M. Wei, qui préfère taire son prénom, profite de la vie doucement. Installé à Montréal depuis plus de 10 ans, le Shanghaïen d’origine coule des jours tranquilles, seul dans son appartement lorsqu’il n’est pas en train de nourrir sa passion pour le voyage. L’homme de 74 ans n’a pas toujours eu la vie facile. De son parcours migratoire ardu, qui l’a mené à la communauté montréalaise, à la tragédie qui l’a rapproché de sa fille unique, il nous raconte son histoire.
Le long chemin jusqu’aux retrouvailles
« Ma fille souhaitait immigrer. Elle m’a fait visiter le Canada, pour voir si ça me plaisait. J’ai bien aimé ça », raconte-t-il. Ainsi commence son long périple, qui le mène de Shanghai à Montréal. Mei*, la fille M. Wei a marié un Québécois et a quitté ce son père pour s’établir à Montréal au milieu des années 2000.Comme il est de tradition dans les familles shanghaïennes, père et fille souhaitaient habiter près l’un de l’autre pour se soutenir. Cependant, ils mettront quatre ans et demi avant d’être réunis. Il leur a fallu attendre que le dossier d’immigration de M. Wei soit approuvé par le gouvernement canadien. Pendant ces longues années d’attente, avec un océan qui le séparait de sa famille, M. Wei se sentait bien seul.
« J’étais si heureux d’arriver à Montréal ! Je pouvais enfin être avec ma fille. On va pouvoir prendre soin l’un de l’autre », s’exclame-t-il. La distance qui les séparait, entre Montréal et Shanghai, rendait l’entraide difficile. « Les aînés comme moi, on espère toujours que la génération d’après va pouvoir prendre soin de nous », explique le septuagénaire. Lorsqu’on lui demande comment il vit le contraste entre sa ville natale et sa ville d’adoption, M. Wei ne s’attarde pas aux différences culturelles entre les deux métropoles, il nous parle de Mei. « La différence entre les deux, c’est que ma fille est ici ! En Chine, j’étais seul », s’écrie-t-il.Ce lien fusionnel s’est développé sur fond de tragédie.
La femme de M. Wei est décédée alors que leur fille unique n’avait que cinq ans. Ce drame a été un coup dur pour la jeune famille ouvrière. « Ma fille a perdu sa mère très jeune. Ma mère, c’est-à-dire sa grand-mère paternelle, et moi l’avons élevée, se remémore-t-il. Travailler et élever un enfant jusqu’à l’âge adulte sans mon épouse a été très difficile. »
M. Wei et sa mère y sont parvenus en soutenant leur famille avec leurs emplois respectifs d’électricien et de couturière. Ainsi, la famille Wei est très soudée. M. Wei, qui a toujours entretenu une belle relation avec sa fille, l’a toujours soutenue dans ses projets, y compris sa décision d’immigrer au Canada.
Les défis quotidiens de la vie montréalaise
Les 10 années passées à Montréal n’ont pas été de tout repos. La saison froide demeure toujours un défi. « Je ne supporte pas l’hiver ! Je reste chez moi, j’évite de sortir à cause du froid », laisse-t-il tomber. Mei l’aide à rester au chaud. « Elle a fait livrer toutes mes courses durant l’hiver », raconte-t-il. Et ce n’est pas que la température qui inquiète M. Wei. Il y a quelques années, il s’est fracturé la main en chutant lors d’une sortie hivernale. Il ne tient pas à répéter l’expérience.
D’autres obstacles, comme la barrière de la langue et la méconnaissance de la culture québécoise, entravent aussi son quotidien. M. Wei apprécie donc grandement le soutien qu’il reçoit du Service à la famille chinoise du Grand Montréal. « Je connais l’une des intervenantes sociales de l’organisme depuis plusieurs années. Elle m’a aidé à résoudre des problèmes et à m’y retrouver parmi les institutions québécoises », dit-il. Il reçoit aussi du soutien des amis shanghaïens de sa fille qui sont au Québec, qui l’aident dans des situations où il faut parler en français ou en anglais.
Une âme sociable de globe-trotter
Il y a cinq ans, sa vie sociale a pris un tournant positif lorsqu’il a découvert un groupe de Shanghaïens à Montréal. « On vient tous de la même région, donc on a plusieurs choses en commun. On se réunit pour jaser, manger, profiter de la vie nocturne de Montréal et voyager », affirme-t-il. C’est cette dernière activité qu’il préfère. « J’aime quand on s’entasse tous dans un gros autobus voyageur et qu’on passe le trajet à s’amuser, à discuter et à rire », s’exclame M. Wei C’est cette passion du voyage qui, chaque été, l’incite à se joindre à une agence de voyage chinoise qui l’amène à explorer l’Amérique du Nord. Et, bien qu’il ait visité le Mexique, les États-Unis et plusieurs régions du Canada, sa destination préférée demeure Niagara.
« Ces chutes sont spectaculaires ! Il n’y a rien de tel ailleurs dans le monde, s’exclame-t-il. J’y suis déjà allé deux fois et, quand j’aurai l’occasion, je veux y retourner. Je rêve d’aller faire un tour dans le bateau Maid of the Mist et de pouvoir admirer les chutes d’en bas. »
On espère qu’il pourra réaliser son rêve et reprendre ses voyages bientôt.
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