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9/9/2022

Hood Heroes - épisode 1: le parcours de Julie

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

« J’ai grandi à Saint-Michel et la raison pour laquelle j’ai voulu ouvrir un salon ici, c’est le sentiment d’appartenance. » Ce sont les mots prononcés par Ngan Julie Trinh, cofondatrice du salon Pretty Little Things Ongles & Spa – ou PLT, pour les habitués.

À l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Émile-Journault, juste derrière l’arrêt de bus de la ligne 67, se trouve la devanture du salon. À travers les vitres, on voit le va-et-vient des employés et celui des clientes qui se font une beauté. Il suffit de pousser la porte pour être transporté par la trame musicale hip-hop des années 1990 et de bachata. Le nom du salon – Pretty Little Thing – est inscrit en rose fluo sur le mur noir qui surplombe l’espace commun où oeuvrent les coiffeurs et les techniciennes en pose d’ongles. À l’avant de la boutique, une dame fait ses ongles, et à côté d’elle, un enfant joue avec un bébé dans sa poussette. Un peu plus loin, une coiffeuse et sa cliente se racontent leur journée. Assise dans un fauteuil de metteur en scène, une chaise de directrice face à la caméra, la jeune entrepreneuse partage son parcours dans le but d’inciter ceux et celles qui lui ressemblent à se surpasser.

Un présent façonné par son passé

« Je viens d’une famille pauvre […], mais ce n’est pas parce que tu ne viens pas d’une famille riche que tu ne peux pas réussir. On choisit son destin et il faut juste ne pas lâcher prise », déclare la jeune femme.

Ngan Julie Trinh gère deux entreprises en plus de son salon, ainsi que l’Académie Pretty Little Thing. En raison de son parcours, elle est une source d’inspiration pour les jeunes femmes de son quartier. « Le fait qu’elle ait été entrepreneuse très jeune m’inspire beaucoup », confie Arleen Cristal, 18 ans, qui travaille au salon et qui a suivi sa formation à l’Académie PLT.

Âgée de 29 ans, Julie possède déjà un riche parcours dans le monde de l’entreprenariat. À 24 ans, elle ouvrait son premier commerce, un restaurant de banh mi, avec son partenaire. Tout n’a pas toujours été rose pour cette fonceuse. Au lancement de ce premier projet – La Viet Sandwicherie –, Julie et son partenaire ont consacré toutes leurs économies. À cette époque, la jeune femme devait jongler avec de nombreuses responsabilités pour faire fonctionner son commerce et vivre. « Le matin, je me levais et je partais travailler à la banque. Par la suite, j’allais au restaurant, et après, j’avais les cours du soir à l’université. À la fin des cours, je travaillais dans un bar jusqu’à 4 h du matin », confie-t-elle. Ce rythme de vie, la propriétaire du salon l’a maintenu pendant deux ans. Malgré les hauts et les bas, Julie a su se relever et, surtout, apprendre de ses erreurs. Après la vente du restaurant, elle se prépare maintenant à ouvrir un autre commerce.

Julie revient sur son enfance et sa famille, qui sont pour elle une grande source de motivation. Son passé, elle a su se l’approprier et en faire une force. La vie n’a pas toujours été facile, mais c’est ce qui inspire les clientes, étudiantes et employées qui vivent des situations similaires à ce qu’elle a vécues il y a quelques années. « Cela ne fait pas longtemps que j’ai commencé à en parler ; je suis quelqu’un de réservé, raconte-t-elle. Lorsque j’entends aujourd’hui des gens me dire que leur famille a des problèmes d’argent et qu’ils doivent travailler pour aider leurs parents, je suis capable de leur dire que j’ai vécu la même chose. » En voyant sa mère occuper quatre emplois simultanément, Julie a voulu réussir pour lui offrir une meilleure qualité de vie. « Malheureusement, nos parents viennent ici et vivent pour travailler. Moi, je voulais vraiment qu’ils vivent », ajoute-t-elle, parlant au-dessus des pleurs d’un enfant qui visite le salon. C’est là son plus grand accomplissement : avoir rempli sa mère de fierté et lui offrir la possibilité d’abandonner trois de ses emplois pour n’en garder qu’un seul.

Un quartier qui fait sa marque

Depuis son ouverture, il y a trois ans, le salon compte de nombreux clients fidèles. C’est le cas de Lorie, qui fréquente régulièrement PLT. Aujourd’hui, sa relation avec la propriétaire va au-delà du simple rapport professionnel. « Il nous arrive d’aller ensemble au restaurant », témoigne Lorie de leur amitié. Cette dernière estime qu’aller chez PLT lui permet non seulement de recevoir des services d’esthétique, mais est aussi « un moyen d’encourager Julie, une jeune comme nous qui a réussi ». Et il s’agit plus que du succès de son amie. « Elle inspire les jeunes du quartier, pour qui il est difficile de réussir ; elle crée des emplois et apporte du changement et du courage. »

Ouvrir une entreprise dans Saint-Michel était une évidence pour Julie. Elle a elle-même grandi sur le boulevard Pie-IX au sein d’une famille vietnamienne et a vécu toute sa jeunesse dans ce quartier.

Naturellement, lorsque l’idée de lancer une autre entreprise s’est imposée, elle y a vu l’endroit idéal. Julie ne se laisse pas distraire par les discours qui dépeignent parfois le quartier de façon négative. « Beaucoup de gens pensent que, parce qu’on s’établit dans Saint-Michel, ça ne va pas fonctionner », déplore-t-elle.

Forte de son expérience en gestion de commerce et en marketing, elle a su dégager les avantages que présente son quartier. « J’ai fait beaucoup de calculs. […] Tout d’abord, je suis sur le boulevard Saint-Michel, qui est une artère très achalandée et qui se trouve tout près de l’autoroute 40. Nous sommes près d’un arrêt de bus et de plusieurs écoles secondaires », énumère-t-elle.

Le salon est aussi le cheval de bataille de Ngan Julie et lui permet de briser de nombreux stéréotypes associés au quartier. « Ce n’est pas parce qu’on vient d’un endroit plus défavorisé qu’on n’est pas professionnels », affirme-t-elle en rappelant que les entreprises du coin ont un aussi bon service et une aussi bonne gestion que les autres installées ailleurs. « On peut aussi créer de l’emploi pour le monde autour de nous », ajoute l’entrepreneuse.

Julie compte actuellement 26 employés. Parmi ces derniers, il y a Arleen Cristal. « Julie, je la connais depuis que j’ai 14 ans. Je venais faire mes ongles avec ma mère chez elle. Elle m’a vue grandir », révèle timidement l’étudiante. La jeune femme nous raconte qu’elle a démarré sa carrière d’esthéticienne au salon sur un coup de tête. « Je recevais un soin lorsque j’ai entendu Julie parler de l’Académie PLT. Je me suis dit : “Pourquoi ne pas essayer ?” », explique-t-elle.

Un an plus tard, Arleen est devenue esthéticienne au salon. Travailler au salon Pretty Little Thing lui a permis de vaincre sa timidité et de devenir plus sociable. Sous l’aile de sa mentore, Arleen a également eu la piqûre pour l’entrepreneuriat. Elle pense poursuivre ses études en gestion de commerce et ouvrir sa propre entreprise bientôt. « Je suis très intéressée par la restauration et par l’idée d’entreprendre », confie-t-elle.

« Peu importe ton passé, tu peux toujours réussir » – voilà le message que lance Julie à la jeunesse de Saint-Michel.

L’actualité à travers le dialogue.
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