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Entre réalité et fantasmes : une expérience queer canadienne
La Fierté montréalaise, une société du spectacle qui oublie ses exilé.es queer racisé.es. Illustration: Nia E-K
11/8/2023

Entre réalité et fantasmes : une expérience queer canadienne

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

Note aux lecteurs et lectrices

Ce reportage utilise un pronom non binaire : iel. Cela est fait dans le but de respecter et de reconnaître l’identité de genre de chaque individu. L’utilisation de pronoms non binaires est de plus en plus courante et vise à inclure les personnes qui ne s’identifient pas strictement comme homme ou femme. Cependant, la grammaire française ne permet pas encore un accord et une conjugaison non-genrée. Avec la permission de la personne interviewée, nous avons donc opté pour une conjugaison au féminin. Nous tenons à souligner notre engagement envers l’inclusion et le respect de la diversité des genres, et nous espérons que cela contribue à créer un espace plus inclusif pour tous les lecteurs et lectrices.

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Juin 2023. Le dernier jour du printemps s’érode avec grâce, laissant place au solstice d’été qui se profile à l’horizon. Le soleil incandescent embrase les rues, tandis que les magasins, les restaurants et la ville se parent d’une myriade d’arcs-en-ciel, exaltant avec éclat le mois de la Fierté. Alors que juin tire sa révérence, nous faisons la rencontre de Valentina qui nous dévoile son récit en tant que personne queer, noire et exilée, des expériences souvent oubliées, voire éclipsées, de l’image que l’on se fait du Canada comme terre d’accueil.

La Fierté montréalaise, une société du spectacle qui oublie ses exilé.es queer racisé.es
Illustration: Nia E-K

À la bibliothèque, à la recherche du mot “lesbienne”

« J’ai pris conscience de ma différence à l’âge de 10 ans, mais j’ai gardé en moi le sentiment que quelque chose n’allait pas, sans jamais oser en parler à qui que ce soit », nous dit Valentina. Jeune,  iel croyait qu’iel aurait dû naître un garçon à la place d’une fille, puisqu’iel avait une attirance envers les femmes. Iel en était tellement convaincu qu’en grandissant iel était persuadé que c’est le désir intense de sa mère d’avoir une fille, qui a bousculé son destin.

Aujourd’hui, à l’âge de 28 ans, Valentina se présente comme une personne non-binaire, noire et africaine. Ayant grandi dans son pays natal, le Nigeria, iel raconte qu’iel n’avait même pas les mots pour décrire son identité, son expérience: « La première fois que j’ai entendu le mot ‘lesbienne’, c’était lorsque j’ai repoussé un camarade de classe, et il m’a insultée en me traitant de lesbienne. »

À 15 ans, Valentina, se rend à la bibliothèque scolaire de son internat religieux pour rechercher la signification de ce mot. C’est là qu’iel se trouve, qu’iel s’est identifiée pour la première fois. « Cependant, même si je n’avais jamais entendu ce mot auparavant, je savais que c’était considéré comme mal, même si personne n’en parlait ouvertement », explique-t-iel. Alors l’adolescente se tourne vers le site web Tumblr. À sa grande surprise, les utilisateurs du réseau semblent déjà savoir ce qu’était une lesbienne, et beaucoup de ses usagers faisaient partie de la communauté queer. « C’est à ce moment-là que j’ai commencé à rencontrer en ligne plusieurs personnes qui partagent cette expérience. Ironiquement, la plupart d’entre elles vivaient au Canada, où elles pouvaient vivre ouvertement et en sécurité leur identité sexuelle. C’est ainsi qu’en grandissant, j’ai nourri le rêve de partir au Canada », livre Valentina.

Émotions interdites et rires étouffés

À la suite de cet incident, Valentina se confie à une amie proche, Marie, rencontrée à l’internat. Leur amitié se transforme en une relation secrète, bien qu’aucune d’entre elles ne l’ait qualifiée ainsi ou n’ait parlé de ce qu’elles ressentaient et de ce qu’elles étaient l’une pour l’autre. « Nous nous réveillions à 3 heures pour prendre notre douche puisque tout le monde se douchait à 6 heures du matin. Une fois, en se faufilant, on a failli se faire prendre et Marie m’a poussée contre le mur et le carreau s’est cassé contre mon coude. Je saignais de partout, mais nous ne pouvions le dire à personne », dit Valentina en montrant la cicatrice de cette blessure en souriant. « Nous n’avons jamais donné un nom à ce que nous étions, d’ailleurs nous avions toutes les deux un petit ami », poursuit Valentina, en regardant ses mains.

