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Aide à l’emploi : la bibliothèque Atwater répond aux besoins des nouveaux arrivants anglophones
Liz et Maya travaillent à la bibliothèque Atwater et offrent un service d’aide à la recherche d’emploi. Un des enjeux pour y avoir accès est le manque de ressource mais aussi le manque d’accès à un ordinateur ou même une imprimante. Photo : Anais Elboujdaini
16/2/2024

Aide à l’emploi : la bibliothèque Atwater répond aux besoins des nouveaux arrivants anglophones

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5 Minutes
Initiative de journalisme local
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COURRIEL
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Note de transparence

Depuis octobre, la Bibliothèque Atwater offre des services en recherche d’emploi pilotés par des bénévoles. La Foire aux carrières CELI est un événement décontracté où des migrants – demandeurs d’asile et réfugiés – peuvent trouver dans une formule intime des conseils afin d’obtenir un emploi. La majorité d’entre eux s’expriment mieux en anglais, et l’aide peut donc leur être offerte dans cette langue.

Un autre objectif du centre de carrière ? « C’est un endroit accessible, où il y a peu d’obstacles à la participation et où les gens peuvent venir chercher de l’aide pour trouver un emploi, améliorer leurs compétences professionnelles ou, simplement, avoir un interlocuteur pour discuter de leur processus de recherche d’emploi », explique Maya Garfinkel, la coordonnatrice du projet à la Bibliothèque Atwater.

Les séances ont lieu au deuxième étage de l’établissement construit en 1920, avec tout ce que cela implique de boiseries sur les murs et de fenêtres immenses en arceau. La bibliothèque a été désignée « lieu historique du Canada », et c’est sur des bancs d’église, dans une vaste salle, que se déroulent les rencontres.

Pour Maya, gérer les attentes est important : « Nous essayons vraiment d’aider les gens là où ils en sont en leur fournissant des ressources en tant que conseillers en emploi non professionnels. »

Deux hommes, tout sourire, disent au revoir à Maya. Ils sont venus chercher quelques conseils pour leur recherche d’emploi, mais doivent se sauver pour arriver à temps à la banque alimentaire du coin. « C’est vraiment la réalité avec laquelle ils doivent se débrouiller », dit-elle.

Idriss est un demandeur d’asile qui a en main son permis de travail depuis plusieurs semaines. Or, difficile pour lui de trouver un emploi. Il s’est entretenu avec la Converse dans un café après une séance d’aide à la recherche d’emploi.
Photo : Anais Elboujdaini

La genèse d’un besoin

En raison de sa proximité avec le YMCA, qui héberge les demandeurs d’asile, la bibliothèque est souvent fréquentée par ces derniers, qui l’utilisent entre autres pour les ordinateurs, moyennant des frais minimes. À la Bibliothèque Atwater, la majorité des « employés » sont en fait des bénévoles. Ceux-ci se sont donc souvent retrouvés dans une situation particulière à laquelle ils n’étaient pas préparés, relate Liz Perrin, responsable de la littératie numérique.

Ceux-ci ont en effet noté une demande constante pour l’impression de CV. « Quelqu’un arrive et demande au bénévole : "J’ai juste besoin d’imprimer mon CV", et le bénévole est vraiment juste équipé pour dire : "D’accord, envoyez-le-moi par courriel ou laissez-moi vous aider à vous connecter à votre courriel" », raconte Mme Perrin.

Or, assez rapidement dans ce genre de conversation, le bénévole se rend compte que la personne a besoin d’aide pour créer un CV. « L’accès à une imprimante est génial, mais le CV n’existe même pas encore. Donc, je pense que c’était un grand moteur pour faire quelque chose afin de répondre à ce besoin », estime-t-elle.

Idriss* a longtemps travaillé en Mauritanie dans un organisme reconnu où il faisait l’entretien ménager. « Dans mon pays, l’esclavage existe encore », souffle-t-il à demi-mot. L’homme d’une trentaine d’années n’a donc jamais pu aller à l’école.

Bien que le pays d’Afrique de l’Ouest ait aboli l’esclavage héréditaire en 1981, l’esclavage moderne y persiste. En 2023, la Mauritanie obtient d’ailleurs la troisième place sur le sordide podium mondial des pays où l’esclavage moderne est le plus répandu.

Idriss s’exprime en français seulement, mais il obtient l’aide dont il a besoin pour amorcer sa recherche d’emploi à la foire de la bibliothèque Atwater, même si son public cible est la population de demandeurs d’asile anglophone. S’il a son permis de travail, il se bute à un défi de taille : il ne sait ni lire ni écrire. La foire à l’emploi lui offre donc un premier accès à des ressources. « J’ai envie de travailler, mais pour le moment, je n’ai encore rien trouvé. C’est difficile parce que, parfois, on me donne des formulaires à remplir, et c’est compliqué… » laisse-t-il tomber.

« C’est un ami sénégalais qui m’en a parlé au YMCA », ajoute celui qui, aujourd’hui, s’est trouvé un appartement.

Si Idriss est francophone, c’est loin d’être le cas de tous les visiteurs de la foire à l’emploi. « Nous sommes bilingues, et même multilingues », précise Liz. Elle raconte que ce projet « sème des graines en ville », car il tente de faire le pont entre plusieurs organismes comme le YMCA, mais aussi un organisme à Sherbrooke qui donne des leçons d’alphabétisation en anglais.

