles n’ont pas à payer pour les paniers, qui coûtent 7 $ pour les citoyens qui s’inscrivent au café.

Des situations très vulnérables

Irlanda Espinoza, originaire du Mexique, est au Canada depuis 23 ans et consacre son temps au Café Latino Comunitario, qui aide les immigrants à statut précaire. Photo: Pablo Ortiz

Depuis qu’elle travaille au Café latino communautaire, Irlanda a pu constater de près l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile qui a été enregistrée au Canada, en particulier au Québec. La responsable communautaire a vu arriver de nombreux immigrants d’origine latino-américaine depuis 2017. « Ce sont beaucoup des Colombiens et des Mexicains avec des permis d’études, puis nous avons vu arriver beaucoup de Vénézuéliens. Il y a également des Guatémaltèques, qui sont venus en tant que travailleurs étrangers temporaires. »

Selon Mme Espinoza, la pandémie de COVID-19 a aussi joué un rôle important. C’est à cette époque que l’organisatrice communautaire a commencé à remarquer qu’une clientèle plus importante avait besoin de la banque alimentaire. Même de nombreux travailleurs saisonniers ont commencé à se tourner vers l’aide alimentaire, car, dit-elle, beaucoup ont fui les fermes qui les employaient après avoir été maltraités.

Rappelons qu’en 2022, ce sont près de 40 000 demandeurs d’asile qui ont franchi la frontière par le chemin Roxham, selon les données fédérales. Irlanda a ressenti les effets de cet accroissement, non seulement sur les agences de soutien aux demandeurs d’asile comme le PRAIDA, mais aussi dans son propre café. « Le plus gros problème que nous avons constaté est que ces personnes n’obtiennent pas de rendez-vous pour leur audience, qu’elles n’ont pas de permis de travail et que cela les place dans des situations très vulnérables, comme le travail au noir, par exemple. Ces personnes n’ont pas d’argent et survivent uniquement grâce à l’aide sociale, qui suffit à peine à payer le loyer et quelques dépenses. »

En fait, beaucoup de ceux qui viennent chercher de l’aide au Café Latino comunitario finissent par y faire du bénévolat, notamment en aidant à distribuer des paniers alimentaires à bas prix. « Ils se disent que, comme ils ne peuvent pas travailler ou étudier, ils se porteront bénévoles. Comme ça, ils auront accès aux paniers alimentaires et auront au moins quelque chose à manger à la maison », raconte-t-elle.

« Si la personne vient et nous dit qu’elle n’a pas de quoi manger, nous l’aidons aussi à se nourrir. » Le Café est en effet responsable de la distribution de 600 paniers par semaine, et les demandeurs d’asile sont la clé de ce travail, car l’organisme ne compte que 10 employés.

Discrimination et manque d’information

Irlanda ajoute que l’impossibilité de travailler n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les demandeurs d’asile. Elle précise que nombre d’entre eux ont partagé leur expérience de recherche de logement et que la discrimination fait partie intégrante du processus. « Ils m’ont dit qu’ils avaient du mal à louer un appartement parce qu’ils avaient des enfants. La plupart des demandeurs d’asile viennent en famille et ont des enfants », dit-elle, déconcertée.

Et à ces difficultés s’ajoutent la barrière de la langue et le manque d’information. « Ils ont des difficultés en raison de la langue, ils ne peuvent pas se faire comprendre et ils ne trouvent pas d’appartement parce qu’ils ont des enfants. Ensuite, s’ils n’ont pas de travail, pas de nourriture, pas de possibilité d’envoyer leurs enfants à l’école, ils deviennent dépressifs. Je sais que, parmi eux, les taux de dépression sont très élevés. Les demandeurs d’asile sont dans une situation très précaire. »

Malgré la fermeture des routes d’immigration irrégulières, le Café Latino Comunitario continue à accueillir un grand nombre de demandeurs d’asile à la recherche d’une aide. Voilà pourquoi Irlanda exige plus de soutien des gouvernements fédéral et provincial.

« La machine administrative demeure très lente »

Emmanuel Roy est avocat en droit de l’immigration. Situé à Montréal, son cabinet a constaté que le nombre des demandeurs d’asile avait augmenté depuis 2017, notamment en 2022.

Selon M. Roy, malgré la fermeture récente du chemin Roxham et le fait qu’il n’y ait pas eu beaucoup d’arrivées de demandeurs d’asile dans les dernières semaines, « la machine administrative reste très lente ». « Je dirais même qu’elle s’effondre, car beaucoup attendent encore leur audience et leur permis de travail », explique-t-il.

Ceux qui sont en cours de procédure reçoivent des dates d’entrevue très lointaines, dans les cas où tous les documents nécessaires sont envoyés de manière accélérée. « L’entrevue est prévue des mois plus tard, ce qui est encore long, car pendant ce temps ils n’ont pas de permis de travail. »

L’avocat explique que les demandeurs d’asile reçoivent un accusé de réception qui confirme leur statut de demandeur d’asile. Ils ont ainsi accès aux services médicaux, mais ce n’est pas toujours le cas. « Même avec un tel accusé de réception, ils ne peuvent pas travailler », ajoute-t-il. M. Roy reconnaît que de nombreux demandeurs d’asile n’ont d’autre choix que de travailler au noir. « C’est quelque chose que nous ne recommandons pas, mais c’est pourtant ce qui se passe dans de nombreux cas. »

À cette réalité des retards du système d’immigration s’ajoute la grève des employés du secteur public, qui a débuté le 19 avril et touche quelque 155 000 travailleurs. Cette grève aura vraisemblablement des répercussions sur la situation des demandeurs d’asile qui attendent une réponse du gouvernement.

« Nous craignons que la situation ne s’aggrave. Nous sommes dans l’incertitude totale. » L’avocat avoue que, face à la dure réalité que vivent les demandeurs d’asile, il ignore souvent comment mieux les soutenir. « Ils nous demandent de leur donner une idée de la durée de leur procédure, mais nous ne pouvons pas la leur donner », déplore l’avocat, déconcerté.

La Converse a tenté d’obtenir du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté des réponses aux allégations formulées par les personnes ayant participé à ce reportage, mais au moment d’écrire ces lignes, aucune réponse n’avait encore été fournie.

Dans ce brouillard administratif que doivent traverser les demandeurs d’asile partout au Canada, le Café latino communautaire vient améliorer l’accès à l’information grâce au recours à la communauté, tout en permettant d’alléger les différents problèmes que vivent ces personnes. En attendant, ce sont des gens comme Nathalia, Esméralda et Alexander qui bénéficient des services du café. « On aimerait qu’il y ait un endroit qui réunisse toutes les informations, au lieu d’avoir à courir d’un endroit à l’autre. Heureusement, on a ce café qui nous aide beaucoup », termine Nathalia. Irlanda, toujours heureuse de contribuer à un tel projet, rappelle qu’il est nécessaire qu’un changement survienne au niveau administratif afin que la situation des demandeurs d’asile cesse d’être aussi pénible.

L’actualité à travers le dialogue.
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