Iel prend un moment et replonge dans ses souvenirs d’adolescence : « Je me souviens que Marie se glissait dans mon lit la nuit, on dormait ensemble. Notre seule consolation vis-à-vis de la religion, et de la société plus largement, est que nous n’avons rien fait de sexuel, donc rien de si mauvais… nous nous embrassions et nous rigolions, c’est tout », raconte-t-iel, avec une pointe de nostalgie.

Alors que ses études secondaires à l’internat touchent à leur fin, Valentina décide de poursuivre des études à l’étranger pour quitter le Nigéria. Après une panoplie de paperasse et d’examens, iel quitte son pays natal pour l’Ontario. « Je suis arrivée au Canada en janvier 2013, j’avais 17 ans. Après six mois d’école préparatoire, j’ai postulé pour l’école d’architecture, et j’ai entamé mon baccalauréat », explique l’architecte.

Un an après l’arrivée de Valentina au Canada, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan signe une loi qui criminalise les relations homosexuelles. Une loi qui empêchera Valentina de retourner dans son pays. « Avant, l’homosexualité n’était pas acceptée, mais elle n’était pas criminalisée. Avec cette loi, nous risquons quatorze ans de prison ». Certains États du Nigéria condamnent aussi l’homosexualité à la lapidation à mort, explique Valentina d’un ton teinté de tristesse.

Des vagues nostalgiques refont surface. Valentina pense au Nigéria : « Ça me manque des fois, les paysages, la chaleur. Ce qui me manque le plus, c’est la façon dont les gens prennent soin les uns des autres. La société nigériane est moins individualiste et plus communautaire.   La dernière fois que j’ai mis les pieds là-bas, c’était en 2014, l’année de l’adoption de la loi discriminatoire. Plus que jamais, l’oppression envers les personnes queer et trans s’y intensifie. Chaque allusion, même minime, peut entraîner des poursuites impitoyables. Malheureusement, la justice fait défaut, laisse la police user et abuser de son pouvoir pour réprimer ceux qui sont perçus comme queer ».

Au fur et à mesure que les souvenirs défilent, Valentina laisse échapper douloureusement :

« L’histoire entre Marie et moi s’est terminée dans la discorde. Avant mon départ du Nigeria, nous avons eu une dispute. Son petit ami a soupçonné notre relation lesbienne en raison de notre proximité, et elle a prétendu que j’étais obsédée par elle. Je comprends maintenant les raisons de son geste, mais à l’époque, cela m’a profondément blessée », confie-t-iel.

Pendant ses années universitaires, une nouvelle tragique en provenance de son pays d’origine lui parvient : « Ma-Marie n’est plus parmi nous. Lorsque j’apprends cette nouvelle dévastatrice de son…suici… » Valentina, submergée par l’émotion, peine à trouver ses mots. Puis, en détournant le regard, iel poursuit : « Je savais instantanément que son absence était le résultat de son incapacité à être elle-même, de son impossibilité de quitter le Nigeria. Elle n’a pas eu la même chance que moi. »

Ses larmes glissent, Valentina fixe le mur, et pendant l’espace d’une minute, iel semble disparaître. Après une profonde inspiration, iel explique : « Le deuil qui m’envahit est complexe, car Marie n’a jamais pleinement accepté notre vérité. Je porte le fardeau de notre histoire non partagée, incapable de révéler la vérité aux personnes qui la connaissaient. Je sais que cela ne ferait qu’exacerber les blessures, ajoutant une nouvelle couche de souffrance à leur peine déjà insurmontable. »

Les yeux inondés, Valentina lance un sourire : « Maintenant, je me rends compte qu’il y a beaucoup de personnes que j’ai connu au Nigeria qui sont queer, et malgré la tragédie de Marie, ça me rend heureuse de savoir que certains ont pu quitter le pays et vivre pleinement leur sexualité. »

