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Intimidation à l’école : se battre pour son enfant malmené
Samy, 7 ans, a vécu de l"intimidation à son école primaire
27/8/2021

Intimidation à l’école : se battre pour son enfant malmené

temps de lecture:
5 Minutes
Initiative de journalisme local
Journaliste:
ILLUSTRATEUR:
COURRIEL
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Note de transparence

À la rentrée des classes, si la pandémie soulève des craintes, des centaines d’enfants au Québec redoutent autre chose: le retour de l’intimidation en milieu scolaire.Que faire quand on apprend que son enfant de 7 ans tient des propos suicidaires à l’école? Qu’il a subi un traumatisme crânien sous les coups répétés de ses camarades de classe ? Qu’il faut aller le chercher matin, midi et soir pour éviter d’être la cible de violence ?

On remue ciel et terre.

C’est ce qu’a fait Khadija Barbe, qui voit son fils crouler sous les frappes de l’intimidation à l’école depuis plus d’un an. « Je suis au bout du rouleau. On en est à demander un changement d’école, mais encore une fois je me bute à des murs », raconte la mère du petit Samy. Depuis des mois, elle dit être empêtrée dans un dédale bureaucratique sans fin avec, au cœur, son fils en détresse. « Dès la mi-septembre, on a su qu’il recevait des coups à l’école. Il n’en parlait pas, mais revenait souvent avec des marques et blessures et ce, sans rapport d’incident. On a aussi remarqué un changement dans son comportement, et un sommeil agité ».

Suite à ces constats et quelques commentaires de l’enseignante, la mère décide de faire évaluer son fils chez un neuropsychologue. Il en ressort plusieurs diagnostics, incluant un TDAH et un trouble anxieux. À cela s’ajoutent d’autres troubles relevés précédemment, notamment au niveau du langage et de la vision. Toutes ces différences en font une cible facile, croit la mère de Samy. « J’avais déjà remarqué certains comportements violents envers mon fils, l’an dernier, par exemple lorsque j’accompagnais la classe en sortie scolaire. Mais j’ai toujours donné le bénéfice du doute. On ne veut pas croire que son enfant est victime d’intimidation ».

Aujourd’hui, elle n’a plus de doute. Elle demande aussi de l’aide au CLSC, qui se rend dans la cour d’école pour prendre acte des bousculades impliquant son fils. Le médecin de famille de l’enfant décèle par ailleurs un traumatisme crânien, et recommande un changement de classe à l’enfant.

Cette demande est refusée par l’école et, aux dires de Mme Barbe, les évènements continuent à être minimisés. Malgré un plan d’intervention, la violence continue et le petit Samy n’est pas cru lorsqu’il dénonce les injustices subies. Dans une lettre envoyée par le personnel de l’école aux parents, on confirme d’ailleurs « ne pas chercher à savoir qui donne le premier coup », invitant tous les parents impliqués à discuter avec leurs enfants de leur comportement. « Cette lettre a été la goutte de trop ! Comment prétend-on vouloir régler une situation, sans chercher à savoir qui donne le premier coup, qui se défend et qui provoque ? », déplore la mère.Contactée pour réagir dans le cadre de cet article, l’école et la commission scolaire déclinent une demande d’entrevue. On assure par contre que : « La direction de l’école et la direction générale du Centre de services scolaire ont pris la situation très au sérieux.

Conformément au code de vie de l’école et au Plan de lutte contre l’intimidation et la violence, et à la suite d'une étroite communication avec le parent, des mesures ont été mises en place pour régler la situation. À l’instar de l’ensemble des établissements scolaires du Québec, il importe de préciser que toutes les écoles du Centre de services scolaire des Mille-Îles ont un Plan de lutte contre l’intimidation et la violence ».

Un travail à temps plein

Le problème, pour la mère de Samy, c’est que cette bataille pour le bien-être de son fils est quasiment devenue un travail à temps plein. En plus de devoir aller le chercher matin, midi et soir à l’école, elle est constamment impliquée dans des démarches que ce soit auprès de la police et de la DPJ, qu’elle a elle-même contactées, de la commission scolaire, du protecteur de l'élèves, des professionnels de la santé, et plus encore. « Le CLSC ne veut pas avoir l’école à dos, la police ne s’en mêle pas, les députés ne peuvent rien faire....

Il est là le problème! C’est pour ça que ça continue et que ça continuera encore longtemps car personne ne veut se mouiller et agir concrètement ! », souffle la mère exaspérée.Debra J. Peppler, psychologue experte en intimidation et violence et professeure à l’Université York en Ontario, n’est pas surprise. « C’est une réalité que l’on voit beaucoup. Les parents n’ont pas le choix de se battre pour le bien-être de leurs enfants. En Ontario, il y a même plusieurs situations qui se retrouvent devant les tribunaux, mais la plupart se règlent hors cours alors on a pas accès à cette jurisprudence pour avancer la cause ». Au Québec, un premier procès opposant une famille dont l’enfant a été victime d’intimidation à la commission scolaire a abouti en 2018.