La bibliothèque Atwater de Montréal
Photo: Anais Elboujdaini

Des bibliothèques pour aider les réfugiés et les demandeurs d’asile

La Bibliothèque d’Atwater a été fondée en 1828. Aujourd’hui, elle fonctionne de manière indépendante du reste du réseau des bibliothèques municipales de la Ville de Montréal. Son fonctionnement diverge à maints égards, entre autres parce que, comme nous l’avons dit, la majorité de ses employés n’en sont pas : ce sont des bénévoles qui font rouler l’endroit. Au cœur de la mission de la bibliothèque, il y a les cours de perfectionnement et la littératie numérique. Pas surprenant que le programme d’aide à l’emploi destiné aux nouveaux arrivants soit né là.

Si ce programme répond à un besoin criant de la communauté qui la fréquente, la Bibliothèque Atwater n’est pas la seule à offrir de l’aide aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Le réseau des bibliothèques de Vancouver (VPL) compte sur son site Web une page de liens pour les réfugiés et les demandeurs d’asile.

« Quand nous avons accueilli des réfugiés ukrainiens, nous avons mis en place des ressources d’aide au logement, raconte Alicia Cheng, responsable de l’information à la VPL. Nous les orientons vers les ressources correspondantes. Mais d’autres questions surgissent. Les immigrants, nous les informons des ressources liées à l’immigration. Puis, à un moment donné, certaines personnes cherchent des choses plus particulières, donc nous les aidons du mieux que nous pouvons. »

Plus près de Montréal, les bibliothèques de New York soutiennent les demandeurs d’asile. En 2023, lors de la présentation du budget municipal de la Grosse Pomme, son directeur général a insisté sur l’importance du maintien du budget alloué à l’institution en raison de son rôle dans l’intégration des demandeurs d’asile.

Des recherches montrent d’ailleurs le rôle crucial des bibliothèques publiques dans l’intégration des migrants : « Les migrants recherchent également un accès gratuit à Internet et aux ressources numériques. [...] Du point de vue des migrants, l’isolement, l’analphabétisme et les préjugés ou le manque de connaissances sur la bibliothèque sont mis en avant [en tant qu’obstacles]. »

Créer du lien social pour aider

Rien ne laissait présager que le programme puisse offrir aux bénévoles une chance de partager leur expérience et de rassurer les nouveaux arrivants, souvent remplis d’appréhension.

« Parfois, je vois deux personnes en train de discuter et je me dis que ce sont deux bénévoles qui se connaissent déjà, mais l’un d’eux est un client, et ils viennent de se rencontrer », s’étonne, agréablement surprise, Liz.

C’est le soutien mutuel entre bénévoles et participants qui rend unique ce type d’échange, car tout le monde est placé sur le même pied d’égalité. « Nous essayons d’être vraiment bons pour gérer les attentes, sans jamais nous positionner comme des experts », avance-t-elle.  

Ils viennent de l’Iran, de l’Algérie, du Kenya, de la Mauritanie ou du Tchad cette journée-là. Ils ne parlent pas tous anglais, mais ceux qui se débrouillent mieux dans cette langue sont servis sans problème.

En raison des partenariats, notamment avec le Centre des réfugiés, certains bénévoles sont eux-mêmes des réfugiés et peuvent donc partager leur expérience avec des nouveaux arrivants qui doivent tout découvrir.

« Je pense que les personnes qui ont vécu cette expérience ou qui connaissent des personnes qui l’ont vécue sont vraiment désireuses d’aider. C’est un moteur très puissant », raconte celle qui a été témoin de plusieurs situations de grandes vulnérabilités entre participants et bénévoles.

« Même si ce n’est pas la même expérience, les émotions sont là. Ça rend la création d’un compte courriel, par exemple, beaucoup plus intime et chaleureuse, même si c’est une chose relativement banale. »

« Lorsqu’un bénévole est capable de montrer cette vulnérabilité, d’aller au-delà des éléments techniques et de tendre la main à quelqu’un, cela fait toute la différence, et c’est peut-être quelque chose de plus difficile à obtenir lorsqu’on se trouve dans un monde de services sociaux plus grand et plus bureaucratique », conclut-elle.

Une bénévole originaire du Kenya attend d’accueillir quelqu’un pour l’aider. En attendant, elle cherche elle-même un emploi. Elle sait que son expérience de haut niveau dans son pays d’origine ne sera sans doute pas reconnue ici. Et puis, elle ne maîtrise pas encore la langue, elle qui est arrivée au Québec en décembre.

Accueillie comme réfugiée, elle se fait un devoir d’aider les autres en faisant du bénévolat. Quand on lui demande si elle compte quitter le Québec, elle fronce les sourcils et s’exclame qu’elle aime Montréal. « Moi, je veux m’établir ici et apprendre le français, soutient-elle. C’est peut-être plus facile d’aller en Ontario, mais je pense que je pourrais être heureuse ici », lance-t-elle.

Le Commissaire à la langue française du Québec, Benoît Dubreuil, propose dans un rapport publié le 14 février dernier que les demandeurs d’asile qui ne maîtrisent pas le français soient redirigés vers une province anglophone. Il suggère « d’orienter les personnes qui demandent l’asile vers les provinces dont elles connaissent la langue principale » pour éviter les coûts d’enseignement de la langue dans le cadre de cours de francisation.

De son côté, Idriss cherche toujours un emploi. Téléphone à la main, il sillonne la ville depuis deux mois pour régler tous les problèmes qu’il rencontre : recherche de logement, de vêtements d’hiver, d’emploi. La foire d’emploi d’Atwater est une petite marche pour l’aider à gravir l’escalier de son intégration.

« Ici, il y a beaucoup de liberté et beaucoup de possibilités », conclut-il.

* Nom d’emprunt destiné à protéger l’identité de la personne.

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