Une double vie, un cauchemar

Valentina a quitté son pays natal pour échapper à la contrainte de vivre une double vie. Malheureusement, iel se retrouve confrontée à une situation similaire au Canada. Cette fois-ci, ce n’est pas son genre ou son identité sexuelle qui l’oblige à  se cacher mais plutôt son statut migratoire. En raison d’une négligence administrative, les documents de renouvellement de son permis d’études et de travail ont été perdus par l’établissement scolaire qu’iel fréquentait en Ontario, entraînant des conséquences désastreuses.

Tout cela s’est produit en même temps que l’arrivée de la pandémie de la COVID-19, lorsque tout était fermé, et sa demande de renouvellement n’a jamais été déposée. « Malgré l’obtention de ma maîtrise au Canada, je me vois refuser toute possibilité de prolonger légalement mon séjour ou de demander directement la résidence permanente. J’ai tout quitté pour ne pas devoir me cacher, pour ne pas vivre dans l’ombre, et me voilà en train de vivre ce cauchemar à nouveau. Je me retrouve maintenant sans papiers, toujours plongée dans la peur. »

Son statut, explique-t-iel, exacerbe ses problèmes en tant que personne queer, issue de l’immigration et appartenant à une communauté racisée. « Cette situation a profondément accentué ma dépression, d’autant que je n’ai plus accès à rien. Je ne peux même pas subvenir à mes besoins, mon loyer, mes courses, je ne peux même pas louer un appartement car je n’ai aucune pièce d’identité valide, et avec le nouveau projet de loi 31, il n’y aura même plus de transfert de bail. Je me sens parfois emprisonnée dans ma situation. »

Il ne lui reste qu’une lueur d’espoir. Son dernier recours est de demander l’asile et de trouver refuge au Canada. Aujourd’hui, Valentina entame ce processus sans savoir ce que l’avenir lui réserve.

Malgré la précarité de sa situation, iel tient à souligner : « Je sais quand même que je suis privilégiée par rapport à d’autres personnes sans papiers dans ce pays, car j’ai réussi à trouver une façon de travailler non déclarée. Je suis également extrêmement chanceuse d’être ici en premier lieu, même si j’ai perdu beaucoup d’amis qui n’ont pas eu cette chance. »

Cependant, iel soulève une problématique concernant les ressources allouées aux personnes BIPOC* queer, qui sont limitées, d’autant plus lorsqu’on inclut les besoins des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés. Valentina estime que les organismes communautaires souffrent d’un manque de financement. « Il y a une surcharge de dossiers et un manque de personnel évident. J’ai constaté de nombreux départs de travailleurs qui étaient submergés de tâches et sous-payés. Cela signifie également que je dois constamment recommencer mon parcours, revivre les mêmes traumatismes, ce qui aggrave ma condition puisque je n’ai pas accès aux soins de santé nécessaires », observe-t-iel.

À plusieurs reprises, iel demande de l’aide psychologique et de l’accompagnement dans son processus migratoire, mais ses demandes ont systématiquement été refusées. « Compte tenu de la rareté des ressources, ces organisations ont tendance à donner la priorité aux situations d’urgence, telles que celles des personnes bloquées à l’étranger. Cela est tout à fait compréhensible, mais ça laisse peu d’options pour les autres situations, y compris la mienne », explique l’exilée avec compréhension.

« Quand on est en mode survie, on n’a pas le luxe de se préoccuper de pronoms »

Au Canada, le manque de ressources des organismes n’est pas le seul obstacle auquel Valentina est confrontée. Même dans les milieux queer, iel ne parvient pas à trouver un réconfort pour apaiser sa douleur. Au lieu de cela, iel se heurte à des discours normatifs qui ignorent la diversité de ses expériences.

