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24/12/2020

Noël confiné, communauté soudée

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

C’est la veille de Noël, et avec les mesures décrétées par le gouvernement, les gros repas de famille ne sont plus qu’un rêve de 2019. Un moment difficile pour tous. Mais face à l’adversité, un nouvel amour émerge.

On vous présente donc quelques personnes qui « mettent leur cœur sur le barbecue ».

Une mère Noël à cœur ouvert

Frigorifiée, Hanadi Saad, déguisée en mère Noël, danse au rythme d’une musique disco en saluant les aînés, postés sur leur balcon d’un immeuble de Brossard. Elle se dit inquiète du second confinement, prévu du 25 décembre au 11 janvier. L’hiver rigoureux et son manque de lumière vont entraîner, pense-t-elle, une hausse des dépressions et des maladies liées à la faiblesse du système immunitaire. Son organisme, Justice Femme, a donc préparé un guide de ressources pour les aînés.

On y trouve une liste de centres d’écoute et d’organismes de prévention du suicide, des commerces faisant la livraison de denrées et des conseils pour vaincre la dépression. Début décembre, elle a convaincu deux traiteurs et un pâtissier de préparer une trentaine de repas de Noël.

En ces 24 et 25 décembre, elle livre ces denrées aux familles dans le besoin, aux personnes seules ou âgées et aux mamans monoparentales qui résident dans son quartier.  Derrière ses lunettes, elle retient difficilement ses larmes en songeant à la solitude de ces résidents, qui s’amplifie cette année avec les sentiments de peur, d’anxiété et de détresse.

Originaire du Liban, Hanadi a fait des études au Québec avant de fonder l’organisme Justice Femme, peu après que le Parti québécois eut tenté de légiférer sur l’interdiction des symboles religieux en 2013. Depuis le début de la pandémie, la jeune quadragénaire tente de poser des gestes concrets qui soulagent l’angoisse qu’elle éprouve face aux aînés qui meurent de la COVID-19 dans nos hôpitaux, CHSLD et résidences. « Pourquoi sont-ils sacrifiés comme ça? » se demande celle dont le nom se retrouve parmi les 25 femmes les plus influentes au Canada. La pandémie a réveillé chez elle de douloureux souvenirs.

Pendant 17 ans, elle a vécu dans un pays déchiré par la guerre civile. Lors des attaques menées par Israël, elle se cachait dans des tunnels souterrains pour se protéger des bombes. « On allait d’une région à l’autre, comme si nous étions des réfugiés dans notre propre pays. Je me souviens de femmes qui couraient le matin, vêtues d’un pyjama plein de sang », raconte-t-elle.

Vingt-huit ans plus tard, l’image de milliers d’aînés mourant au Québec, de solitude, de malnutrition ou de soif, la hante. « J’ai l’impression de vivre une guerre. Ça vient me chercher. On m’a volé mon enfance, mais j’ai commencé ma vie d’adulte ici, dans la paix, le bien-être. »

Après plus d’une heure au grand froid, Hanadi poursuit son récit. À la fête des Mères, avec une poignée de bénévoles et un disc-jockey, elle a fait danser les aînés sur les balcons des résidences des quartiers défavorisés de Montréal et de Laval. « J’ai tellement pleuré en apprenant qu’une dame qui n’en pouvait plus d’être enfermée s’est jetée en bas du cinquième étage d’une résidence de l’est de Montréal », confie-t-elle en essuyant une larme. Près de 75 % des personnes âgées sont laissées à elles-mêmes depuis le début de la pandémie. Au pire de la crise, certains n’avaient plus de visites d’infirmières ou de travailleurs sociaux.

Les organismes membres du Regroupement des centres de prévention du suicide du Québec (RCPSQ) ont reçu en moyenne 20 % plus d’appels depuis le début de la pandémie. Mais il est difficile de savoir si les appels proviennent autant de personnes âgées que de plus jeunes, précise la directrice du Regroupement, Linda Poirier.  