La famille a eu gain de cause, prouvant que l’école n’avait pas suffisamment agi pour protéger leur fille. Depuis 2011, suite au suicide d’une adolescente, le gouvernement Québécois s’est pourtant doté d’une loi pour agir contre l’intimidation et la violence à l’école. Cette loi contraint notamment les écoles à se doter d’un plan d’action qui doit prévoir comment prévenir l’intimidation, signaler les cas, assurer la confidentialité des plaintes, agir lorsqu’un cas est signalé, soutenir les victimes et témoins. Les élèves doivent aussi avoir une formation sur l’intimidation et connaître les sanctions qui peuvent s’appliquer. Le plan de lutte contre la violence et l’intimidation doit aussi prévoir des conséquences pour les élèves qui posent ce type de gestes. « Le plan a été établi avec l’aide d’experts dans le domaine de l’enfance et les recherches actuelles indiquent que la « punition » des intimidateurs n’est pas nécessairement toujours la voie à privilégier.

On travaillera idéalement plutôt en prévention et en réparation, mais évidemment chaque cas est unique», précise Jean-François Rioux, secrétaire général de la Fédération des comités de parents du Québec.

Dr Peppler est d’accord. « Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un enfant qui intimide est souvent lui-même victime d’une forme d’intimidation, souvent à la maison. Il utilise ensuite le concept de hiérarchie du pouvoir à son avantage », explique-t-elle. « Et en lui imposant une suspension ou une punition, qu’est-ce que l’enfant apprend? Que celui qui est en situation de pouvoir (l’adulte) peut s’imposer. Il vaut mieux travailler à offrir une occasion de réparation et de leadership positif (aller aider des plus jeunes dans une classe de maternelle, par exemple).L’impact de cette loi est d’ailleurs difficile à mesurer, puisqu’il n’existe à ce jour pas de mécanisme pour en évaluer la portée. « À chaque année, les écoles vont quand même rédiger un rapport annuel pour faire un état de la situation, recenser des données. Les écoles sont également invitées à revoir le plan à chaque année afin de l’actualiser à la lumière de cette évolution », précise Jean-François Rioux.

Des impacts à long terme

Debra Peppler se désole tout de même que le pays ne se soit pas doté d’un plan de lutte national contre l’intimidation, comme l’ont fait de multiples autres pays depuis belle lurette. Selon une étude menée par l’OMS, le Canada se retrouve en effet aux 26e et 27e rangs sur 35 pays en matière de lutte contre l’intimidation en milieu scolaire. C’est pour cela que la psychologue travaille avec l’équipe de Prevnet afin de créer un réseau national de lutte contre la violence et l’intimidation.

Leur but : créer des ponts entre la science, la recherche et les citoyens sur le terrain qui œuvrent auprès des enfants. Leur site propose notamment des ressources et une « boîte d’outils » qui détaille les démarches à suivre en cas de problématique.  Le petit Samy n’est pas le seul à vivre l’enfer de l’intimidation dès l’école primaire. Un sondage mené par la Chaire de recherche Bien-être à l’école et prévention de la violence de l’Université Laval en 2017 démontre que 15 % des élèves québécois (160 000 enfants) subissent des violences récurrentes (plus de trois fois par mois) à l’école.Cette violence a des conséquences durables. Des chercheurs des universités Lancaster, de Wollongong et de Sydney ont révélé lors de la conférence annuelle de la Royal Economic Society que le fait d’avoir été intimidé à l’école gonflait de 40 % le risque d’être victime d’une maladie mentale à l’âge de 25 ans et rehaussait d’environ 35 % le risque d’être au chômage à l’âge de 25 ans. Une autre étude longitudinale menée en Grande-Bretagne a suivi des enfants victimes d’intimidation de l’âge d’environ 10 ans jusqu’à l’âge de 50 ans.

Le constat est sans équivoque : les effets de cette violence peuvent perdurer durant des décennies.

«Écoutez les enfants. Ils savent mieux que nous ce qui se passe. Ils ont des droits humains fondamentaux, et ils sont bafoués », conclut Dr Peppler.

Ressources :Démarche à suivre si votre enfant est victime de violence ou d’intimidation

Communiquez avec le directeur de l’école pour qu’une intervention efficace soit menée auprès de votre enfant et de son agresseur, conformément au plan de lutte contre l'intimidation et la violence qui a été établi par l’école.

 Si votre enfant présente des symptômes affectant sa santé physique et mentale, procédez à une évaluation auprès du médecin de famille ou tout autre expert pertinent. Gardez des traces écrites de ces démarches.

 Si vous n’avez pas de nouvelles, communiquez de nouveau avec le directeur de l’école, cette fois par écrit (courriel ou lettre), en envoyant une copie à la direction générale du centre de services scolaire (CSS).

Si vous êtes toujours insatisfaits, vous pouvez aussi communiquer avec le protecteur de l’élève attitré du CSS ou de la CS. Le protecteur de l’élève a pour mission d’agir comme médiateur en fin de processus lorsque le plaignant est insatisfait de l’examen de sa plainte.

Si vous jugez que la sécurité de votre enfant est menacée n’hésitez pas à communiquer avec la police.

Ce recours vous appartient, peu importe les interventions menées par l’école.
À noter : Parallèlement à ces démarches, vous pouvez demander du soutien auprès de diverses ressources communautaires tel que le CLSC, l’office des personnes handicapées du Québec s’il ya lieu, la LigneParents, l'organisme Espace Sans Violence, etc. Guide à l’intention des parents de la Fédération des Comités de parents du QuébecPrevnet, Centre canadien pour des relations saines : prévenir la violence interpersonnelle par la recherche et la pratique. 
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