Ayant vécu au Nigeria jusqu’à ses 17 ans, Valentina ignorait l’existence du mois de la Fierté. Une fois déménagée au Canada, iel décide d’assister au défilé en question à Sudbury, où iel a habité avant de vivre à Toronto et Montréal. « Les personnes que je connaissais à Sudbury à l’époque étaient majoritairement blanches. Alors, j’y suis allée avec un ami qui est un homme gay blanc et cisgenre**. En tant que personne noire, immigrante et queer, j’ai une perception négative des expériences avec la police. J’ai donc été surprise par leur présence lors du défilé. Je me souviens avoir pensé : « Pourquoi y a-t-il des policiers ici ? Je pensais que la Fierté était une manifestation contre la police », se remémore-t-iel.

La récupération du défilé de la Fierté par des marques et des personnes de pouvoir.

Valentina fait référence ici aux émeutes de Stonewall qui se sont déroulées le 28 juin 1969. Une rébellion a été déclenchée par une descente violente de la police au Stonewall Inn, un bar du quartier Greenwich Village à Manhattan. Ce bar, fréquenté principalement par des femmes transgenres et des homosexuels racisés, était régulièrement victime de brutalités policières. Les clients se sont finalement défendus contre cette injustice, et la manifestation s’est poursuivie pendant six jours, dirigée par des femmes transgenres noires et latines telles que Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera et Zazu Nova.  

Valentina poursuit : « Les membres de Black Lives Matter présents lors de la marche ont agi avec détermination, interrompant immédiatement le défilé dès qu’ils ont repéré la présence de policiers en uniforme. Leur action a souligné la contradiction flagrante et l’importance de s’opposer à l’institution policière même au sein d’un événement comme la Pride. Ce geste m’a profondément réconfortée ». Point de vue que son ami ne partage pas. Il a exprimé des propos dénués de sensibilité, ignorant l’expérience des personnes noires en Amérique du Nord, y compris celle de Valentina, qui a dû quitter son pays d’origine par crainte de la violence systémique et des répercussions sociales, afin de vivre sa vie authentiquement. « À ce moment-là, quand il se plaignait, je me sentais profondément seule. »

Au fil du temps, Valentina a constaté que son expérience en tant que personne noire, migrante et queer est souvent déniée dans les espaces publics. Iel a dû faire face à un accroissement du racisme et de la xénophobie au sein des communautés queer et trans. « J’ai réalisé que dans de nombreux espaces queer blancs, il y a un racisme latent, qui se manifeste par des questionnements sur ma légitimité en tant que personne queer d’origine nigériane et en tant qu’individu appartenant à une certaine ethnie », explique Valentina d’un ton fatigué.

Iel souligne notamment que dans les collectifs où le féminisme blanc*** est pratiqué, Valentina se voit exiger une version préconçue de la queeritude. « Lors de mon arrivée, j’ai essayé de rejoindre des groupes  2SLGBTQIA+, mais on attendait de moi que je définisse parfaitement mon identité de genre et sexuelle, y compris les pronoms à utiliser, et que je possède une connaissance exhaustive de toutes les orientations sexuelles et identités de genre », ajoute-t-iel. Ces attentes ne prenaient pas en compte la réalité de Valentina et d’autres personnes queer racisées. « Quand on est en mode survie, on n’a pas le luxe de se préoccuper de pronoms, on est constamment dans un état de peur et de fuite. On vit dans le secret, avec une honte profondément ancrée. On n’a pas le temps de négocier la façon dont on veut être traité, on essaie simplement de survivre, d’exister ».

« Ces exigences me marginalisent davantage »

L’immigrante explique que même au sein des communautés 2SLGBTQIA+ noires, il existe de l’exclusion et même de la xénophobie. « Au début, je pensais que je pouvais trouver ma place au sein de la communauté queer et trans noire, mais nous ne partageons pas le même bagage culturel, ni la même relation à notre noiritude. Iel explique qu’au Canada, beaucoup de personnes noires ont grandi dans un pays où la majorité de la population est blanche, et doivent donc consacrer beaucoup d’efforts et d’énergie pour préserver et prouver leurs  identités. « Dans ces groupes, on me dit souvent que je dois porter mes cheveux naturels et éviter d’adopter un accent canadien lorsque je parle. Mais ces exigences ne tiennent pas compte du fait que je n’ai pas de statut régulier, et que cela risque de me marginaliser davantage » explique t-iel.  