Entraide entre voisins

À quelques rues de la demeure de Hanadi à Brossard, l’entraide se fait aussi entre voisins. Micheline, une retraitée de 66 ans, a décidé d’offrir de son temps. Elle a donc pris un bâton de deux mètres pour aider sa voisine, qui vit complètement isolée. Tous les jours, elles marchent ensemble. « Ma voisine a perdu la vue à 23 ans et elle en a maintenant 57.

Grâce à elle, j’ai appris la résilience. J’admire sa force de caractère et, surtout, elle ne se laisse pas abattre par les difficultés », raconte Micheline.

La dame et son mari aident aussi des voisins âgés de 75 ans à transporter leurs sacs d’épicerie et à aller chercher leur courrier à leur boîte postale. Des petits gestes qui font plaisir. « Je ressens beaucoup de gratitude, et nous sommes fiers surtout de rendre service à des gens qui en ont besoin », dit-elle en souriant.

«Occupez-vous de vos aînés»

Hanadi Saad a-t-elle l’impression de changer les choses ? « Oui, peut-être, répond-elle. Si chacun faisait un petit geste, on vivrait dans le meilleur des mondes. Tu sais ce qu’il manque? C’est de l’amour. Nous vivons dans un monde très individualiste et égoïste. » En apportant un repas à des aînés et à des familles dans le besoin, ou en dansant pour eux dehors par un froid glacial, Hanadi Saad a le sentiment d’être remplie d’énergie et de force. « Je veux changer le monde, conclut-elle d’un ton convaincu.

On peut participer à un changement, mais aussi le provoquer. On peut l’influencer… c’est ça, le leadership. » Elle souhaite vieillir chez elle, comme sa grand-mère de 93 ans, qui bénéficie des services du CLSC et de l’aide de ses proches. « Occupez-vous de vos aînés, car il y a 1 001 façons de leur donner de l’amour, et pas seulement en présence», s’exclame-t-elle.

« Rester Pépé » pour encourager les jeunes

Mais si Hanadi Saad veut aider les aînés, il y a aussi des aînés qui aident les jeunes. Sur la plateforme TikTok, le compte Reste Pépé, de trois aînés du nom de Gab, JR et Dan, a été créé « pour encourager les jeunes ». Et il connaît beaucoup de succès ! Par le biais de chorégraphies — parfois sur du rigodon, parfois sur du hip-hop — et des dernières tendances de la plateforme, qui est principalement utilisée par des jeunes, Reste Pépé encourage les jeunes à se faire tester et à respecter la distanciation physique, mais apporte aussi un vent d’amour aux jeunes ayant perdu un grand-parent cette année.

« J’ai perdu ma grand-mère cette année, premier Noël sans elle, merci d’être là pour moi et de me redonner le sourire », commente une jeune utilisatrice. « Cette année, nous avons perdu nos deux mamies à cause de la COVID, j’ai les yeux pleins d’eau de vous voir ! Merci d’être là », enchaîne une autre utilisatrice.  

Conseils aux aînés isolés (tirés du guide de ressources de Justice Femme)

Sortir et s’exposer à la lumière naturelle. En situation d’anxiété, on pratique différents exercices de respiration, mais surtout, on répète à haute voix : « Tout va bien aller », et on pense à toutes les personnes qui nous aiment.Écouter de la musique, chanter, prendre un bain chaud. On exprime aussi ses émotions à un ami ou à sa famille.
« En évacuant les tensions qui pèsent lourd sur votre cœur, vous allez vous sentir beaucoup mieux », nous informe-t-on.
Le guide de ressources de Justice Femme est mis sur demande à la disposition des organismes, des résidences et des personnes de 55 ans et plus.
On peut communiquer avec Justice Femme en écrivant à justicefemmeJF@gmail.com ou en composant le 438 476-1340
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