Valentina raconte une situation qu’iel a vécue à plusieurs reprises dans les espaces queer racisés qui se disent anti-racistes. « Il y a souvent cette blague que les jeunes issus de l’immigration font : ils se moquent des accents de leurs parents africains ou caribéens. Ces  mêmes personnes me recommandent d’utiliser mon accent naturel, sans comprendre qu’en se moquant de leur parents et famille, elles se moquent aussi de moi. Ce genre de plaisanterie est insultant et réducteur, surtout lorsqu’il s’agit de blagues portant sur l’intelligence », explique-t-iel. « Ce n’est peut-être pas du racisme, mais cela relève certainement de la xénophobie. »

D’ailleur, Valentina exprime que lorsqu’iel ne correspond pas aux idéologies établies, iel est punie et ostracisée par sa propre communauté présumée : noire, africaine et queer. Par exemple, la préférence ethnique et raciale des partenaires romantiques.  « On m’a souvent dit que je ne devrais pas être en couple avec des personnes blanches pour éviter le fétichisme et surtout le racisme dans les relations intimes, ce qui est un problème récurrent lorsque nous sommes des personnes de couleur. Mais une fois encore, prendre ce genre de décision ne fait pas partie de mon expérience, et on me l’impose tout de même. Les gens ne peuvent même pas comprendre qu’il fut un temps où je ne pensais pas pouvoir être aimée, où je ne pensais pas pouvoir être en couple, où je ne pensais pas pouvoir aimer sans honte. Je ne me sens pas dans une position où je vais cesser d’aimer une personne pour éviter un problème potentiel », déclare Valentina avec détermination.

« J’en ai assez de voir ma vie devenir une déclaration politique »

Alors que les rues de Montréal se préparent pour le défilé de la Fierté  de l’année, Valentina explique qu’iel a choisi de ne plus y assister. «  Mes deux premières fois, j’ai décidé de ne plus participer au défilé de la Fierté, car il est devenu un spectacle hautement capitaliste. Toutes ces marques distribuent des préservatifs et autres, mais elles n’embauchent pas de personnes comme nous, des personnes immigrantes, queer et de couleur pour occuper des postes de pouvoir et d’influence, et elles ne font pas de lobbying en notre nom lorsque c’est important » explique-t-iel. Valentina regarde son t-shirt, où une version rock metal de Céline Dion est dessinée, et esquisse un sourire chaleureux : « Je préfère désormais célébrer la Fierté avec mes amis et mes pairs qui ont choisi de se détourner de la parade officielle. Elle a été récupérée par des entreprises qui surfent sur l’arc-en-ciel pour attirer les queers et faire du profit. »

Un groupe de personnes racisées déçues en regardant le défilé de la Fierté.

Deux mois après notre rencontre avec Valentina, un doux adieu à la chaleur estivale prend place. Les premiers frissons de l’automne effleurent Montréal. La deuxième semaine d’août, une scène se dessine : des Montréalais se parent de maquillage éclatant, tandis que d’autres se rassemblent sous une multitude de drapeaux, symboles de leurs combats et de leurs espoirs. Alors que l’effervescence du défilé de la Fierté prend forme, les mots de Valentina résonnent comme un murmure puissant : « J’en ai assez de voir ma vie réduite à une déclaration politique. Je veux être aimée, simplement. Je ne veux pas que chaque aspect de mon existence soit réduit à une grande histoire politique. Je n’ai pas choisi d’être une militante, j’ai été poussée dans cette voie, tout comme d’autres issus de milieux similaires. On ne naît pas militant, mais on est oppressé jusqu’à devenir militant, et ensuite on nous pousse à porter l’étendard de la justice sociale », dit Valentina avec assurance.

* Abréviation anglophone (Black, Indigenous and People of Color) qui désigne l’ensemble des communautés noires, autochtones et de personnes racisées

** Cette catégorie comprend les personnes qui indiquent que leur sexe assigné à la naissance est identique à leur genre actuel.

*** Le terme “féminisme blanc” désigne les formes de féminisme qui semblent mettre l’accent sur les personnes blanches, tout en négligeant de reconnaître les différentes formes d’oppression auxquelles font face les personnes issues de minorités ethniques, et celles qui ne bénéficient pas d’autres privilèges.

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